Pradel Pompilus

Pradel Pompilus

photo © Jean-François Chalut / CIDIHCA
1992, Port-au-Prince

Pradel Pompilus, de son nom complet Pierre Jérôme Pradel Pompilus, naît dans une famille modeste à l’Archaie le 5 août 1914 et meurt à Port-au-Prince le 27 février 2000. À la fois écrivain, enseignant, grammairien et linguiste, il est surtout connu pour ses contributions à la littérature haïtienne. Après ses études primaires dans sa ville natale, il est admis au Petit Séminaire Collège Saint-Martial. Malgré le fait que sa famille ne pouvait plus lui payer ses dernières années d’études à cause des difficultés économiques, Pradel Pompilus restera à Saint-Martial comme boursier, puis comme professeur. Il obtient une licence en droit à Port-au-Prince en 1936. La même année, il devient professeur de français et de latin aux lycées Alexandre Pétion et Toussaint Louverture. Il part en France en 1945 comme boursier pour une licence à la Sorbonne en français et en sciences sociales. Il obtient son diplôme en lettres classiques en 1947.

À son retour en Haïti, Pradel Pompilus enseigne le latin et le grec ancien. Il fonde le Centre d’Études Secondaires dans les années 1950 avec des collègues et amis tels que Jean Claude, Pierre Riché, Lesly Manigat, Max Chancy et Marie Lucie Chancy. En 1950, il devient sous-secrétaire d’État à l’Éducation Nationale pendant la junte militaire de Paul Magloire. La même année, il devient directeur de l’École Normale Supérieure qu’il a dirigé pendant huit ans. En 1951, il publie les Pages de littérature haïtienne qui l’amèneront plus tard au Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne paru en 1961, puis à L’Histoire de la littérature haïtienne illustrée par les textes en trois volumes dont la parution commence en 1975. Pour ces travaux, Pradel Pompilus a collaboré avec le Frère Raphaël Berrou.

En 1957, il retourne à Paris, toujours comme boursier à la Sorbonne, pour préparer sa thèse de doctorat. C’est l’occasion pour lui d’étudier avec certains des éminents spécialistes de la linguistique française de l’époque tels que Charles Bruneau et Georges Gougenheim. Sa thèse de doctorat, La langue française en Haïti est publiée à Paris à l’Institut des Hautes Études de l’Amérique latine en 1961.

En 1958, Pradel Pompilus publie un Lexique créole-français aux éditions des universités de Paris. Avec la collaboration de son ami linguiste Pierre Vernet, il sensibilise la population haïtienne sur l’importance de la langue créole comme patrimoine linguistique nationale. Il devient aussi professeur de littérature française à l’Université d’État d’Haïti avec des responsabilités d’enseignement en linguistique, en latin et en littérature haïtienne. Il enseigne à la Faculté d’Ethnologie et au Centre de Linguistique Appliquée.

Pradel Pompilus publie de nombreux ouvrages et un nombre important d’articles dans diverses revues. Ses travaux de recherche universitaire portent sur l’étude de la langue : Le manuel d’initiation à l’étude du créole en 1983, et Le problème linguistique haïtien en 1985. Toujours en liaison avec ses activités d’enseignant et d’éducateur, Pradel Pompilus publie d’autres textes consacrés à des écrivains spécifiques. Au-delà de leur importance pédagogique, ces textes donnent une idée de l’intérêt qu’il portait à certains écrivains. En 1964, il consacre une étude critique à Oswald Durand, en 1972 à Etzer Vilaire, en 1976 à Louis Joseph Janvier, et en 1990 à Anténor Firmin. Il consacre, entre autres, des pages à Léon Laleau, Carl Brouard, Massillon Coicou, Jean Price-Mars, Émile Roumer et Frankétienne.

Pradel Pompilus est passionné par le sujet de la politique dans la littérature haïtienne. D’ailleurs, son livre Louis-Joseph Janvier par lui-même est le résultat des notes pour un cours sur la politique dans la littérature haïtienne qu’il dispensait à l’École Nationale des Hautes Études Internationales dans la section de diplomatie. En ce sens, il montre un intérêt particulier pour trois écrivains qu’il considère comme formant une trinité en ce qui a trait à la littérature politique et sociale. Il s’agit d’Anténor Firmin, de Demesvar Delorme, et de Louis-Joseph Janvier. Comme l’a dit le Dr Pompilus lui-même, Anténor Firmin est dans cette trinité un penseur qui l’a accompagné dans sa route comme observateur et comme partisan de la perpétuelle lutte du peuple haïtien pour la justice, le progrès, et le respect des droits fondamentaux. Les revendications exprimées en 1986, et les critiques de l’organisation sociale et politique qui en découlent rejoignent très largement pour Pradel Pompilus, la pensée politique et sociale d’Anténor Firmin.

Pradel Pompilus restera dans l’histoire des lettres haïtiennes comme l’auteur du Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne utilisé dans les écoles pour faire découvrir aux jeunes les écrivains du patrimoine et leurs textes. Il a contribué à introduire dans ces écoles l’étude de la littérature haïtienne. Il a transmis son savoir pendant plus de 50 ans à plusieurs générations d’étudiants. Il a été fait Officier de l’Ordre Honneur et Mérite et de l’Ordre de l’Éducation Nationale par Haïti ; par le Canada, Officier de l’Ordre de la Fidélité Française ; et par la France, Chevalier des Lettres et des Arts et Commandeur dans l’Ordre des Palmes académiques. Pradel Pompilus était un homme fier, mais discret, au mode de vie simple, qui toute sa vie a été au service de l’enseignement et des lettres haïtiennes.

– Fred Edson Lafortune


Oeuvres principales:

Essais:

  • Pages de littérature haïtienne : à l’usage des classes d’humanités. Port-au-Prince: Imprimerie de l’État, 1951; Port-au-Prince: Imprimerie Théodore, 1953.
  • Lexique créole-français, thèse complémentaire. Paris: Université de Paris, 1958.
  • Lexique du patois créole d’Haïti. Paris: sne, 1961.
  • La langue française en Haïti, thèse pour le doctorat ès lettres présentée à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Paris. Paris: Institut des hautes études de l’Amérique latine, 1961; Port-au-Prince: Fardin, 1981.
  • Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne (en collaboration avec les Frères de l’Instruction chrétienne). Port-au-Prince: Deschamps, 1961.
  • Contribution à l’étude comparée du créole et du français à partir du créole haïtien. Vol 1: Phonologie et lexique. Port-au-Prince: Éditions Caraïbes, 1973. Vol 2: Morphologie et syntaxe. Port-au-Prince: Éditions Caraïbes, 1976.
  • Histoire de la littérature haïtienne illustrée par les textes (avec Raphaël Berrou), 3 volumes. Port-au-Prince/Paris: Éditions Caraïbes/Éditions de l’École. Vol. 1 et Vol 2, 1975; Vol 3, 1977.
  • Manuel d’initiation à l’étude du créole. Port-au-Prince: Impressions Magiques, 1983.
  • Approche du français fondamental d’Haïti, le vocabulaire de la presse haïtienne contemporaine. Port-au-Prince: Centre de linguistique, Université d’État d’Haïti, 1983.
  • Le problème linguistique haïtien. Port-au-Prince: Fardin, 1985.

Études d’auteurs:

  • Oswald Durand, 1840-1906: Poésies choisies, avec une étude biographique et littéraire, des notes explicatives, des jugements, des questions et des sujets de devoirs. Port-au-Prince: Imprimerie des Antilles, 1964.
  • Etzer Vilaire, étude critique et textes choisis. Port-au-Prince: sne, 1968.
  • Deux poètes indigénistes; Carl Brouard et Émile Roumer (en collaboration avec Frère Raphaël Berrou). Port-au-Prince/Paris: Éditions Caraïbes/Éditions de L’École, 1974.
  • Louis-Joseph Janvier par lui-même: le patriote et le champion de la négritude. Choix de textes par Pradel Pompilus. Port-au-Prince: Éditions Caraïbes, 1976.
  • Anténor Firmin par lui-même: le champion de la négritude et de la démocratie hatienne. Port-au-Prince: Édition Pegasus, 1990.

Articles sélectionnés:

  • « Une crise du livre haïtien ». Le Nouvelliste (25 novembre 1941).
  • « Splendeur et servitude (1895-1915) ». La Phalange (31 janvier 1951).
  • « Cent cinquante ans de littérature haïtienne ». Formes et couleurs (Lauzanne) 12e série, 1 (1954).
  • « Tendances et thèmes essentiels de la littérature haïtienne ». Le National magazine (12 et 19 juin et
    3 juillet 1955).
  • « Problèmes de notre enseignement supérieur ». Optique 22 (décembre 1955): 45-47.
  • « Solon Menos ». Optique 28 (juin 1956): 13-17.
  • « Manuel illustré de la littérature haïtienne et les Frères de l’Instruction Chrétienne ». Conjonction 83 (1962): 45ff.
  • « Le Vodou dans la littérature haïtienne ». Rond-point 8 (juin-juillet 1963): 27-41.
  • « Léon Laleau ou la résistance aux tentations ». Le Nouveau Monde (17 mars 1963) et dans Conjonction 87-88 (1963): 19-22.
  • « Le paysan dans le roman haïtien ». Conjonction 96-97 (1964): 78-82.
  • « De l’élégie à la poésie romanesque » (sur l’oeuvre de Jacques Roumain). Conjonction 98 (mai 1965): 26-31.
  • « Les tâches nouvelles du professeur de français en Haïti ». Conjonction 99 (août 1965): 67-79.
  • « Carl Brouard est mort ». Conjonction 100 (décembre 1965): 21-29.
  • « Études sur le Vodou ». Sondeos 2 (1966).
  • « L’encyclopédisme, voilà l’ennemi ». Conjonction 104 (avril 1967) 19-24.
  • « Massillon Coucou, poète ». Conjonction 105 (octobre 1967): 60-68.
  • « Tendances du théâtre haïtien ». World Theatre 16.5-6 (septembre-décembre 1967): 535-537.
  • « Les deux sources du théâtre haïtien ». Le Nouvelliste (21 mars 1968).
  • « Les chances du théâtre haïtien contemporain ». Conjonction 111 (1969): 14-18.
  • « Le fait français en Haïti ». Le français en France et hors de France. I. Créoles et contacts africains. Actes du colloque sur les ethnies francophones. Nice: Institut d’études et de recherches interethniques et interculturelles, 1969: 37-42.
  • « Le centenaire d’un grand livre » (sur Les Théoriciens au pouvoir, par Demesvar Delorme). Conjonction 113 (1970): 3-15 et sur Desmesvar Delorme (1831-1901), en collaboration avec R. Frère Raphaël [Berrou], Conjonction 113 (1970): 16-52.
  • « Les principales directions de la poésie haïtienne au cours du mouvement indigéniste ». Présence francophone 3 (automne 1971): 29-40.
  • « Débat sur le destin du français en Haïti », Mr. le Dr. Pradel Pompilus répond aux questions de Roger Gaillard. Conjonction 116 (2e trimestre 1971): 63-78.
  • « Le code orthographique et grammatical de René Thimonnier », compte-rendu. Conjonction 117 (décembre 1971): 149-151.
  • « L’expérience d’Etzer Vilaire, ses risques et ses mérites ». Conjonction 119 (1971): 73-89.
  • « Sur quelques vers des Années tendres d’Etzer Vilaire ». Le Nouvelliste (12 avril 1972).
  • « Etzer Vilaire ». Conjonction 119 (février-mars 1973): 73-89.
  • « Fernand Hibbert, Justin Lhérisson et Antoine Innocent, romanciers réalistes ». Conjonction 122-23 (1974): 15-18.
  • « Félix Courtois, aimable, enjoué et cruel ». Le Nouvelliste (6-7 septembre 1975).
  • « Mes rencontres avec Price-Mars ». Conjonction 132 (décembre 1976-janvier 1977): 19-24.
  • « Sur quelques corrections d’Etzer Vilaire ». Conjonction 138 (mai 1978): 83-94.
  • « Permanence de Justin Lhérisson ». Conjonction 143 (mai 1979): 39-46.
  • « Pour dire merci à Édris Saint-Amand; sur Bon Dieu rit ». Le Nouvelliste (28 septembre 1979).
  • « À propos de Bon Dieu rit d’Édris Saint-Amand ». Conjonction 157 (mars 1983): 9-12.
  • « Pour saluer les quatre-vingts ans d’Émile Roumer ». Le Petit Samedi soir 466 (5-11 février 1983): 21-24.
  • « Le Phénomène de la non-croyance dans la littérature haïtienne ». Le Nouveau Monde (24-26 décembre 1984).
  • « En attendant Le Roi de Michel Philippe Lerebours ». Le Nouvelliste (18 décembre 1984).
  • « Notes sur les Cours Normaux Supérieurs et l’École Normale Supérieure de Port-au-Prince ». Conjonction 202 (1997): 39-44.

sur l’oeuvre de Pradel Pompilus:

  • Desrivières, Jean Durosier. « Critiquer et dépasser l’Histoire de la littérature haïtienne de Raphael Berrou et Pradel Pompilus ». Conjonction 209 (2003): 54-57.
  • Manigat, Leslie François. Une date littéraire, un événement pédagogique. Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne. Port-au-Prince, Imprimerie La Phalange, 1962; reproduit dans Conjonction 209 (2003): 39-53.
  • Philoctète, Raymond. « Autour du Manuel illustré d’histoire de la littérature haïtienne de Pradel Pompilus ». Semences 1.2 (mai 1962): 1-8.
  • Trouillot, Hénock. « En guise de réponse à Monsieur Pradel Pompilus ». Revue de la Société haïtienne d’histoire, de géographie et de géologie 30.104 (juillet-octobre 1957): 82-119.

Liens:

sur Île en île:

ailleurs sur le web:


Retour:

Dossier Pradel Pompilus préparé par Fred Edson Lafortune, Dieulermesson Petit Frère et Thomas C. Spear

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mis en ligne : 14 novembre 2020 ; mis à jour : 25 avril 2021