Jacqueline Beaugé-Rosier

Jacqueline Beaugé-Rosier, photo © Studio Chaton Roi Port-au-Prince, 1970

photo © Studio Chaton Roi
Port-au-Prince, 1970

Jacqueline Beaugé-Rosier naît le 7 février 1932 à Jérémie où elle fréquente l’Institution Notre-Dame-de-Lourdes dirigée par des religieuses, jusqu’au Brevet supérieur. Après ces premières études, elle rentre dans un couvent à Kenscoff, pour répondre aux appels d’une vocation remontant à sa plus tendre jeunesse. Pour des raisons de santé, elle doit cependant dévier de la voie religieuse. Elle retourne à Jérémie où elle reçoit une formation d’éducatrice à l’Institution Notre-Dame-de-Lourdes, de 1950 à 1952. Aussitôt diplômée, elle enseigne à l’école Édmée-Rey jusqu’en 1953, au lycée Pétion jusqu’en 1969, et, finalement, au Collège Roger Anglade, de 1971 à 1975.

Dans sa ville natale, elle a vécu dans le quartier ayant pour nom « en bas la ville » où les maisons, penchées par les bourrasques du vent, s’appuient sur des pilotis plantés le long du rivage. Maisons dont les fenêtres des greniers, ouvertes sur l’infini,

offrent une vue appétissante de la Grande et de la Petite Caïmite, ces deux îles qui dessinent sur l’horizon, un nid de terre où se couche le soleil.

Jacqueline Beaugé-Rosier est l’auteure du poème « Conte de l’enfance aveugle » où l’on trouve des roses plein les pages et des vers d’une extrême beauté :

Je suis allée voir le nid de fougères
qui marche encore au ras du jeune cœur errant de mon île
J’ai vu le vent fougueux de la haine emporter le rêve
et la Rose hybride loin des jardins de l’enfance hagarde
c’est comme si la révolte d’une ultime jeunesse sourde
et menteuse
cache le rouge éclatement d’un dix-septième hiver
qui m’éclabousse le nez.

Ce sont d’ailleurs des mots se déployant comme des roses qui circulent le long des pages où les lettres fléchissent, s’arc-boutent, comme s’ils se trémoussaient sur les branches d’un rosier. La poétesse dont le nom se termine en Rosier est aussi si l’on peut dire la source créatrice ou l’arbre de poésie où fleurissent tant de beaux vers.

De 1957 à 1962, Jacqueline Beaugé-Rosier fréquente les poètes d’ « Haïti littéraire » et, de 1964 à 1966, elle est membre du groupe Houghenikon que dirige Gérard Campfort, avec l’appui de Serge Gilbert, Jean-Max Calvin et Eddy Guéry. L’effervescence littéraire de l’époque fait déjà pousser des roses dans son jardin de poésies.

Après avoir épousé Jacques V. Rosier, elle quitte Haïti et s’établit au Canada, où elle suit des cours au Collège Algonquin à Ottawa, à l’Université du Québec à Hull et à l’Université d’Ottawa. Après la Maîtrise en lettres françaises, Jacqueline Beaugé-Rosier recommence à enseigner. Elle donne des cours au Conseil de l’Éducation de Carleton, au Conseil scolaire d’Ottawa et dans les écoles du Conseil scolaire catholique de langue anglaise, jusqu’à sa retraite en juin 2004.

C’est au Canada, cette terre d’accueil où se sont enfoncées les racines de son existence, que Jacqueline Beaugé-Rosier a écrit son roman : Les Yeux de l’Anse-du-Clair. C’est un récit où se dénouent les boucles temporelles de la jeunesse, un long métrage de l’autrefois qui expose les détails de l’époque où la jeune fille que fut l’auteure cherchait sa place dans le monde, entre « la lampe clignotante des autels de marbre » et le parfum de l’encens émanant du « disque d’or de l’encensoir ».

Jacqueline Beaugé-Rosier continue d’écrire et consacre une bonne partie de son temps à ses enfants et à ses petits-enfants qui sont au nombre de neuf et qui vivent à proximité d’elle, non loin de la Rivière des Outaouais qui joue, dans sa nouvelle vie, le même rôle que la Grand’Anse de l’enfance.

« Épouse, mère, grand-mère, soeur, tante et potomitan de la poésie haïtienne », Jacqueline Beaugé-Rosier s’éteint à Ottawa le 28 juillet 2016.

– Josaphat-Robert Large


Oeuvres principales:

Poésie:

  • Climats en marche. Port-au-Prince: Imprimerie des Antilles, 1962.
  • À Vol d’ombre. Préface de Phito Gracia. Port-au-Prince: Imprimerie Serge Caston, 1966.
  • Les Cahiers de la mouette, poèmes, suivis de « Tranché pour toi » et « Leïla, ou, La déracinée », deux nouvelles. Sherbrooke: Naaman, 1983.
  • D’Or vif et de pain. Regina (Canada): Louis Riel, 1992.

Roman:

  • Les Yeux de l’anse du Clair. Illustration de Raymond Cadet. Woodbridge (Canada): Albion Press, 2001.

Essai:

  • Li, Konprann Ekri. Michel-Ange Hypolite, Jacqueline Beaugé-Rosier et Hugues Lamour, éds. Ouvrage scolaire financé par Ontario Ministry of Education and Training. Miami: Éditions Educa-Vision, July 1996.

Textes publiés dans des ouvrages collectifs:

  • « Cris et gestes pour un acte de parole dans le « Coup de l’étrier » de Claude Pierre », article critique de Jacqueline Beaugé-Rosier. LittéRéalité 4.1 (printemps 1992): 63-78.
  • « Mémoire d’une enfance insulaire » (poésie, extrait). LittéRéalité 4.1 (printemps 1992): 141-144.
  • « Étends tes ailes neigeuses », « Songe du coeur double », « Chant d’adieu », « Nid d’ondes », « Leçon de tendresse » (extraits divers de son oeuvre). Écriture franco-ontarienne 2003, sous la direction de Jacques Flamand et Hédi Bouraoui.Ottawa: Vermillon, 2004: 44-52.
  • « À vol d’ombre » (extrait). Anthologie de la littérature haïtienne: Un siècle de poésie, 1901-2001. Georges Castera, Claude Pierre, Rodney Saint-Éloi et Lyonel Trouillot, éds. Montréal: Mémoire d’encrier, 2003: 136-137.
  • Choix de poèmes. Terres de femmes, 150 ans de poésie féminine en Haïti. Paris: Bruno Doucey, 2010: 63-69.

Poésie enregistrée:

  • « Conte de l’enfance aveugle », dit par Anthony Phelps sur son disque, La poésie contemporaine d’Haïti. Trente-quatre poètes. CD. Pétion-Ville, Haïti, 1998.

Prix et distinctions littéraires:

  • 1987     Prix d’excellence de l’Ambassadeur de Suisse à Ottawa, pour ses études linguistiques de français à l’Université du Québec à Hull.
  • 1991     Trophée de la Tonnelle Haïtienne de l’Ouataouais.
  • 1993     Deuxième Prixlittérature de la Société des Écrivains canadiens de Toronto (S.E.T.).
  • 2000     Plaque d’Honneur-Respect de la Communauté haïtienne du Canada, pour ses contributions à l’enrichissement de la littérature franco-ontarienne et à l’épanouissement culturel de sa double communauté.

Sur l’oeuvre de Jacqueline Beaugé-Rosier:

  • Bernard, Robinson. « Un roman saisissant », compte-rendu des Yeux de l’anse du Clair. Le Nouvelliste (28 août 2001).
  • Crosta, Suzanne. « De l’opacité des exilés et des marginaux chez Marie-Thérèse Colimon-Hall, Liliane Dévieux Dehoux et Jacqueline Beaugé-Rosier ». Raymond Federman and French Marginal Writers / Raymond Féderman et les écrivains marginaux français (bilingue). M. Thérèse Tseng, éd. Baltimore: American Literary Press, 2002: 163-180.
  • Philoctète, Raymond, éd. Anthologie de la poésie haïtienne contemporaine. Montréal: CIDIHCA, 2000: 15-18.

Liens:

sur Île en île:

ailleurs sur le web:

hommages, Jacqueline Beaugé-Rosier (1932-2006):


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Dossier Jacqueline Beaugé-Rosier préparé par Josaphat-Robert Large

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mis en ligne : 26 juin 2007 ; mis à jour : 11 janvier 2021