Gary Klang, Ex-île


(extraits)

Me manquent
Les bruits du soir et les senteurs
Le coq qui chante à la mi-nuit
Les chiens en rut sous la fenêtre

Me hantent
Le bruit sourd
Du tambour
Au creux du soir

Et cet homme
Qui fait rire les petits
En portant sur la tête un amas de bouteilles

Il y avait aussi
Tous ces bruits de tropiques
Les lucioles ou que sais-je
Aux cris ponctuant la nuit
Comme en un concert d’ombres

Il y avait
Mais faudra-t-il que j’énumère
Tout ce qu’il y avait
C’était
À n’y pas croire
C’était

L’âme de l’île
Qui vit et bouge
Avec
L’odeur pour moi unique
D’ilang-ilang

Il y avait des soirs et des matins de rêve
Il y avait il y avait il y avait

Mais il n’y a plus
Que le souvenir

* * *

Je chante
Comme d’autres respirent
Je n’ai de cesse
Que je n’aurai défait le fil
Grâce au ciel
J’ai puissance
De dénouer toutes les mailles
Qui firent fou plus d’un
Dans les sables d’exil
Comme ce frère poète
Bien parti pour la gloire
Et que le fou d’Elsa recommandait de lire
Son chant
Comme un tapis volant
L’avait porté de l’île
À l’autre bout du monde
Tout allait bien
Tout prenait sens
Lorsque les rouages bloquèrent
Ô pérégrin
Puis ce furent
Les échecs en cascade
Et tous ceux qui moururent
Et tous ceux qui perdirent
Pied
Sans compter ceux qui vivent
À la croisée des chemins

Il m’est grand peine de m’en souvenir
Ô terre des hommes errants

Est-ce que tout rentrera dans l’ordre
Un jour

* * *

Ni d’ici
Ni d’ailleurs
J’essaie tant mal que bien
De faire l’accord

Ni d’ici
Ni d’ailleurs
Je vis en marge
Du songe
Et de l’espoir

Ni d’ailleurs
Ni d’ici
Je suis le clair-obscur
Fait homme

* * *

Natif natal
Je suis
Le tropical
Et le sous-développé
Je n’ai pas
L’œil bleu-blanc
Des ancêtres de Gaule
Et je ne comprends guère
Les hommes des hautes villes
Je suis né sous le signe du massacre
Et n’ai point goût de meurtre
Je prends mes rêves
Pour le réel
Et ne fais pas la différence
Je referai le monde à ma semblance
Et j’inventerai le concerto en sol majeur
Comme le sol de ma terre de poussière
Coin d’île de rire et de misère

Homme de la terre unique
Je suis le tropical
Natif natal
Et ne suis que cela


Lus par l’auteur, ces poèmes de Gary Klang ont été publiés pour la première fois dans le recueil dont ils sont extraits, Ex-île, en 1988.

Ils sont cités ici de l’édition Humanitas (Longueuil, Québec) de 2003, pages 28-29, 65-66, 26, et 71.

© 1988, 2003 Gary Klang pour la poésie ; © 2003 Île en île pour l’enregistrement (3:12 minutes)
Enregistré à Montréal le 13 octobre 2003


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mis en ligne : 21 octobre 2003 ; mis à jour : 27 décembre 2020