La Pirogue, un moyen de transport millénaire

Dossier sur la pirogue rédigé et illustré par les élèves du Lycée Professionnel privé Saint Joseph de Punaauia, et mis en page par Poerava Wong Yen. (*)

Dessin © 2005 Marie-Joseph Ihopu Pirogue individuelle de course en 3D

Dessin © 2005 Marie-Joseph Ihopu
Pirogue individuelle de course en 3D

I.  Les mots de la pirogue, par Alexis Moo, Moana Papa et Teiva Bisiaux.

II.  La pirogue, un moyen de transport millénaire, par Rony Ebb, Georges Tehevini et Vetea Teihoarii.

III.  Les différents types de pirogues aux îles de la Société au XVIIIe siècle, par Marc Yule, Manahauarii Tahi et Arthur Fournier.

IV.  L’apprentissage des techniques de la navigation ancestrale, par Moroni Tehetia, Michel Tokoragi, François Faatauira, Taifea Kokauani, Punuarii Sandford et Ito Carbayol.

V.  Les accessoires de la pirogue, par James Richmond et Ludwig Apuarii.

VI.  Entretien avec Franck Taputuarai, par Kévin Nuupure, Pukeia Tikare, Freddy Mana, Joseph Ihopu, Manuhei Snow et Karl Papa.


Dessin © 2005 Taifea Kokauani Pirogue à voile

Dessin © 2005 Taifea Kokauani
Pirogue à voile

I. Les mots de la pirogue

Dans toute l’Océanie on trouve la pirogue, le mot et l’objet.

Le mot

Le mot pirogue existe dans toute l’Océanie. D’une île à l’autre, on peut entendre « va’a », « vaka », « haveke », « waka », « wa’a » ou encore « kami’a » pour désigner la pirogue.

L’objet

Toutefois, ce n’est pas qu’un mot. C’est avant tout un objet composé de 14 éléments, que la pirogue soit à voile ou à balancier : une pagaie, une pagaie-gouvernail, une poupe, un ornement de mât, une coque, une quille, une voile, une écope, un hanbau, une pique, une proue, la traverse arrière, la traverse avant, un balancier flotteur.

La pirogue est donc un point commun entre les peuples de toute l’Océanie : par le mot et l’objet.


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Dessin © 2005 François Faatauira Pirogue double à voile

II. La pirogue, un moyen de transport millénaire

Il y a 3000 ans, les Polynésiens voyageaient en pirogue pour peupler le Pacifique. Ils se déplaçaient en pirogue double à voile.

* * *

Un moyen de transport millénaire

La pirogue était le seul moyen de transport sur l’eau pour tous les Polynésiens alors venus d’une autre terre. Ils utilisaient deux types de pirogues doubles à voile appelées « pahi » ou « tipaerua ».

Dessin © 2005 Michel Tokoragi Pirogue double à voile de face et de profil et, en bas, une pirogue de pêche lagonnaire

Dessin © 2005 Michel Tokoragi
Pirogue double à voile de face et de profil et, en bas, une pirogue de pêche lagonnaire

Les caractéristiques des pirogues doubles à voile

La pirogue « tipaerua » était une sorte de catamaran à une ou deux voiles. Sa taille était de 13 à 25 mètres . Elle servait de moyen de transport d’île en île. La « pahi » était destinée aux grands et longs voyages. Elle était manœuvrée par 4 à 8 hommes selon son importance. Sa taille était de 17 à 25 mètres.

La pirogue : un territoire

La pirogue était également un territoire. Elle recevait le nom de la lignée ; nom qui était aussi celui de la terre quittée. Enfin, la terre conquise recevait le nom de l’embarcation.

* * *

Ainsi, les Polynésiens considéraient la pirogue comme un moyen de transport mais aussi comme un territoire, comme leur « fenua ».


Dessin © 2005 Torea Marcillac Pirogue individuelle de course

Dessin © 2005 Torea Marcillac
Pirogue individuelle de course

III. Les différents types de pirogues aux îles de la Société au XVIIIe siècle

Au XVIII° siècle, les Polynésiens utilisaient 3 types de pirogues en bois. On les classait en fonction de leur usage. Il existait des pirogues pour pêcher, d’autres pour voyager, et enfin des pirogues pour faire la guerre.

Les pirogues de pêche

Il existait 3 pirogues de pêche. La première, « va’a » ou « pu hoe » était une petite pirogue de pêche lagonnaire. La seconde, « va’a motu », était une pirogue de pêche côtière. La troisième, « va’a tira », était une pirogue de pêche en haute mer.

Les pirogues de voyages

Les pirogues de voyages sont des pirogues doubles à voile. Il en existait deux sortes. La première, « tipaerua » mesurait entre 13 et 25 mètres. C’était une sorte de catamaran qui pouvait contenir jusqu’à soixante personnes, plus des provisions. La seconde, « pahi », mesurait de 17 à 25 mètres et elle était manœuvrée par 4 à 8 hommes et elle possédait une plateforme supportant des abris.

Les pirogues de guerre

Les « pahi tama’i » étaient des pirogues de guerre, mesuraient entre 17 à 25 mètres , étaient assez semblables au « pahi » sans voile, et possédaient toujours une plate-forme pour les guerriers.


Dessin © 2005 Taifea Kokauani Pirogue double à voile

Dessin © 2005 Taifea Kokauani
Pirogue double à voile

IV. L’apprentissage des techniques de la navigation ancestrale

Aux temps anciens, les Polynésiens apprenaient à leurs enfants les techniques de navigation ancestrales par des jeux ludiques tels que le « titira’ina », le « aumoa » et le « pauma ».

Le « titira’ina »

Le « titira’ina » est comparé à un hydro aéroglisseur. Ce jeu était pratiqué sur l’eau et dans les airs. Pour mieux maîtriser cet objet, il fallait bien connaître les courants, leurs directions, leurs forces et leurs dangers.

Le « aumoa »

Le « aumoa » est un modèle réduit de pirogue de jeux. Aux temps anciens, ce jeu était plutôt pratiqué à Taha’a, aux îles sous-le-vent. Les Polynésiens apprenaient à se guider et se repérer grâce au soleil et aux étoiles.

Le « pauma »

Le « pauma » est un cerf-volant. Ce jeu était pratiqué dans les airs.

Pour mieux maîtriser cet objet, les enfants devaient maîtriser les vents, leurs directions et leurs forces.

Ainsi, si vous voulez apprendre les techniques de navigation ancestrales, vous pouvez commencer par ces trois jeux !


Dessin © 2005 Ito Carbayol Pirogue double à voile

Dessin © 2005 Ito Carbayol
Pirogue double à voile

V. Les accessoires de la pirogue

Il y avait trois accessoires nécessaires à la pirogue : l’écope, la pagaie et l’ancre.

L’écope

Les pirogues n’étaient pas totalement étanches, l’eau passait à travers les planches de bois. Il fallait donc écoper, c’est-à-dire retirer l’eau à l’aide d’une écope. Généralement en bois, on pouvait aussi se servir d’une simple demie coque de noix de coco vide.

La pagaie

Une fois que la pirogue était sur l’eau, il fallait la diriger. Pour manœuvrer, on utilisait la pagaie, ou « hoe » en bois. La partie plate de la pagaie formait une résistance à l’eau et propulsait la pirogue en avant. La pagaie servait aussi de gouvernail.

L’ancre

Pour maintenir la pirogue à un endroit précis du lagon, on jetait une ancre par-dessus bord. À l’époque, l’ancre de pirogue était une grosse pierre. Les ancres provenaient des Marquises, de Mangareva et de Moorea.

Ces trois accessoires de la pirogue existent dans toute l’océanie, mais ils diffèrent de par leur forme.


Dessin © 2005 Franck Taputuarai Maquette de la pirogue double à voile confectionnée

Dessin © 2005 Franck Taputuarai
Maquette de la pirogue double à voile confectionnée

VI. Entretien avec Franck Taputuarai :

Professeur en peinture vitrerie et revêtement au Lycée Professionnel Saint Joseph de Punaauia, Franck Taputuarai répond à nos questions et nous parle de son projet pédagogique : confectionner avec ses élèves une maquette de pirogue double traditionnelle.

À quelle occasion avez-vous proposé à vos élèves de première année de BEP en Peinture Vitrerie et revêtement de fabriquer cette maquette de pirogue double ?

Franck : C’est à l’occasion de la journée polynésienne du Lycée professionnel privé Saint Joseph que j’ai proposé à mes élèves de travailler sur le thème des immigrants polynésiens et leurs déplacements en pirogue double. D’où l’idée de fabriquer une maquette. Sachez toutefois que ce projet s’est fait avec l’étroite collaboration de leur professeur de Lettres Histoires, Mme Loana Sanford.

Comment vos élèves ont-ils confectionné cette pirogue double ? Dites-nous quelles étaient les différentes étapes de fabrication.

Franck : Mes élèves ont confectionné cette maquette de pirogue double en suivant ces 9 étapes :

  • étape 1 : Recherche au CDI de modèles de pirogues doubles avec leur professeur de français.
  • étape 2 : Mise à l’échelle du modèle sélectionné.
  • étape 3 : Découpe des 4 contre-plaqués, suivi du ponçage.
  • étape 4 : Découpe du balancier et collage des « aeho » (représentent les bambous en grandeur nature).
  • étape 5 : Fixation du mât au milieu de la plate-forme en « aeho » et de sa voile en « kere ».
  • étape 6 : Consolidation du mât en reliant le bout du mât avec les quatre extrémités de la pirogue double.
  • étape 7 : Fabrication d’un abri en pandanus sur la plate-forme.
  • étape 8 : Ornement de la pirogue double avec quatre « tikis » (statues de divinités marquisiennes), mise en place de la pagaie-gouvernail.
  • étape 9 : Vernissage de l’ensemble de la pirogue.

Quels matériaux naturels ont-ils utilisé ?

Franck : Mes élèves ont essentiellement utilisé du « kere », du « aeho » et du pandanus.

À votre avis, qu’est-ce que ce projet a apporté à vos jeunes élèves ?

Franck : Ils ont trouvé la réponse à la fameuse question : « D’où viennent les Polynésiens ? » ; et par extension à cette autre question : « D’où venons-nous ? ».

Croquis © 2005 Franck Taputuarai Maquette de la pirogue double à voile confectionnée

Croquis © 2005 Franck Taputuarai
Maquette de la pirogue double à voile confectionnée


Spécialement conçu pour Île en île, ce dossier sur la pirogue a été rédigé et illustré en avril et mai 2005 par les élèves de CAPD CEB 3ème année du Lycée Professionnel privé Saint Joseph de Punaauia, et par Franck Taputuarai ; mis en page par leur professeur de français, Poerava Wong Yen. Les dessins ont été réalisés avec la collaboration de leur professeur de dessin technique, Teva Schmith.

© 2005 Île en île


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mis en ligne : 22 juin 2005 ; mis à jour : 25 avril 2021