Taaria Walker, dite Mama Pare

Portrait d’auteure

Taaria Walker est une figure haute en couleurs de la vie culturelle et associative en Polynésie; cette ancienne est dépositaire de la mémoire des Australes.

Née le 11 octobre 1930 dans le district de Auti sur la côte ouest de Rurutu (île qui appartient à l’Archipel des Australes, situé au sud de la Polynésie Française), Madame Walker est aussi appelée Mama Pare: le terme de Mama est attribué particulièrement aux personnes âgées (il signifie «grand-mère» avec une nuance d’affection et de respect), et Pare provient d’un deuxième prénom qu’on lui aurait donné lors de son mariage (usage très fréquent en Polynésie).

Issue d’une famille de douze enfants, elle n’a pas eu la vie facile; mais à 70 ans, elle demeure une femme très active. Son parcours depuis sa jeunesse est des plus laborieux. De 1939 à 1948, elle fait ses études à l’Ecole Centrale de Papeete, organisme dont elle obtient une bourse. De 1949 à 1951, Taaria devient élève-infirmière à l’hôpital colonial. De 1952 à 1959, elle est infirmière à Rurutu. Puis de 1960 à 1975, elle est affectée dans le service de chirurgie de Vaiami (qui est aujourd’hui un hôpital psychiatrique), puis au CHT (Centre Hospitalier Territorial) de Mamao. De 1975 à 1978, elle exercera au Centre médico-scolaire. Cependant, bien que ce soit l’année de son départ pour la retraite, Mama Pare travaillera encore de 1979 à 1985, à l’Électricité de Tahiti.

Malgré une vie professionnelle si prenante, elle se consacre activement à la vie associative. Elle trouve le temps de fonder en Mars 1980, l’Amicale des Artisans Polynésiens «Tamatea», ainsi que l’Association Artisanale «Tiare Porea». En 1987, Taaria Walker crée l’Association Artisanale et Culturelle «Taurama» En 1993, elle est élue déléguée communale de son île, et elle devient Présidente du Centre Territorial d’information des femmes et des familles. Par la suite, elle fondera l’Association «Tau Metua Vaine». Elle est notamment membre du Conseil des Sages de Rurutu, du Comité du Tourisme et de l’Association des forains. Elle est également la marraine d’une association au Congo pour les jeunes enfants: elle se souvient avec émotion de sa petite fille que durant sa jeunesse ses parents ont vendue pour avoir une chèvre. Cet enfant, selon les dernières nouvelles qu’elle a en a obtenues, grandirait quelques part au Congo avec ses parents adoptifs…

En 1982 – et cet évènement décide de son entrée dans la vie littéraire polynésienne – elle participera aux concours proposés par l’Académie Tahitienne qui récompense à plusieurs reprises ses travaux. Pour rédiger son oeuvre principale: Rurutu, Mémoires d’avenir d’une île Australe, elle a dû suivre des cours de langue tahitienne à l’Académie pendant une année, avant de participer au concours académique. En effet, le parler de Rurutu diffère du parler Tahitien.

Taaria a écrit cette autobiographie avant tout pour se rappeler et afin que reste l’histoire de sa vie et de sa culture. Ce premier ouvrage est un appel du coeur que Taaria lance à la jeunesse des îles d’aujourd’hui.  Jeunesse, qui, selon elle, se désintéresse et se détourne de ses propres coutumes, de sa culture au profit du modernisme. Elle exprime une profonde réprobation à l’égard de la jeune génération qui préfère la musique des baladeurs aux précieuses paroles des personnes âgées. Elle écrit: «Aujourd’hui, les enfants ne prêtent plus attention à ces histoires lassantes d’une planète inconnue, et leurs oreilles sont habitées par les mini-écouteurs d’un poste radio » (chapitre 2, p. 19). Elle pense que dans les années à venir, si la relève n’est pas assurée, la culture de Rurutu court à sa perte.

Bien qu’elle écrive surtout pour le plaisir, elle écrit également pour laisser des traces de la belle culture de son île. Son oeuvre nous permet donc de découvrir tout ce qui fait la beauté et le caractère unique de son île. Elle nous décrit très précisément Rurutu, ses origines, ses recettes typiques, ses coutumes et cultures. On trouvera, entre autres, les diverses façons de préparer la pieuvre: «la pieuvre au gingembre» ou encore «la pieuvre en salade» ou tout simplement «la pieuvre au naturel».

Mais ce n’est pas un livre de recettes: il aborde des sujets plus graves, moins heureux. Ainsi, lorsqu’elle évoque la tradition du mariage:

Dès la naissance d’un enfant, en plus du souci de lui trouver des parrains(metua tapa’o), on cherche aussi le ou la fiancée. Une fois les parents des deux côtés s’étant mis d’accord, ils échangent des paroles d’honneur en guise de pacte que seule la mort de l’un des enfants annule, exactement comme le serment prêté lors du mariage. Les deux enfants grandissent normalement, ignorant totalement ce serment, même s’ils vivent dans des pays différents, l’un doit attendre l’autre. (Chapitre 6, page 43)

En lisant Taaria Walker, on découvre des horizons, des coutumes qui nous étaient jusqu’alors inconnus. Elle se rappelle avec un peu de regret, sa vie d’antan à Rurutu. C’est donc avec une sincérité sans artifice qu’elle nous fait partager ses souvenirs, ses expériences et ses connaissances.

– Présentation de Taaria Walker par Aimée Tetuaiteroi

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mis en ligne : 27 mai 2001 ; mis à jour : 15 novembre 2020