Geneviève Gaillard-Vanté, une ébauche riche en émotions (entretien)

propos recueillis par Marie-Hélène Rameau

Avec force dans le style, Geneviève Gaillard-Vanté nous revient avec une ébauche riche en émotions. Héros de Bagdad, un hommage à la mémoire, est aussi un hymne à l’exceptionnel des sentiments. Dans ce conte épuré, l’auteur nous entraîne au fond de l’âme d’un correspondant sur la ligne de feu à l’heure de l’inévitable. Un court récit, des mots tracés dans un langage simple sans fioritures.

Marie-Hélène Rameau: Madame Vanté, écrire représente quoi exactement pour vous?

Geneviève Gaillard-Vanté: Vibrer, transmettre, voyager, vivre intensément.

Votre récent conte signé à Livres en Folie, intitulé Héros de Bagdad, nous accompagne loin, ailleurs. Pourquoi ce choix?

GGV: Mon deuxième roman, de plus de deux cents pages, qui se déroule une nouvelle fois en partie en Haïti est prêt à être publié. Le faire à compte d’auteur dans l’immédiat me semblait un trop grand risque par rapport aux coûts de publication et de promotion. L’achat d’un livre de nos jours n’est pas non plus une priorité. Héros de Bagdad, m’ayant été inspiré à partir d’un fait d’actualité, a finalement remplacé le rêve de publication du roman.

Quelques mots autour de ce court récit?

GGV: Héros de Bagdad exprime sous forme de tableaux, en peu de mots, des images autour du mystère de la pensée, des sentiments… De la fin terrifiante des correspondants de l’Hôtel Palestina m’est venue l’inspiration de ce «micro roman». Dans la sphère intime peuvent apparaître des personnages complices rencontrés dans des lectures ou ailleurs, d’où toute leur importance dans la fabulation. Le plus étrange est qu’un matin on se réveille et on ne sait pas que l’on va rédiger ce texte-là.

Et cela se passe comment, la création d’un conte par exemple?

GGV: Comme pour le roman, une image, une émotion, une parole va déclencher ce besoin imminent d’aligner les mots. De là, se mêlera alors l’imaginaire, pour aboutir à la réalisation de l’œuvre.

Héros de Bagdad, un conte dans sa conception d’une originalité absolue, est narré à la première personne. Pensez-vous avoir réussi à mieux comprendre les sentiments ou émotions du sexe opposé pour autant?

GGV: Les sentiments, les peurs, les émotions, les angoisses ou espoirs sont les mêmes chez tout humain. Bien que la manière de l’exprimer soit le plus souvent moins démonstrative, j’imagine en tout cas qu’un homme au bout de sa vie, qui a aimé, lutté, vibré intensément, peut tout aussi bien se sentir plus ou moins comme j’ai tenté de le décrire dans Héros de Bagdad.

Beaucoup d’heures investies pour aboutir à un conte, un roman?

GGV: Une discipline littéraire stricte de deux années, six à huit heures (parfois douze) par jour de travail se sont imposées pour me permettre de me rapprocher de la fin de mes deux romans. Héros de Bagdadpar contre a été conçu sous le coup d’une impulsion soudaine, un élan foudroyant.

D’un trait?

GGV: Une illumination arrivée sans prévenir. Un éclair!

À quoi ressemble votre lieu de travail?

GGV: Des étagères… des livres empilés… Une table de travail, un écran plat, un ventilateur à palette de bois tourne au plafond lentement, dans un beau désordre parmi les plumes et le papier… Trois fenêtres m’entourent avec une vue comblée de verdure… De la musique lente instrumentale en sourdine, un verre d’eau toujours plein, le bruissement des feuilles et le chant des oiseaux au dehors…

Vous écrivez à la main?

GGV: Très peu. La pensée allant plus vite que l’écriture manuelle, l’ordinateur est magique, je dirais. Mon expérience dans les montages d’images ou la réalisation de textes publicitaires pour la radio, la télé, me sert pour bouger avec beaucoup d’aisance les paragraphes dans mes romans comme pour la réalisation de séquences d’un film.

Ombres du temps, ici et tout récemment à Montréal, stock pratiquement épuisé, un best-seller pour Haïti?

GGV: Tout auteur haïtien devrait arriver à écouler au moins dix fois plus si les livres ne coûtaient pas autant. Malheureusement avec la dévaluation flagrante de notre monnaie, l’impression d’un livre, après l’importation du papier, de l’encre, se calcule inévitablement en monnaie étrangère, d’où le coût si lourd actuellement à la revente! À mon avis, la majorité des œuvres de nos auteurs, n’était-ce cet inconvénient, devrait pouvoir devenir des best-sellers.

Un nouveau projet en cours?

GGV: Mon deuxième roman comme mentionné plus haut est terminé. Entre trois ou quatre pages sur différentes idées, j’entame un troisième long projet d’écriture actuellement, encore en gestation, en images dans mon cerveau.

Vous nous révélerez une idée de votre deuxième roman?

GGV: Plus de deux-cents pages, un voyage dans le temps, au début du siècle dernier… un hymne au plus noble sentiment… De profondes réflexions… Le bonheur de lecture à offrir, je pense une nouvelle fois avoir réussi.

Publier à conte d’auteur est-ce difficile chez nous, et qu’avez vous à votre actif?

GGV: La publication à compte d’auteur chez nous, comme mentionné plus haut, pour ceux qui l’ignorent, est un plaisir très onéreux… La promotion de nouveaux talents est le plus souvent rendue possible grâce à une subvention concédée ou secondée par l’appui d’un promoteur, soit à travers la création d’un prix littéraire ou à une aide sous couverture publicitaire, peut-être… Mis à part Le Prix Deschamps, je n’en connais pas d’autres s’intéressant au genre que je développe. Et l’ouverture auprès d’une maison d’édition n’a plus rien à voir strictement avec le talent ou la qualité d’une œuvre! Aucun risque n’est pris à lancer un nouvel auteur. À mon actif: quelques textes publiés sur le net, un récit publié sous forme de conte, deux romans terminés, un troisième grand projet en développement, en attente. Du «Destin?» Ou simplement en héritage à la littérature contemporaine de mon pays!

Port-au-Prince, juillet 2003

Geneviève Gaillard-Vanté, Prix d’Aptitudes Linguistiques ONU 1983, Editor’s Choice Award 1997 a obtenu le Prix Deschamps 2001, spécial 25ème anniversaire, pour son roman Ombres du temps.


Cet entretien a été publié pour la première fois à Port-au-Prince dans Pluriel Magazine (août/septembre 2003), pages 10-11. Il est republié sur Île en île avec la permission de la revue.

© 2003 Pluriel Magazine


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mis en ligne : 7 septembre 2003 ; mis à jour : 29 octobre 2020