Marie Leblanc, trois poèmes

couverture, Le Soleil de Juillet, 1900 Revue publiée par Mademoiselle Marie LeBlanc

couverture, Le Soleil de Juillet, 1900
Revue publiée par Mademoiselle Marie LeBlanc

L’Étoile d’amour  

Au fond des cieux allume-toi
Étoile, flambeau tutélaire ;
Pose un doux reflet sur mon toit,
Au pied du coteau solitaire.
Rayon d’argent cher à mes yeux,
J’aime ta clarté tremblotante,
Témoin de sa marche hésitante,
Quand il soupirait ses adieux.

Brille, brille, éclaire sa route:
Tu sais que j’attends son retour.
Il tarde … mais jamais le doute
Ne doit effleurer tant d’amour.
La brise annonce la nouvelle
Qu’il vient; bel astre, brille encore,
Brille pour le vaisseau fidèle
Qui me ramène mon trésor.
Je sais que sur la mer immense,
Notre amour n’est pas en danger;
J’attends… et mon bonheur commence,
Car un tel cœur ne peut changer !

Brille, brille, éclaire sa route :
Tu sais que j’attends son retour.
Il tarde … mais jamais le doute
Ne doit effleurer tant d’amour

ALTHEA (pseudonyme de Marie Leblanc)

Premier soleil

Si j’étais une pâquerette,
Ou la plus humble fleur des champs,
Loin des jaloux, loin des méchants
Je lisserais ma collerette,
Attendant le rayon vermeil
Qui du ciel après l’aube glisse
Pour offrir au premier soleil
Tous les trésors de mon calice.

Si j’étais un oiseau chanteur,
Pinson, fauvette ou tourterelle,
Je me servirais de mon aile
Pour me poser près de la fleur
Dont l’éclat pare la verdure ;
J’assisterais à son réveil,
Et voudrais avant tout murmure
Saluer son premier soleil.

Je ne suis qu’une pauvre Muse
Sans collerette ni décor,
N’ayant gosier ni plume d’or,
Ce dont humblement je m’excuse.
Mais pour fêter un beau soleil,
Pour échapper aux soins moroses,
Comme l’oiseau, mise en éveil,
Je chante et m’enivre des roses.

Marie Le Blanc

 

Roger

Longue queue dorée et riche fourrure,
Roger est un angora blanc
Que j’adore et qui fait semblant
De me payer d’amitié pure.

Je l’appelle; à peine il m’entend.
En boule roulé sur sa chaise,
Ce matin, il n’est pas à l’aise,
Et me regarde en m’évitant.

Il a commis quelque sottise :
Sans doute il a fait un larcin,
Ou peut-être est-il l’assassin
D’un jeune serin qu’il courtise !

Voyons, Monsieur, confessez-vous :
Pourquoi cette patte est-elle noirâtre,
Et d’où vient la tache rougeâtre
Qui salit votre poil si doux ?

J’ai trop souffert de vos caprices.
Vous méritez un châtiment,
Et vous aurez certainement
Le fouet pour toutes vos malices.

Mais Roger se dresse indolent,
Me jette un regard en coulisse,
Tend son dos pour que je le lisse,
Et se rallonge somnolent.

Or qu’a fait ce flaireur d’assiettes,
Ce sournois, ce fripon fieffé ?
Pour me dérober mon café,
Il a mis ma vaisselle en miettes !

C’est trop fort, petit scélérat :
Je lève la main. – Il dit grâce.
Au lieu de le frapper, je l’embrasse.
– Il faut bien corriger son chat !

 M LE BLANC


Ces poèmes de Marie Leblanc ont été publiés pour la première fois : « L’Étoile d’amour », dans Port Louis Mondain 1ère année, 4 (11 août 1894) ; « Premier soleil », dans Port Louis Mondain 1ère année 9 (15 septembre 1894) ; et « Roger », dans Port Louis Mondain1ère année 10 (22 septembre 1894), également dans Soleil de juillet en 1911.

Les trois poèmes sont repris dans le volume Une Mauricienne d’exception : Marie Leblanc: présentation et anthologie, dirigé par Danielle Tranquille, Vicram Ramharai et Robert Furlong. Port-Louis: Editions Les Mascareignes, 2004, pages 96, 101 et 102-103, et offerts aux lecteurs d’ Île en île  par Robert Furlong.


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mis en ligne : 18 avril 2007 ; mis à jour : 26 octobre 2020