Ida Faubert, « Pour Jacqueline »

Qu’on parle tout bas ; la petite est morte.
Ses jolis yeux clairs sont clos pour jamais,
Et voici déjà des fleurs qu’on apporte…
Je ne verrai plus l’enfant que j’aimais.

Je rêve, sans doute, et l’enfant sommeille ;
Pourquoi, près de moi, dit-on qu’il est mort
Pas de bruit surtout, que rien ne l’éveille,
Ne voyez-vous pas que ma fille dort ?

Mais elle a gardé la bouche entr’ouverte,
Sa joue est bien pâle et son front glacé,
Son petit corps semble une chose inerte…
Agenouillez-vous, la Mort a passé.

Alors, c’est fini ! Tes prunelles closes
Jamais ne verront le ciel rayonnant,
Tu dors pour toujours au milieu des roses,
Toi mon sang, ma chair, ô toi, mon enfant !

Je ne verrai plus ton joli sourire,
Jamais tes regards ne me chercheront,
Tes petites mains qu’on croirait de cire,
Jamais, plus jamais ne me toucheront.

Adieu, mon amour, adieu, ma jolie :
Je n’entendrai plus ton rire joyeux.
Ah ! comment guérir ma triste folie ;
Comment vivre encor ! je n’ai plus tes yeux.

Et voici soudain qu’on ouvre la porte…
On t’arrache à moi, mon ange adoré,
Mais dans le cercueil, afin qu’on l’emporte,
Près du tien j’ai mis mon cœur déchiré.

Oh ! ne parlez plus, la petite est morte…


Le poème « Pour Jacqueline », par Ida Faubert, a été publié pour la première fois en 1912 dans Haïti littéraire et scientifique. Par la suite, il a été publié dans le recueil d’Ida Faubert, Cœur des îles, publié à Paris chez René Debresse, 1939, page 97.


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mis en ligne : 5 octobre 2004 ; mis à jour : 26 octobre 2020