Monchoachi, « La Danse au lieu vide »


1.

Ce sera hors ce lieu
— Flétris, flagellés —
Ce sera hors ce lieu où nous sommes
Reclus — Caparaçonnés de savoir
Vitrifiés —
Mais par dessus le mur carié
(Louvri baryè, Ouvre pour nous ! )
L’office inattendu.
Laisse ça nous mener un côté.

2.

Infigurée
Comme ça est-elle
La chose
Ni corps ni esprit
Une seule bacchanale
Dans un langage mêlé
Elle dit
Tout une seule fois tout à la fois
Laisse ça nous dire
Laisse ça parler pour nous.

3.

Derrière le nom qui nous nomme
Et que nous renions
Nous tournons dans les airs
Derrière le corps que nous portons
Et rêvons d’échapper
Pièce côté.
Flamme qui danse
Dans ton envers et que
Les yeux fermés, tu meurs
Là même d’étreindre.

4.

Sans mère nous tournons
Derrière le corps que nous portons
Ensemble-ensemble confondus
Nous roulons dans l’abîme
Laissant l’air
Lui donnant l’air pour qu’elle
Paraisse elle même
La chose même
Qu’elle parle pour son corps
Et annonce elle-même
Qui ou Quoi elle est.

5.

Couverts de sueur
Et de poussière de terre
Reconvertis
Nous tournons dans les aires
Bandeau de coton blanc
Echarpé sur la tête.
Quelque chose tremble, une certaine
Clarté, quand le dieu tombe
D’un coup nous saisit :
Virer la caye – faire retour
Dans la demeure ténébreuse.

6.

Comment chevauchés
(Lespri-a pran nou !)
Nous menons la ronde au lieu vide
Montant en l’air le corps
En même
Tout entier contr’étrécis
Dévastés, le regard inaltérable
Chantant
Aveugles désormais…

7.

…Délivré
Un même chant inépuisé
Tout en aspergeant le sol
Et puis la même boisson
Qui dévale le corps
— Du feu, di’ectement —
L’ayant secoué
Une fois d’abord tout partout
En la bouche, toussant
À n’en plus finir, la tête prise
Enfumée.

8.

Pas plus, et ce fût
À chaque passage dans
La battue de la paupière —
Ainsi est-elle comme ça
La tête enrubannée, presqu’
Évanescente, traçant
Trois fois trois
Croix
Inexplicablement
Et tout le long du mur
Des voix bleues
Des amers
Puis la paume comme ça
Tournée comme ça
En l’air —
La mesure,
Plus haut.

9.

Deux pierres sur une grosse
Souche creuse
Des voix sourdes et cassées
Des corps barbouillés
Maigres et ridés
Tout du long — Et
Le sang à terre lorsque
La lune a éclipsé.

Trois fois trois
Croix
Et des voix bleues
Tout le long du mur
Des amers.

10.

À plus, encore un peu :
Car le monde n’est pas
Cela qu’on nomme
Une chose qu’on nomme puis
L’autre, qu’ainsi on tient
À distance, empêché.
Mais quand la langue l’appelle
Et le crie
Comme un sein qui s’ouvre
II nous ravît
Nous passons à l’autre bord
Quelque chose là commence à
Profonder.


Lu par l’auteur, ce poème « La Danse au lieu vide » de Monchoachi est de son recueil L’Espère-geste, publié à Sens (France) aux éditions Obsidiane (2002), pages 65-72.

© 2002 Monchoachi ; © 2004 Monchoachi et Île en île pour l’enregistrement audio (4:46 minutes)
Enregistré à Montréal le 24 novembre 2004


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mis en ligne : 23 mars 2005 ; mis à jour : 27 décembre 2020