Bonel Auguste, Dève lumineuse

(extraits)

sans la palpitation de ton sang
la mer mourrait d’une overdose
de bleu
tes doigts vibration de sel
la musicalité de ton corps
brûle un navire en pleine mer
tes lèvres donnent son vin au raisin

le venin du serpent
n’atteindra même pas ta stèle

ton herbe imite le paon
gratifie la tiédeur tremblante
de ses couleurs comme un pan d’univers

* * *

ton ventre respiration sous-marine
bruissement de forêt
souffle qui entretient le feu
dève vertige dève végétation
les arbres trouvent un surplus de fruits
dans ton corps

tes seins
deux petites sphères lointaines
dont les aztèques voulaient
que la pulsation bleue
remplace chaque pierre de la pyramide
dans leur double rotation
elles distribuent à tout élément
son espace
à la moindre ligne sa respiration

* * *

je n’ai goût pour le sel
qu’à la pointe de tes seins
je marche en saoulard
ton allure de barque
vers la moisson
a déjà pris possession de mes pas

mes phrases s’emmêlent
de tes sous-vêtements

comme un rocker
j’ai les cheveux hérissés
rougis de tes frissons dans le miroir

* * *

je t’aime
dans la cassure
dans la coupure
dans le giclement
il y a plus de désir d’éternité
dans une veine coupée
qui gicle
que dans le souffle

* * *

tu m’ouvres grand les bras
même quand le vent
casse les branches

tu laisses couler mes larmes
entre tes doigts
pour séparer dans ma vie
l’eau de source de l’eau boueuse

tu m’offres ta nudité
contre mon dénuement

quand je suis mégot fumant
tu me glisses dans tes nerfs
je deviens puce lumineuse
communication cosmique

* * *

je m’élance étoile
du froid de la tombe
par la germination
de tes paumes
j’ai déjà parcouru la blessure
de la main tremblante d’amour
j’ai déjà parcouru la blessure
des constellations à l’affût
de la pierre tombale
tout ce qui flétrit dans le grain
me fleurit
à l’ombre des orchidées
je suis d’onde courte
et de course onduleuse

* * *

j’ai saisi dans les paupières closes
dans l’eau grise
la lueur où tailler tes anneaux
et tes colliers en fleurs

dans l’envasement du bateau
j’ai retrouvé le gonflement de voiles
qui s’accordent à tes jeux
tes doigts grappes fendues
pour libérer la lumière

tu me transfuses des langues aquatiques
que je décrypte
quand toutes les eaux insulaires
pivotent autour de mon sexe


Ces poèmes de Bonel Auguste sont extraits de son recueil, Dève luminieuse, publié pour la première fois à Port-au-Prince aux Éditions Henri Deschamps (2007), pages 13, 14, 16, 18, 36, 40 et 69 et sont reproduits sur Île en île avec la permission de l’auteur.

© 2007 Bonel Auguste

/bonel-auguste-deve-lumineuse/

mis en ligne : 4 janvier 2008 ; mis à jour : 22 octobre 2020