Galerie Monnin, Gérard Paul

Les trois femmes d'Égypte de Gérard Paul (1974). Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Les trois femmes d’Égypte de Gérard Paul (1974).
Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Gérard Paul est né le 9 octobre 1943 à Port-au-Prince. Il est âgé de six ans lorsque meurt son père. Il est recueilli par sa marraine qui vit du maigre revenu de quelques maisonnettes qu’elle possède du côté de l’Hôpital Général. Il fait des études sommaires et à l’âge de quatorze ans, il est apprenti ébéniste et maçon. Il taquine le pinceau en qualité de peintre en bâtiment. À dix-neuf ans, il est « boss » et travaille pour l’ingénieur Kernisant qui laisse Haïti en 1963. À la fin de cette même année, il accepte un emploi à l’Ambassade d’Allemagne où il reste comme homme à tout faire. En 1965, il peint son premier tableau, essai timide confectionné à l’aide de résidus de peinture caoutchouc. Madame Malsy-Minsh, femme de l’Ambassadeur, trouve son idée originale et, lors de son retour d’un voyage d’Europe, lui fait don d’une boîte de peinture à l’eau. Ses premières aquarelles sont collectionnées par Madame Malsy-Minsh. Il peint aussi pour ses amis à l’occasion d’un mariage, d’un anniversaire ou d’une communion. Marié en 1969, il est alors père de quatre enfants dont deux jumeaux âgés de sept ans. C’est en 1972 qu’il entre à la Galerie Monnin à Port-au-Prince. Tout de suite, il est remarqué par les collectionneurs avisés à tel point que Madame de Cluzeau, propriétaire de la Galerie Séraphine à Paris, organise une exposition de ses oeuvres.

DIALOGUE AVEC GÉRARD PAUL:

Q. – Avez-vous des frères et des soeurs?
R. – Bo manman moin nou té 8 pitites. Bo papa moin, m’pa connaît; en pile… papam
té vagabond
Q. – Quelle est votre religion?
R. – Catholique… oui… sourire… mais moin sèvi vodou tou.
Q. – Quel est votre rêve le plus cher?
R. – Voyager, loin, dans un grand bateau.
Q. – Où aimeriez-vous aller?
R. – À Miami.
Q. – Pourquoi Miami?
R. – M’trouvé nom à bel.

     C’est un peu cela la poésie de Gérard Paul. Une poésie du laisser-vivrre, de la facilité et du sourire amusé. C’est un paradis perdu et reconquis, mais toujours peuplé de forces obscures, génies protecteurs ou maléfiques. D’ailleurs, l’influence mystique du vaudou se retrouve dans la quasi totalité de ses oeuvres. Maîtresse Dantor, Saint-Jacques Majeur, Ogou Ferraille, Erzulie, Baron Samedi donnent à son inspiration naïve, une force singulière toute empreinte de mystère et de vénération enchantée. Des bateaux ivres chargés de fleurs et de victuailles voguent au milieu des sirènes vers des terres lointaines, hantées par les loas et les bruit des tam-tam; des chevaux de lumière conduits par Baron, Saint-Georges vainqueur du Dragon nous transportent dans les forêts mystérieuses peuplées d’oiseaux magiques où fleurit l’arbre de vie.

Gérard Paul, c’est l’inspiration inquiète et curieuse, c’est le surnaturel dans la vie de tous les jours, c’est le mariage de la nature mère nourricière et des Dieux qui régissent les éléments. C’est un peu du Chagall à la sauce tropicale; c’est beaucoup d’Hyppolite, prêtre vaudou génial qui charme André Breton.

– Michel Monnin, carnets écrits entre 1975 et 1979 (inédits)


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mis en ligne : 1 octobre 2002 ; mis à jour : 16 octobre 2020