Mimi Barthélémy, 5 Questions pour Île en île


Conteuse, actrice, écrivaine et metteuse en scène, Mimi Barthélémy répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 21 minutes réalisé à Pétion-Ville le 10 janvier 2010 par Thomas C. Spear.
Caméra : Kendy Vérilus.

Notes de transcription (ci-dessous) : Gary Klang.

Dossier présentant l’auteure sur Île en île : Mimi Barthélémy.

début – Mes influences
04:22 – Mon quartier
08:13 – Mon enfance
13:25 – Mon oeuvre
18:37 – L’insularité


Mes influences

J’ai été marquée par Gabriel García Márquez et Cent ans de solitude. J’en faisais des lectures à haute voix. C’est un livre enchanteur avec des détails luxuriants, des histoires qui font partie de notre patrimoine caribéen.

J’ai aussi beaucoup aimé L’énigme du retour de Dany Laferrière qui a eu le prix Médicis [2009] bien mérité. Je connais bien Dany. Il a ici une façon humble de se dénuder et une extrême tendresse [dans ce livre] qui n’empêche pas des descriptions cruelles. Un langage d’une grande poésie. Il célèbre son père, et à la fin on apprécie cet homme sans compromission.

Je suis également très sensible à la littérature africaine et principalement à Amadou Kourouma. Son livre, Allah est obligé, est d’une grande beauté. Il fait parler un enfant-soldat et décrit ce drame d’une façon magistrale. J’ai bien connu Kourouma et j’ai beaucoup d’admiration pour l’être humain aussi qui fut un grand seigneur. Je recommande absolument ce grand auteur.

Mon quartier

J’habite le 18e arrondissement de Paris, un quartier rempli de marchands à la petite semaine, situé près de Montmartre et de la Goutte-d’Or. J’y vis depuis 25 ans. J’ai une ravissante maison de type jacmélien, peinte en blanc et bleu où j’ai recréé une atmosphère caribéenne. Mon mari était cubain et le quartier est habité par des Africains. Le soir, il est livré à la drogue et à la prostitution. Mais je n’ai jamais eu aucun problème. Je joue le mercredi soir à l’Olympique Café et au théâtre le Lavoir moderne.

Mon souci : m’intégrer à mon quartier qui fait peur à ceux qui ne le connaissent pas, mais pas à moi.

Mon enfance

J’étais une enfant toujours nue et en révolte. Presque caractérielle. On m’appelait Ti Moun Fou. Mon association ainsi tire son nom, Ti Moun Fou, pour rappeler l’importance, au théâtre, de la folie et de l’émerveillement de l’enfance.

En Haïti, j’habitais près d’une ravine de ma grand-mère où il y avait une ciguave (qui nous glaçait le sang avec sa voix grave) et où l’on jouait à Tarzan avec des lianes (j’étais Cheetah !).

J’ai été à l’école de Lalue où je suis entrée en 9e, ayant étudié avant à la maison.

Je n’aimais pas l’école ni les bonnes sœurs. Je n’aimais pas être formatée, enfermée dans une classe.

J’ai gardé des souvenirs difficiles de la remise des carnets de notes. Et je me vois encore exposée sur la cour de récréation avec mon cahier sur le dos, puisqu’on écrivait avec de l’encre et des plumes, des taches d’encre et j’étais ridiculisée parce que j’étais mauvaise élève, et montrée du doigt.

Mon œuvre

Je suis une conteuse. Mes contes sont tirés du patrimoine oral haïtien et revus par moi. Je les ai publiés en France chez Seuil Jeunesse, [Syros et Vents d’Ailleurs], à Montréal chez Québec-Amérique [et Mémoire d’encrier], entre autres, et aussi à Port-au-Prince.

J’ai aussi publié des pièces de théâtre dont Une très belle mort et Le Fulgurant. Je marie les contes, les souvenirs et la fiction.

J’ai raconté l’histoire d’Haïti dans le spectacle appelé Soldats marrons et fait éditer le livre. Je me mets à la place d’une petite fille qui s’identifie aux héros du pays.

J’aime les planches et le théâtre. Je fais aussi partie de livres collectifs, comme Une journée haïtienne.

Je marie le français et le créole, l’imaginaire et l’histoire d’Haïti.

L’Insularité

Voici une question délicate.

J’ai compris en Corse le drame de l’insularité qui est celui de la fermeture. L’insulaire nie le monde extérieur. Or, nous sommes liés à ce monde.

J’ai une idée négative de l’insularité.

Mais j’ai été heureuse avec mon mari insulaire qui était cubain.

Je suis donc un peu excessive en critiquant trop l’insularité, mais il faut faire attention à la fermeture.


barthelemy

Barthélémy, Mimi. « 5 Questions pour Île en île ».
Entretien, Pétion-Ville (2010). 21 minutes. Île en île.

Mise en ligne sur YouTube le 8 juin 2013. Cette vidéo était également disponible sur Dailymotion (mise en ligne le 1er septembre 2010).

Voir aussi, enregistré le même jour, le conte dit par Mimi Barthélémy, « La chenille, la chrysalide et le papillon ».

Entretien réalisé par Thomas C. Spear.
Caméra : Kendy Vérilus
Notes de transcription : Gary Klang.

© 2010 Île en île


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mis en ligne : 1 septembre 2010 ; mis à jour : 19 janvier 2021