Eddy A. Jean

Eddy A Jean

photo © avec l’autorisation de Jean Anthony Dauphin
Port-au-Prince, 2007

Poète, journaliste, enseignant et critique littéraire, Eddy Arnold Jean naît à Saint-Marc le 5 novembre 1952. Médecin formé en Europe particulièrement en France, et en Amérique latine, il fait également des études de Lettres modernes et de Science politique. À l’âge de seize ans, élève en classe terminale, il publie son premier recueil de poèmes, Bohio au soleil (1969) qui ne laisse pas la critique indifférente.

En 1980, sous le gouvernement de Jean-Claude Duvalier, son ancien camarade de classe, il choisit l’exil. Il part d’abord au Mexique où il entreprend des études de Médecine. Il lit les intellectuels militants et engagés, découvre le marxisme et nourrit des idées d’homme de gauche. Emparé de la fièvre de la révolution et de l’idéal de changement, et tourmenté par la situation politique qui prévaut dans son pays, il entend s’impliquer dans le combat pour le progrès. À New York, il rencontre d’autres amis, eux aussi en exil, aux côtés desquels il s’engage dans la lutte contre la dictature. Il crée, avec la collaboration de Pierre Clitandre et d’autres amis, le magazine Haïti-Demain Hebdo, qu’il baptise plus tard Haïti-Demain Magazine qui a su résister aux assauts du temps.

En 1984, il publie Horaire du vent qui a également attiré l’attention de la critique. Aux yeux de Saint-John Kauss, cette plaquette de vers est :

…un recueil de qualité tant par la forme esthétisante que par le caractère fondamental qui l’habite. Un mini chef-d’œuvre de la littérature de combat, un florilège d’une âme renversée.

À la sortie de ce recueil, Cauvin L. Paul, de son côté, écrit à propos de l’auteur :

Ce garçon de 30 ans qui a la tête pleine de livres est un monstre naissant de la littérature haïtienne. Il veut tout dévorer à la fleur de l’âge.

Professeur à l’Université d’État d’Haïti, précisément à l’Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Études Internationales (INAGHEI) où il enseigne depuis plus de vingt ans au département des Sciences politiques, Eddy a toujours nourri le rêve de voir son pays prendre la route du progrès et de la démocratie. Il passe de la littérature à la politique sans tomber dans la platitude, fustigeant tel régime qu’il qualifie de criminel, tel autre de corrompu, tel autre encore de conservateur, d’anti-peuple avant de conclure qu’aucun des gouvernements haïtiens n’a travaillé pour sortir le pays de son bourbier inextricable.

Par ailleurs, Eddy Arnold Jean est un homme très accessible, ouvert et courtois. Détestant la médiocrité et la calomnie, il assume toujours ses remarques désobligeantes ou élogieuses sur telle œuvre ou tel écrivain. À l’angle des rues Lafleur Duchêne et Capois, en compagnie de ses amis, à même le trottoir, autour de quelques bouteilles de bière, d’un whisky, du café ou du vin, il discute sur des sujets variés de la vie nationale et du monde international. Les conversations tournent parfois autour de tel ouvrage qui vient de paraître, un article récent ou ancien qui vante les qualités de tel écrivain qui n’est autre qu’un médiocre à ses yeux. C’est un homme au franc-parler qui dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Admirateur de René Philoctète, son ancien professeur de littérature (envers qui il est parfois très acide) et Jean-Claude Fignolé qu’il considère comme ses maîtres et auxquels il voue une admiration sans bornes, il ne ménage jamais ses mots à chaque fois qu’il est appelé à donner son point de vue sur tel sujet ou tel écrivain. C’est un critique dont la plume semble être trempée dans du vitriol, tant il est dur et rigoureux.

Pour l’éditorialiste et chroniqueur Pierre-Raymond Dumas, Eddy Arnold Jean est un critique qui a de la mesure et de la méthode :

Il a presque toutes les qualités qui font un excellent critique : de la mesure et de la sagacité, du goût et de la sensibilité, l’art de la narration, l’esprit vif ; mais il a peu d’enthousiasme et de style habillé de lumières tamisées, baignées de clameurs assourdissantes. Il a le sort d’être une tête chercheuse. Pire, intelligent. Pire, encore, sûre d’elle-même, de ses méthodes et de ses conclusions.

Homme aux multiples talents, écrivain boulimique, esprit aigu et féru de livres et de littérature, il produit une tonne de réflexions critiques sur nombre d’auteurs classiques et contemporains haïtiens. On peut parfois lui reprocher le côté trop biographique de sa critique, pour s’être trop vautré dans cette démarche de vouloir expliquer l’œuvre littéraire au regard de la vie de l’écrivain ou dans des interprétations trop sociologisantes, il faut toutefois reconnaître son grand apport au développement d’une critique en Haïti qui met en avant l’exigence de la recherche, de la sensibilité et de la méthode.

Il décède le 17 décembre 2019 des suites d’un accident vasculaire cérébral.

– Dieulermesson Petit Frère


Oeuvres principales:

Poésie:

  • Bohio au soleil. Port-au-Prince, sne, 1969.
  • Symphonie pour demain (avec Raynold A. Jean). Port-au-Prince: sne, 1971.
  • Horaire du vent. New York: Éditions Jacques Soleil, 1984.

Roman:

  • La dernière révolte. New York: Éditions Jacques Soleil, 1978.

Essais:

  • Carl Brouard, cet immortel. Port-au-Prince, sne, 1971.
  • Pour une littérature haïtienne nationale et militante. New York: Éditions Jacques Soleil, 1975.
  • Paroles en liberté (en collaboration avec Jacquelin Dolcé). Port-au-Prince: Imp. des Antilles, 1992.
  • L’immense cri des damnés de la terre. Port-au-Prince: Édition Courrier d’Haïti, 1975; Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2015.
  • L’échec d’une élite. Indigénisme, Noirisme, Marxisme. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 1992; 2009; 2013.
  • Etzer Vilaire, la vision tragique. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 1997.
  • Gouverneurs de la rosée. Le texte et ses lectures. New York: Édition Jacques Soleil, 1981; Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2001.
  • Littérature haïtienne. Le 19eme siècle haïtien, vol. 1 (avec Justin O. Fièvre). Port-au-Prince: Éditions Rudegert, 1987; Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2007; 2010; 2013.
  • Littérature haïtienne. Le 19eme siècle haïtien, vol. 2 (avec Justin O. Fièvre). Port-au-Prince: Éditions Rudegert, 1987; Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2010; 2013; 2014.
  • Le roman réaliste haïtien. Écriture, structure et signification. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 1996.
  • L’analyse littéraire au baccalauréat haïtien. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 1998.
  • La pensée politique haïtienne (XIXe siècle). Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2001.
  • Le 20eme siècle haïtien. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2002; 2015.
  • Le commentaire composé au secondaire hattien. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2002.
  • L’itinéraire romanesque de Jacques-Stephen Alexis. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2006.
  • Haïti : les obstacles à la démocratie. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2011.
  • Haïti, la démocratie trahie : l’ère de la voyoucratie. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2012.
  • Les idées politiques haïtiennes. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2014.
  • Le cas Depestre. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2016.
  • Le Duvaliérisme, l’Aristidisme : ça suffit !. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain, 2017.
  • L’aventure d’une écriture. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain 2017.
  • Notes sur Georges Sylvain. Port-au-Prince: Éditions Haïti-Demain 2019.

Articles parus dans les journaux et revues:

  • « Démesvar Delorme, un théoricien bourgeois. Sur Les Théoriciens au pouvoir et Réflexions diverses sur Haïti, de Demesvar Delorme ». Quisqueya (1977): 3-14.
  • « À propos de Ultravocal, de Frankétienne ». Le Nouvelliste (15 décembre 1972), reproduit dans Le Petit Samedi Soir 17 (10 et 24 février 1973): 35-36.
  • « Mimola, d’Antoine Innocent ». Le Petit Samedi Soir (19 avril 1973): 7 et 15.
  • « Jean-Claude Fignolé : la parole comme totalité ». Legs et Littérature 10 (juillet-décembre 2017): 73-86.

Sur l’oeuvre d’Eddy A. Jean:

  • Dolcé, Jacquelin. « La Dernière Révolte, roman d’Eddy A. Jean, ou l’agonie d’un romancier ». Le Petit Samedi soir (19-25 août 1978).
  • Clitandre, Pierre. « Eddy Arnold Jean ou celui qui savait écrire ». Haïti en Marche 33.50 (25 décembre 2019): 2 et 11.
  • Dumas, Pierre-Raymond, « Eddy Jean : un ardent homme de lettres ». Panorama de la littérature haïtienne de la diaspora. Port-au-Prince: Imprimeur II, 2000: 244-246.
  • Voir aussi les liens ci-dessous.

Liens:

ailleurs sur le web:


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Dossier Eddy A. Jean préparé par Dieulermesson Petit Frère

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mis en ligne : 5 octobre 2020 ; mis à jour : 5 octobre 2020