Guy Cabort-Masson

Guy Cabort-Masson, photo Antilla D.R., vers 2001

photo Antilla D.R., vers 2001

Guy Cabort-Masson naît le 12 juin 1937 à Saint-Joseph, commune du centre de la Martinique. Guy Cabort, de son vrai nom, effectue ses études secondaires au Lycée Schœlcher de Fort-de-France, puis sort diplômé de l’École Normale des Instituteurs.

Refusant de se plier au conformisme imposé par sa position de jeune notable, le jeune instituteur du quartier des Terres-Sainville rompt de manière éclatante avec l’Éducation Nationale (un épisode qu’il relate dans son autobiographie, Pourrir, ou Martyr un peu).

S’engageant comme militaire du rang, le jeune Cabort est incité par ses cadres à présenter le concours d’entrée de l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr, qui forme les officiers de l’Armée de Terre française.

L’expérience algérienne

Jeune officier, il est affecté en Algérie, un pays alors en proie à une guerre d’indépendance. Refusant d’accepter les actes de torture et les exactions de ses pairs (un de ses prisonniers FLN est torturé puis tué), Guy Cabort déserte et rejoint les rangs du Front de Libération Nationale en 1961, tout comme son compatriote Frantz Fanon. La désertion d’un officier français est un cas aussi grave que rarissime. Condamné à 20 ans de réclusion par contumace, il sera finalement amnistié en 1969.

En Algérie, Guy Cabort-Masson est également étudiant, et sera licencié en sociologie auprès de l’Université d’Alger.

Rentré clandestinement en France en 1967 sous le nom de Guy Cabort-Masson, il reprend ses études et prend contact avec les milieux étudiants antillais. C’est avec Alex Ferdinand qu’il réalise le premier drapeau nationaliste martiniquais dont les couleurs, noir, vert et rouge, rappellent celles portées par les meneurs de l’insurrection du Sud de la Martinique en septembre 1870 (événements considérés par les nationalistes martiniquais comme fondateurs de la nation martiniquaise). Le drapeau sera brandi pour la première fois lors des manifestations de mai 1968.

De retour en Martinique en 1969, Guy Cabort-Masson est recruté par Aimé Césaire, maire de Fort-de-France. Après avoir lancé la revue En Avant, il crée en 1970 l’Association Martiniquaise d’Éducation Populaire (AMEP), un établissement scolaire alternatif qui entend développer des méthodes pédagogiques plus adaptées au contexte socio-culturel martiniquais, et au sein duquel enseigneront, notamment, Vincent Placoly, Alex Ferdinand et l’historien Édouard Delepine.

Après une longue bataille juridique, l’AMEP est finalement reconnue par l’Éducation Nationale française en 1974.

Située à Fort-de-France, agrandie, l’école de l’AMEP – Association Martiniquaise d’Éducation Populaire et Lycée Polyvalent – offre aujourd’hui une préparation comme lycée général, professionnel, technologique industriel et tertiaire.

L’analyste de la société martiniquaise

L’engagement politique de Guy Cabort-Masson s’est notamment traduit par plusieurs ouvrages, essais et brochures dans lesquels il a analysé le fonctionnement de la société et de l’économie martiniquaise. Les puissances d’argent en Martinique : l’État français, la caste békée et les autres (1984, réédité et augmenté en 1987) est le titre le plus connu, après son dernier essai, Martinique, comportements et mentalité (Prix Frantz Fanon 1998).

Après avoir créé la revue En Avant en 1970, Guy Cabort-Masson a lancé les titres Simao et La Voix du Peuple, établissant diverses tribunes pour approfondir les interrogations sur la société et la politique martiniquaises et caribéennes. Dans les années 1980-1990, Cabort-Masson collabore également à d’autres revues, telles Antilla et Naïf.

Le romancier

Trois romans témoignent chez Guy Cabort-Masson d’un talent d’écriture certain, mêlant observation fine et sensualité : La Mangrove mulâtre (1986) dans lequel il décrit les derniers jours de l’esclavage, en 1848 dans le Sud de la Martinique ; La Passion Raziéla (1987) ; et Qui a tué le Béké de Trinité (1989), une évocation, sous forme de roman policier, d’un fait divers qui défraya la chronique dans les années 1940.

Guy Cabort-Masson est également l’auteur d’une autobiographie romancée, Pourrir, ou Martyr un peu (1986), à laquelle il souhaitait donner une suite lors de son décès, le 27 mars 2002, des suites d’une longue maladie.

Homme de lettres autant qu’éducateur et militant de la cause indépendantiste martiniquaise, Guy Cabort-Masson a incarné par son œuvre littéraire et son combat politique des moments essentiels de la formation de l’identité martiniquaise.

– Alfred Largange


Oeuvres principales:

Essais:

  • Les Indépendantistes face à eux-mêmes. s.l.: s.n., 1978.
  • Les Martiniquais entre l’angoisse et l’espoir. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1980.
  • La Face cachée de la France aux Antilles :pour une histoire des forces armées coloniales françaises.Fort-de-France: C. Chauvet, 1980.
  • Lettre à Aimé Césaire.Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1981.
  • La Remise en question (Les Indépendantistes face à eux-mêmes, numéro 2). Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1982.
  • Les Puissances d’argent en Martinique : l’État français, la caste békée et les autres. Saint-Joseph: Laboratoire de recherches de l’AMEP, 1984; 2e édition 1987.
  • Stratégie de la femme noire esclave américaine. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1985.
  • Martinique, comportements et mentalité. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1998.

Romans:

  • La Mangrove mulâtre, roman historique martiniquais. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1986.
  • Pourrir, ou Martyr un peu. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1987.
  • La Passion de Raziéla. Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1989.
  • Qui a tué le béké de Trinité? Saint-Joseph: La Voix du Peuple, 1991.

Récit:

  • « Le Signe du destin ». Une Enfance outremer. Textes réunis par Leïla Sebbar. Paris: Seuil, 2001: 49-57.

Prix et distinctions littéraires:

  • 1998     Prix Frantz Fanon, pour Martinique, comportements et mentalité.

Liens:

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mis en ligne : 21 avril 2005 ; mis à jour : 23 novembre 2015