Carl de Souza, 5 Questions pour Île en île


L’écrivain Carl de Souza répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 22 minutes réalisé par Thomas C. Spear chez l’auteur à Albion (Île Maurice), le 20 juin 2009.
Caméra : Anjanita Mahadoo.

Notes de transcription (ci-dessous) : Ashwiny Kistnareddy.

Dossier présentant l’auteur sur Île en île : Carl de Souza.

début – Mes influences
03:05 – Mon quartier
05:26 – Mon enfance
08:52 – Mon oeuvre
17:21 – L’insularité


Mes influences

Graham Greene, The Quiet American qui le lance sur une succession de romans se passant dans un milieu colonial qui le fascine, et aussi un monde où la présence anglaise est importante. Est fasciné par le roman The End of the Affair.

Lire un livre, c’est la relation avec un auteur, un livre et une écriture, mais aussi le partage avec d’autres.

Auteurs francophones : les classiques, Racine, Molière… quand on a cessé de lui demander de les disséquer ! Renoue avec la littérature française grâce aux auteurs du 20e, « engagés », Sartre, Camus.

Beaucoup plus tard a appris à apprécier le Nouveau Roman. Aujourd’hui, s’intéresse beaucoup à Proust.

Mon quartier

Habite à Albion dans l’ouest de l’île Maurice… pas très loin de la mer… à côté d’un champ de cannes à Médine.

Non loin, il y a un phare… Le nom d’Albion – « perfide Albion » – donné par les Français aux Anglais.

Le village se situe dans le district de Rivière Noire, un district peuplé d’Afro-créoles, un quartier assez pauvre, avec un langage coloré. Petite Rivière est un village peuplé par les premiers esclaves libérés au 19e siècle.

Mon enfance

Une enfance très influencée par un père, officier de police séduit par les arts et qui les inculque à ses enfants. Muté plusieurs fois, en ville, à la campagne, et même à Rodrigues, il expose sa famille à une multitude d’expériences mauriciennes.

Greffés à l’imaginaire. La mer autant que les champs de canne : l’île Maurice. Une île présente une contradiction : un endroit habité qui invite en même temps à l’évasion. Qui, en même temps, est un déracinement.

Alors qu’il avait en horreur l’école qui l’éloignait du nid familial, de sa mère institutrice qu’il adorait, il s’engage dans l’éducation où il passera trente-quatre ans comme professeur de biologie, puis comme proviseur.

Ses bons souvenirs de l’école viennent d’une école de village (Piton) où un maître d’école hors-normes donnait le goût du sport, du jardinage… et de philatélie à ses élèves. Ses premiers bons rapports viennent du lycée où il rencontre des maîtres d’un niveau dont il est encore admiratif et qui instaurent chez lui une fascination pour les sciences, les lettres…

Mon œuvre

Au lycée, je me suis lancé vers des choses beaucoup plus précises : les sciences. Les voyages de Darwin m’ont fait rêver. Les mathématiques m’ont beaucoup amusé. Mais, j’ai été pris en flagrant délit d’écriture de roman à l’arrière de mon cahier de français… et puni.

A commencé par des nouvelles qui correspondaient à un esprit concis, venant sans doute des sciences, avant d’écrire Le Sang de l’Anglais ; un « faux » roman très biographique.

Beaucoup plus de distance marque le deuxième roman (La Maison qui marchait vers le large) que lui inspire une anecdote d’un étudiant qui lui raconte, au sotir de vacances, que « sa maison a bougé » suite à un glissement de terrain. Ceci se passe à une période bouleversée avec un « glissement » social.

Puis vient Les jours Kaya… écrit dans l’urgence suite aux émeutes de 1999. Il ne connaissait pas Kaya, qui pour lui – comme pour beaucoup de Mauriciens – commence à exister après sa mort ; donc, une réappropriation du chanteur.

Romans liés à ce qui se passe autour de lui, comme pour Ceux qu’on jette à la mer. Asiatiques découverts dans la mer mauricienne. Groupe de boat-people qui vont chercher refuge à Haïti. Huis-clos qui raconte leur histoire. Associé aux jeunes Chinois rencontrés à Tiananmen au cours d’un passage.

Atelier pour des contes pour enfants. Le conte : un genre littéraire en soi. Capable de nous mener plus loin dans notre écriture.

L’Insularité

J’ai déclaré que Paris était une île !

La notion d’insularité, complexe dans le cas de Maurice. Perturbée avec l’amélioration de la communication.

Régime de silence, de non-dits. Avec le roman de Marie-Thérèse Humbert À l’autre bout de moi : la possibilité de mieux dire cette société si complexe au moyen d’un roman apparaît.

Beaucoup d’auteurs ont dû émigrer pour pouvoir s’exprimer. Quelques-uns, dont je fais partie, ont trouvé ici le moyen de pouvoir s’exprimer en liberté.

Deuxième génération d’auteurs qui ont pris le matériau qui faisait notre quotidien : nécessaire pour écrire un roman.

Je ne sais pas si je pourrais écrire un roman dans un autre décor ou avec un autre matériau.

Au lieu d’aller voir plus loin, aller chercher au fond de soi. C’est cette recherche en soi qui peut prétendre à l’universalité.

L’île ou l’insularité n’est pas figée. La possibilité et la tentation d’évasion.

La mer qui est là est une merveilleuse salvatrice, pourquoi ne pas la franchir ?


Carl de Souza

de Souza, Carl. « 5 Questions pour Île en île ».
Entretien, Albion (2009). 22 minutes. Île en île.

Mise en ligne sur YouTube le 8 juin 2013.
(Cette vidéo était également disponible sur Dailymotion, du 14 juin 2010 jusqu’au 13 octobre 2018.)
Entretien réalisé par Thomas C. Spear.
Caméra : Anjanita Mahadoo.
Notes de transcription : Ashwiny Kistnareddy.

© 2010 Île en île


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mis en ligne : 14 juin 2010 ; mis à jour : 26 octobre 2020