Le quatrième numéro de BOUTURES coïncide avec le nouveau millénaire et les inquiétudes dont il est porteur. Les créateurs n’arrêtent pas de (se) questionner: comment donner sens à la perte de sens contemporaine? Comment placer notre voix dans ce Babel (babil) difforme?

Autant de questions affirmant ou réaffirmant aujourd’hui la difficulté mais aussi la nécessité de penser… de dire… et d’imaginer l’être que nous sommes ou croyons être en ce début de siècle. Et aussi notre être-dans-la-cité.

Nous n’avons pas de réponses toutes faites. Les questions, une fois posées, interpellent le meilleur de nous-mêmes et nous poussent à lutter contre l’aphasie, l’oubli et la peur.

Ce qui nous ramène assurément à l’incontournable question de l’identité. Notre identité au seuil de ce nouveau millénaire? Celle ratatinée des nativistes ou le choix facile d’une citoyenneté onusienne!

Trois textes d’écrivains haïtiens: Jean-Claude Charles, René Depestre et l’entretien avec le romancier Dany Laferrière permettent de revisiter la question identitaire: L’ENRACINERRANCE pour Charles; LE MULTIPLE AILLEURS D’HAÏTI pour Depestre; ajouté à cela, la FATIGUE d’un Laferrière.

Ceci dit, les créateurs semblent aller à l’encontre, pour reprendre une formule de Charles, des «petits enfermements nationaux ou ethniques», en repoussant cette identité-ressentiment, incapable de dépassement. Et en proposant – en lieu et place de cloisonnements et de couloirs comme ici versus ailleurs, dedans versus dehors de nouveaux modes d’appréhension du monde.

Parions qu’en citoyens d’une île, d’une métropole ou d’une simple bourgade, les voix seront égales dans leur diversité et leur multiple ancrage. Parions aussi que le pont sera jeté entre les femmes et les hommes de bonne volonté, rien que par le tremblement d’une phrase, la passion des lignes… Notre utopie commence dans l’espoir de cette rébellion: la lecture sereine d’une page écrite.