Gilbert Gratiant

Gilbert Gratiant

photo D.R., HC Éditions
probablement prise dans les années 1960

Gilbert Gratiant est de Saint-Pierre en Martinique où il est né le 27 décembre 1895. Il meurt à Paris en novembre 1985. Enseignant d’anglais au lycée Schœlcher, il aura comme élèves, les futurs penseurs et poètes de la Négritude, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas. Ayant publié un recueil de poèmes en français en 1931, Poèmes en vers faux, il est l’un des rares à publier de la poésie en créole durant la première moitié du vingtième siècle comme l’indiquent son poème « Joseph, lévé » en 1935 et son recueil de poésie de 1950, Fab’ Compè Zicaque, réédité en 1958 et 1970. L’île parle : poèmes inédits est posthumément publié en 2017 et éclaire encore plus sur le caractère de sa poésie y compris son caractère plurilingue. Il en est de même de Fables créoles et autres récits en 1996 préfacé par son ancien élève Aimé Césaire qui le présentera comme un homme libre faisant le plus important des choix puisque Gilbert Gratiant aura choisi, selon Césaire, « le peuple, d’être le peuple ». Toujours selon Aimé Césaire, Gilbert Gratiant est « Le premier intellectuel martiniquais au sens moderne du terme, c’est-à-dire un défenseur… intransigeant, de la vérité et de la liberté vraie » (Fables créoles 7). C’est déjà en 1935 que Gratiant ose élever en effet une voix contradictoire aux demandes d’asservissement faites au petit peuple représenté par Joseph – tous deux sans doute d’origine africaine – dans son premier poème en créole, « Joseph, lévé » (Joseph, révolte-toi !). La sommation du poète est cinglante, en tout cas, elle est à la mesure de la demande de soumission. Si le poète somme Joseph de se rendre compte de l’exploitation dont il est l’objet, il exige que sa révolte soit motivée non seulement par le désir d’abattre l’injustice mais aussi par la valeur reconnue de ses qualités et compétences. Car en effet, sans Joseph, pour ainsi dire, sans nègres, point de richesse.

Joseph ! Joseph !
Qui temps ou ké lévé ?
La charité ça bon pou chien !

Pa sé ni pièce château,
Pa sé ni pièce Mussieu,

Pa sé ni pièce Madan-m
Si pa té ni Joseph ! (63)

* * *

Joseph ! Joseph !
Quand te révolteras-tu ?
La charité n’est bonne que pour les chiens !

Il n’y aurait pas de château,
Il n’y aurait pas de « Monsieur »

n’y aurait pas de « Madame »
S’il n’y avait Joseph ! (62)

Gilbert Gratiant persiste car Aimé Césaire nous apprend qu’il aura également gravé dans le marbre à la mairie de Fort-de-France cette même idée pénétrante : « À nos ancêtres, artisans de la prospérité de cette île » (Fables créoles 7). Puisque Césaire le situe au début de l’histoire intellectuelle martiniquaise, il n’est pas étonnant que tout penseur lui succédant lui rende hommage comme le font les penseurs de la Créolité dans Éloge de la Créolité :

Fab Compè Zicaque est une extraordinaire investigation … de l’intelligence de cette entité culturelle dans laquelle nous tentons aujourd’hui une plongée salutaire. Nous nommons Gilbert Gratiant et bien des écrivains de cette époque précieux conservateurs…des pierres, des statues brisées, des poteries défaites, des dessins égarés, des silhouettes déformées : cette ville ruinée qu’est notre fondement » (Jean Bernabé, Raphaël Confiant, Patrick Chamoiseau, Éloge de la Créolité, Paris: Gallimard, 1993: 15-17)

L’importance des idées, de la poésie et des fables de Gilbert Gratiant dicte leur qualité et inscrit leur auteur à une place majeure de la pensée et de la littérature martiniquaises. Mais, en plus, il suffit de saisir la reconnaissance marquée à la fois de la Négritude et de la Créolité pour dissiper toute hésitation.

– Hanétha Vété-Congolo


Oeuvres principales:

Poésie:

  • Poèmes en vers faux. Paris: La Caravelle, 1931.
  • Fab’ Compè Zicaque. (1950); Fort-de-France: Horizons Caraïbes, 1958; Le Lamentin: Désormeaux, 1976.
  • Une jeune fille majeure – Credo des sang mêlé ou je veux chanter la France, Martinique à vol d’abeille. Paris: Louis Soulanges, 1961.
  • Sel et sargasses, poésies lyriques de France et des Antilles. Paris: Louis Soulanges, 1964.
  • Fables créoles et autres récits. Préface: Aimé Césaire. Paris: Stock, 1996.
  • L’île parle, poèmes inédits. Paris: HC Éditions, 2017.

Essai:

  • Ile fédérée française de la Martinique. Écrit de Morale politique destiné à la « France essentielle » et démocratique et à ce million d’hommes, de femmes et d’enfants qui peuplent la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion. Paris: Éditions Louis Soulanges, 1961.

Textes publiés dans la revue Présence Africaine:

  • « D’une poésie martiniquaise dite nationale ». Présence Africaine 5 (décembre 1955-janvier 1956): 84-89.
  • « L’arc-en-ciel noir ». Présence Africaine 7 (avril-mai 1956): 98-101.
  • « La place du ‘créole’ dans l’expression antillaise ». Présence Africaine 14-15 (juin-septembre 1957): 252-255.
  • « Ça n’est plus de jeu! » Présence Africaine 20 (juin-juillet 1958): 57-60.
  • « Tourisme ». Présence Africaine 88 (4e trimestre 1973): 163-165.
  • « La po fonmaj » et « La peau fromage ». Présence Africaine 121-122 (1er et 2e trimestres 1982): 269-274.

Prix littéraire:

  • 1965     Grand Prix des Antilles, pour l’ensemble de son œuvre.

Liens:

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Dossier Gilbert Gratiant préparé par Hanétha Vété-Congolo

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mis en ligne : 29 décembre 2020 ; mis à jour : 29 décembre 2020