Kiskeya, l’île mystérieuse – Max Beauvoir


Invité : Ati Max Beauvoir, hougan et savant.

  • 3:18 – Max Beauvoir est l’auteur de Lapriyè Ginen et Le Grand recueil sacré (Presses Nationales d’Haïti).
  • 4:40 – L’Ati Max Beauvoir est chimiste de formation. Chercheur, il voyage surtout en Europe et en Afrique à la recherche de l’humain, de Dieu et de l’absolu beauté du monde, ce qui d’ailleurs constitue son cheminement spirituel.
  • 5:30 – Il nait à Pétion-Ville le 25 août 1936. Il bénéficie du fait que son père était médecin, voyageant dans les villes importantes du pays. Accompagné de ses parents, Max Beauvoir a vécu à Hinche, Port-de-Paix, Saint-Marc, Petit-Goâve et aux Cayes, tout en apprenant à connaître le peuple haïtien dans ses misères comme dans son bonheur.
  • 7:04 – Après son second baccalauréat en 1956, il part aux États-Unis à l’âge de 20 ans où il obtient le baccalauréat américain à City College. Il se rend ensuite en France pour étudier 5 ans dans une branche de la Sorbonne à Reims.
  • 7:55 – Il part ensuite en Afrique pour être embauché comme chimiste dans une mine de fer. Il y reste deux ans, puis retourne aux États-Unis pour faire des recherches en chimie à l’Université de Cornell.
  • 8:30 – En 1973, il revient en Haïti pour chercher de la cortisone dans les plantes haïtiennes telles que le sisal. Ainsi, il fréquente les entreprises de sisal (les foyers de pit) comme Nadal à Port-au-Prince pour extraire la cortisone, à l’époque en grande demande. À cette époque-là il devient houngan, ce qui lui permet de faire la plus belle expérience de sa vie.
  • 10:45 – Pour devenir houngan, il faut passer par l’initiation. On devient houngan ou mambo après avoir été Kanzo.
  • 11:50 – Oui, le vaudou reconnaît la réincarnation. C’est la base même du vaudou. On y trouve le Damballah Wedo représenté par le serpent qui symbolise la vie éternelle. Le serpent est cet animal qui change périodiquement de peau et qui continue à vivre comme un être nouveau. Si le Damballah est à la base du vaudou, la réincarnation ne peut s’absenter de la vision vaudou. Nous sommes sur la terre en perfectionnement. Les expériences de la vie sont si vastes et si nombreuses qu’il nous faut plusieurs vies. Le vodou nous dit qu’il nous faut 16 vies (8 fois en tant qu’homme et 8 fois en tant que femme) afin d’accomplir toutes les expériences. Après les 16 vies, on possède la sagesse.
  • 14:10 – Le vaudou reconnaît l’existence de Dieu. La finalité de l’homme, c’est d’entrer dans Dieu. Nous sommes différents des autres créatures : nous avons le pouvoir de la parole et du langage, pouvons raisonner, échanger des idées et nous enrichir.
  • 15:49 – Toutes les religions peuvent exister et s’établir en Haïti grâce à la tolérance du vaudou, la base du pays. Les vaudouisants n’ont jamais lancé de pierre contre personne.
  • 16:30 – Les 401 lwa vaudou sont les expressions différentes d’un seul et même Dieu. Dieu nous a créés pour maintenir en vie tout ce qui a la vie dans l’univers. La fonction de l’homme, c’est d’aider Dieu dans le travail de la création. Tous, nous sommes des énergies traversant l’univers à la vitesse de la lumière pour veiller à la vie de chaque plante et de chaque animal.
  • 18:20 – Des chercheurs comme Hoffmann disent que Le Bois Caïman n’a jamais existé. Le Bois Caïman est un endroit sacré dans le nord du pays là où la réunion a eu lieu. Il y avait des ambassadeurs haïtiens qui venaient du sud d’Haiti comme Joseph D’Angers. L’histoire du Bois Caïman nous est rapportée à travers des chansons et à travers cette prière qu’on appelle la prière dior.
  • 20:30 – C’est au Bois Caïman qu’on eu le germe de cette guerre de l’indépendance par Boukman et par Toussaint Louverture. Dessalines et tant d’autres faisaient partie de la cérémonie du Bois Caïman. Il n’a jamais eu de sacrifice de cochon dans la cérémonie du Bois Caïman. Il s’agissait de Jean-Baptiste Vixamar, un jeune de Port-de-Paix, qui s’est offert volontairement en sacrifice.
  • 25:34 – Il y a 401 lwa dans le vaudou : 401 aspects différents de Dieu. L’homme ne peut pas comprendre Dieu dans sa globalité. Ces aspects sont tellement spécifiés, qu’à chaque chiffre, on ajoute le « 1 », comme les 21 nanchon ginen ou les 51 pwen Erzulie ou encore ou les 101 pwen, etc. Tous ces aspects traduisent l’unicité de Dieu. Les 401 viennent du fait que nos ancêtres les Amérindiens comptaient avec les dix doigts de leurs mains et les dix doigts de leurs pieds. Ça faisait 20. Quand ils voulaient parler de la perfection, c’était 20 fois 20 : 400. Le chiffre « 1 » ajouté traduit l’unicité : un seul Dieu. Le vaudou est essentiellement monothéiste.
  • 27:48 – La création du vaudou a été faite dans l’inclusion. Il fallait inclure tous les groupes différents qu’on appelle nanchon (qui n’a rien à voir avec le mot français « nation »). C’est là que viennent les rites du vaudou. On retrouve par exemple les Sénégalais qu’on appelait les Sinicas. Quand on parle de rite Sinica, on fait référence aux Sénégalais. On parle aussi des Adjanoumele pour faire référence aux Maliens. Il y a aussi les Bisangos, pour faire référence à l’archipel des Bissagos (les Bijagos, au sud du Sénégal). Les Ginen viennent de la Guinée et les Braqués de la Côte d’Ivoire. Il y a le Cameroun et le Gabon qu’on considère comme le haut Congo. Le bas Congo existe aussi avec d’autres lwa comme les Mandong, les Bafyotés, etc. Comme mentionné dans Le Grand recueil sacré, même le Mozambique se trouve dans le vaudou haïtien.
  • 30:45 – Le vaudou a une idée du diable. Pour comprendre le diable, il faut sortir du cadre de la religion pour se tourner vers les contes. Le conte de Bouqui et Malice par exemple, deux individus, deux courants de pensée qui ont existé depuis le début des temps alors que les hommes vivaient avec Dieu (Grand Manman) qui était la mère de Bouqui et de Malice. Dans ce conte, Bouqui avait la tâche de baigner Grand Maman. Comme il faisait froid, il fallait chauffer l’eau. C’est ainsi que Bouqui a ébouillanté Grand Manman, celle qui fumait le cachimbo (la pipe) et qui s’asseyait sur la petite chaise pygmée. Aujourd’hui encore, on retrouve cette petite chaise dans les temples vaudou comme un document symbolisant la chaise rituelle. Bouqui et Malice, marchant ensemble, ont découvert leurs ombres ; cela fait référence à la création du soleil. Ils se retrouvent sous un arbre sous lequel il y avait le repas des diables, c’est-à-dire des gens qui mangeaient sous l’arbre. Dans ce conte, le diable est blanc contrairement à l’église catholique qui dit que le diable est noir. Il y a un rapport entre la mythologie, la cosmologie et la cosmogonie. C’est une seule et même histoire.
  • 34:30 – Les guédés viennent des Guedevi, une tribu de Dahomey. Ils venaient aussi de la population Mahi. Le mot Mahi veut dire les fous de la liberté. C’est pourquoi la population Mahi restait séparée des royaumes d’Abomey, d’Ouidah, et d’Allada. Les Mayis sont les premiers esclaves qui ont débarqué sur la terre d’Haiti. Ils ont débarqué à Saint-Louis du Nord où ils ont établi le premier temple qu’ils appellent la Ville aux Camps, près de Port-de-Paix.
  • 37:20 – Il y aussi un lien entre l’Egypte et les guédés puisque l’Egyptien qui était Pharaon d’Egypte après Ramsès s’appelait Guede Fre. Toute la famille des Guédés Fre ont quitté l’Egypte avec leur parrain Ogou Ferraille. Tous les guédés l’appellent parrain. Comme les guédés, Ogou Ferraille nous dit qu’il a traversé le Nil qui s’appelait à l’époque le Python. Ramsès, le grand Pharaon d’Egypte existe lui dans le vaudou sous le nom de Ramase la croix. On connaît les Phao, cette grande famille haïtienne qui descend des Pharaons d’Egypte.
  • 39:25 – Les Barons ne sont pas associés avec le mot « baron » en français. Baron vient de la racine « ba » qui signifie « briser » ou « casser » en fon. La même racine se retrouve dans Legba, celui qui ouvre la porte à l’autre monde et qui est responsable pour la communication.
  • 41:30 – Les lwa sont les mêmes que Zangn ou Zing. Le Zing, c’est la petite parcelle d’une chose que lui donne l ‘identité spirituelle. Le concept de Zagng vient des Arabes qui fonçaient leur peau en entrant dans l’Afrique de l’est.
  • 43:30 – Dans le vaudou, on n’utilise pas le mot « transe » ; on dit plutôt qu’une personne est « possédée ». Quelquefois un lwa peut remplacer notre propre esprit dans notre corps. Le lwa devient un archétype, chacun a des habitudes différentes. C’est une déstabilisation de la personne.
  • 46:10 – Une chanson chantée à un lwa.
  • 46:35 – Lapriyè Ginen est un répertoire de chansons vaudou haïtiennes. Quarante ans de recherches, possibles grâce à sa femme. Il est allé de Port-de-Paix à Port-au-Prince à Jérémie pour ramasser la collection. C’est le livre du peuple haïtien.
  • 49:00 – Extrait du livre qui explique que c’est le facteur de qualité de vie. Dans sa première vie on est matérialiste, mais on ne garde pas les choses matérialistes après la mort.
  • 55:24 – Le Grand Recueil Sacré : 1709 chansons. Un tribut vers ceux qui ont contribué à faire ces chansons.
  • 56:05 – Extrait du livre qui lie la prière à la danse. La vie même est une prière. La vie est un rythme. Le son de la main sur le tambour s’appelle houn, la vibration initiale qu’on appelle Dieu. Les Haïtiens disent « je suis parce que nous sommes ».

Ati Max BeauvoirThéard, Marie-Alice. Kiskeya, l’île mystérieuse. Canal Bleu (chaîne 38), Haïti (11 décembre 2011), 59 minutes.
Entretien avec Ati Max Beauvoir (1936-2015).

Mise en ligne sur YouTube le 22 juin 2013.
Notes de transcription : Brian Mawyer.

Les entretiens sélectionnés de l’émission KISKEYA, l’île mystérieuse sont généreusement offerts au public d’Île en île par Marie-Alice Théard.

© 2011 Marie-Alice Théard / Canal Bleu


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mis en ligne : 22 juin 2013 ; mis à jour : 26 octobre 2020