Rodney Saint-Éloi, 5 Questions pour Île en île


Le poète et éditeur Rodney Saint-Éloi répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 55 minutes réalisé par Thomas C. Spear à Montréal, le 20 novembre 2009.

Notes de transcription (ci-dessous) : Linda Brindeau.

Dossier présentant l’auteur sur Île en île : Rodney Saint-Éloi.

début – Mes influences
10:18 – Mon quartier
23:25 – Mon enfance
32:33 – Mon oeuvre
43:09 – L’éditeur
47:47 – L’insularité


Mes influences

J’ai commencé très tôt à écrire, j’avais treize ans. J’ai commencé mes études secondaires au collège secondaire Canado-haïtien, c’est drôle parce qu’on est ici à Montréal et j’ai commencé mes études au collège Canado-haïtien où il y avait une grosse bibliothèque et c’était l’espace que je préférais. À l’école, dans cette bibliothèque, je découvrais plein d’auteurs québécois parce que c’était une école canadienne : c’était les frères du Sacré-Cœur donc qui venaient tous du Québec. Et je découvrais pratiquement le joual, je découvrais des auteurs que je ne pouvais même pas identifier. Je lisais, il y avait comme une espèce de boulimie de lecture. J’ai été influencé par ces auteurs que je ne peux même pas nommer aujourd’hui.

J’avais un certain nombre de prix en classe parce que quand on était parmi les premiers, on avait des prix. Les romans que j’ai lus très jeune, c’était des romans russes, les frères Karamazov. C’était intéressant parce que c’était de gros romans, et en classe on s’amusait à savoir qui allait finir en premier. Donc, à la bibliothèque, on avait un grand appétit. Quand l’idée d’être écrivain s’est posée à moi, la façon dont ça s’est posé, c’est tout à fait un malentendu. J’étais devenu, très jeune, 14 ou 15 ans, un écrivain public parce que j’étais toujours le président de classe au secondaire au collège canado-haïtien et étant président de classe, c’est moi qui devais défendre les élèves quand ils étaient en retard, quand ils n’étaient pas venus. Il y avait toujours la médiation qui s’opérait toujours par moi qui étais président de classe et qui devais écrire une petite lettre. Ça a commencé par ces correspondances et j’ai pu comprendre le pouvoir des mots pour contourner l’institution. Les mots m’ont d’abord servi à détourner l’institution scolaire, les parents et pour nous adolescents à retrouver notre liberté.

« L’écriture était une donnée très libératoire. »

Quand on tombait amoureux (mes amis étaient surtout des gars à l’époque) c’est moi qui écrivais leurs lettres d’amour. Je devais me mettre dans leur peau. Je me rappelle une fois, j’étais à l’église avec mon ami Belinski et on a pleuré ensemble parce que Belinski était amoureux d’une jeune fille. Et la seule possibilité qu’on avait de voir cette jeune fille, c’était d’aller à l’église à Saint-Antoine. On allait se faire confesser pour être tout près de la fille, je devais être avec lui parce que, après, c’est moi qui allais écrire ses lettres d’amour.

Quand la question de l’écriture de manière réelle s’est posée, je me suis mis à lire et j’ai découvert, j’avais peut-être dix-sept, dix-huit ans, j’ai découvert Frankétienne. Quand j’ai découvert Frankétienne, c’était colossal. Le personnage, le livre, l’objet, tout était colossal, j’étais en pleine mégalomanie complète. J’ai dit : « c’est ça un écrivain » !

Et j’ai été chez Frankétienne, donc sa peinture, son être, son théâtre, ses chansons… Quand il chantait « O sole mio », je disais, c’est un colosse, je me suis dit : Voilà l’image d’un écrivain ! Ça m’a beaucoup aidé à trouver ma voie en rencontrant Frankétienne. J’ai compris qu’écrire était un combat. Par la suite, j’ai rencontré les autres : René Philoctète, qui était devenu comme mon père, et par René Philoctète, j’ai compris un ensemble de choses. C’était drôle parce qu’entre René Philoctète et Frankétienne, il y avait tellement de distance. Frankétienne est tellement éclaté, spiralé, fragmenté alors que René Philoctète, on est dans un lyrisme à la Maïakovski. Mais l’autre rencontre qui va être fondamentale, c’est Jean-Claude Fignolé parce qu’on vivait pratiquement dans la même cour. Ça m’a beaucoup appris parce que j’ai vu Jean-Claude Fignolé écrire, construire ses personnages et je lisais beaucoup ses manuscrits. J’étais donc dans une certaine familiarité avec ce groupe qu’ils appellent le spiralisme en Haïti. Et par le spiralisme, j’ai pu lire tout ce qu’il avait dans le mouvement Haïti littéraire, c’est-à-dire Davertige que j’ai tout de suite beaucoup aimé, c’était fabuleux quand j’ai découvert ses poèmes. J’avais le vertige en les lisant. Quand j’ai commencé à lire, je pensais qu’il était mort. C’est-à-dire qu’on ne peut pas écrire comme ça si on est vivant. Cette idée est liée à l’histoire littéraire d’Haïti : un bon écrivain est un écrivain mort, un écrivain dont les œuvres circulent doit être un écrivain décédé.

J’ai donc découvert Davertige, Roland Morisseau, Serge Legagneur, et Mon Pays que voici d’Anthony Phelps et puis, il y a cette fameuse phrase : « fini ce temps de se parler par signe ». Entre le Haïti littéraire et le spiralisme, Jean-Claude Fignolé, Frankétienne et René Philoctète, je me suis nourri. Et au croisement de toutes ces influences, je vais faire la connaissance d’un aîné capital pour moi, c’est Aimé Césaire. Quand j’ai lu Cahier d’un retour au pays natal, j’ai été complètement désorienté, humainement, j’ai été désorienté.

En fait, c’est un jeune qui a vingt ans et qui essaie de découvrir le monde et qui va découvrir le monde à travers les livres. Parce que ce n’était pas à travers le voyage, non, c’était d’abord à travers les livres. Et c’est à travers différents parcours, je connaissais bien le Canada d’ailleurs, parce qu’il y avait tous ces écrivains de Haïti Littéraire qui sont partis pour le Québec et puis j’ai toujours gardé en tête le vers de René Philoctète qui dit : « Le soleil que j’ai bu est froid comme la mort », c’est un vers extrait de Ces îles qui marchent. Toutes ces longues promenades sur la rue des sels et l’image d’Anthony Phelps à Montréal donc il y avait tout ça qui cheminait en moi.

Il y a aussi tous les poètes du surréalisme comme Georges Castera que j’ai découvert après 1986 quand il est revenu de l’exil en Haïti, donc c’était un moment important. Mais Aimé Césaire, c’était quelque chose de fondamental. Cahier d’un retour au pays natal, quand j’ai découvert ça, tout de suite j’ai lu tout ce qu’il y avait de Césaire. Césaire m’a fait comprendre comment on peut passer à côté de son cri, à côté de son vrai cri, le seul qu’on ait voulu entendre, c’était dans une perspective collective, en parlant de Fort-de-France, en parlant de cette ville plate, étalée qui passe à côté de son cri. Je me posais la question, comment être en plein dans son cri et ne pas être à côté de son cri. Césaire m’a aidé à poser cette question. Et j’ai trouvé fabuleux comment Césaire a pu recouper l’action politique et l’action poétique. C’est un peu fondamental, ça fait partie de mes influences, mais après j’ai tout lu.

Je n’ai pas voulu m’enfermer dans la lecture de mes amis et puis il faut dire quelque chose, très tôt quand je suis sorti du secondaire, j’ai eu la chance, j’ai été la fac de linguistique, j’ai fait des études d’économie. J’ai aussi dirigé la section culturelle du journal Le Nouvelliste qui m’a fait rencontrer pratiquement tous les écrivains et ce qui m’a fait lire parce que j’étais obligé de les lire parce que ça faisait partie de mon travail. Mon plaisir coïncidait avec mon travail donc c’était quelque chose de paradisiaque pour moi.

Mon quartier

J’ai toujours des difficultés à m’identifier à un quelconque lieu. J’ai grandi dans le quartier de Saint-Antoine qui est un quartier populaire. Je suis né à Cavaillon mais très tôt j’ai été émigré vers Port-au-Prince au quartier de Saint-Antoine avec ma grand-mère et ma mère. C’est un quartier populaire avec des petites rues, des petits couloirs entrelacés, avec des petits commerces, beaucoup de promiscuité, où les gens s’entassaient. C’est là où j’ai vécu mes dix premières années avec ma mère. Il faut dire que je suis né d’une famille pas atypique, mais c’était très atypique pour le moment. J’étais dans un quartier complètement pauvre, populaire, mais ils m’appelaient l’ingénieur, docteur parce que je l’étais par mon père… Ils m’identifiaient à quelque chose de Pétion-Ville, d’une autre zone. Ils me donnaient une certaine responsabilité citoyenne.

Je suis né à Cavaillon. De Cavaillon, je suis passé à Port-au-Prince au quartier de Saint-Antoine et puis je vais bouger dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince par la suite. Mais je suis très réfractaire à la question du lieu. Je pense que ça nourrit, ça crée une espèce de solidarité parce que j’ai vécu en voyant un tas de femmes qui se partagent des repas, en voyant un tas d’enfants qui sont en train de jouer dans la même cour puisqu’il n’y avait pas beaucoup d’espace. On jouait au football ensemble, on mangeait ensemble, on allait à l’école ensemble. Ça m’a beaucoup marqué de voir cette ville souterraine, cette vie souterraine. C’est une vie qui est faite de très très peu, ce qui faisait cette vie, c’était un ensemble de valeurs humaines, et ces valeurs, c’était d’abord la solidarité. Tout ça est fondamental pour un garçon de 7, 8, 9, 10 ans, jusqu’à 12, 13 ans de grandir dans cette ambiance où il y avait beaucoup de marchandes. Quand je sortais de chez moi, il y avait des gens qui vendaient toute sorte de mangues, de confiture, de pain. Les marchandes venaient frapper à la porte donc il fallait avoir un petit peu d’argent. À 4h30 de l’après-midi, c’est le marchand de crème, le matin, c’est le marchand de lait et après c’est le marchand de viande. On était vraiment au cœur de la mouvance sociale puisque rien n’est séparé, tu voyais les gens qui mangeaient, tu voyais les gens qui allaient dans les latrines parce que toutes les fenêtres étaient ouvertes, les gens communiquaient comme ça, c’était un espace très, très ouvert.

Je suis très réfractaire à tout ce qui est une espèce de définition de l’être à partir de son lieu. Je pense que le lieu, c’est plus intérieur, ce n’est pas un lieu physique. Ce que j’ai vécu là, j’ai vu d’autres gens vivre ce même espace, cette même ambiance, ce même rapport à l’espace au Brésil, j’ai vu des gens vivre ça à Cayenne, à Paris, à Montréal, et cetera.

« Je suis toujours réfractaire à l’idée de réduire l’être, de réduire l’existence au lieu, je pense que les lieux sont passagers et les êtres sont permanents. L’essence, c’est l’être, l’essence, ce n’est pas le lieu. »

Il y a des lieux à traverser et donc j’ai traversé Saint-Antoine, et puis j’ai traversé toute la ville. Ce qui est paradoxal, c’est que quand j’ai commencé à écrire, j’ai écrit Graffiti pour l’aurore, c’était tous les graffiti sur les murs de la ville. Il y avait une espèce d’euphorie, une espèce d’extase pour construire la figure de la ville. C’est le premier texte que j’ai publié. C’était des rêves de jeunesse, c’est-à-dire, comment avoir une emprise sur les choses, quand on a lu Rimbaud, on sait qu’il faut changer la ville, changer la cité. Il y a une question citoyenne qui est très forte à côté de la question esthétique. Par la suite, tout ça s’est dilué. Il arrive une certaine dystopie, le regard sur la ville, c’était un regard mort. En fin de parcours, par rapport à ma relation à la ville, au lieu, j’ai écrit un livre qui est symptomatique de cette cassure-là, J’avais une ville d’eau de terre et d’arcs-en-ciel heureux.

J’étais dans ma ville et j’étais nostalgique de cet enfant, de cette ville qui m’échappe, de cette ville qui était en train de pourrir présentement. (Il s’agit de Port-au-Prince et de ses quartiers). Quand j’ai écrit J’avais une ville d’eau de terre et d’arc-en-ciel heureux c’était pratiquement un divorce par rapport à moi-même, par rapport à ma citoyenneté et à mon identité. C’était presque comme une irrévérence d’irrespect. Je voulais être irrespectueux envers cette ville ségréguée. C’est là que j’ai découvert la ségrégation, le ressentiment, ces montagnes de ressentiment et puis j’ai compris qu’il fallait fuir, il fallait partir. Pour grandir mon être, je devais quitter ce lieu. Finalement, ça a débouché sur J’avais une ville d’eau de terre et d’arcs-en-ciel heureux que j’ai écrit deux ou trois ans après. Je devais partir, c’était irrespirable. Je devais changer de lieu pour préserver ce que je crois être.

Ce qui est formidable, c’est que je conçus un meilleur rapport à cette ville, à ce lieu de l’enfance quand je suis hors celui-là, ce qu’on pourrait appeler la « dé-ville ». Quand j’ai dévié, j’ai pu me concilier avec ce lieu parce que c’est un lieu pourri où triomphe la médiocrité, la bêtise, la ségrégation, où la haine est à partager au couteau. Moi, j’avais besoin d’amour, de générosité, de tendresse.

J’ai pensé qu’il fallait se cacher, aller plus loin, dire non à la bêtise et qu’il fallait respecter ses idées. Pour respecter mes idées, j’ai décidé d’habiter d’autres villes. Je me sens très, très bien dans d’autres villes parce que je pense que les lieux sont faits pour être traversés. Par la suite, paradoxalement, mes livres sont toujours fixés dans un lieu. J’ai écrit J’ai un arbre dans ma pirogue dans une résidence d’écriture, j’étais dans une confluence en pleine Amazonie, entre Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni, le Brésil et Suriname. J’étais entre le bagne de Saint Laurent, la forêt, je cherchais l’arbre rose de Cendrars. J’étais sur une pirogue et j’ai vu cet arbre rose et j’ai crié « j’ai un arbre dans ma pirogue », qui a servi de titre à mon recueil de poèmes.

C’est drôle parce que la pirogue, c’est aussi un arbre. C’est un arbre couché. Le destin de l’homme comme disait un écrivain que j’aime beaucoup, l’auteur des Identités meurtrières, le Libanais Amine Maalouf, en fait les racines c’est fait pour les arbres, les racines doivent pourrir dans la terre, et les hommes ont des pieds, et les pieds, c’est fait pour marcher. Les hommes doivent marcher pour découvrir le monde. Je suis un être déplacé, je me déplace à travers les villes. Quand je suis arrivé à Montréal, j’avais envie de connaître Montréal, j’avais le désir de découvrir cette ville. J’ai beaucoup travaillé sur cette ville, regardé les gens, circulé dans cette ville et j’ai écrit un très long poème. J’ai fait un collectif : Montréal vu par ses poètes avec un ami Franz Benjamin. J’ai beaucoup aimé ce que j’ai trouvé à Montréal, ce que je respire, cette relation qui se développe entre certains quartiers de Montréal et ce que je suis. En même temps, je vois qu’il y a en arrière-fond tout Port-au-Prince qui traverse, c’est-à-dire que la ville de Montréal devient une ville grandie par mon imaginaire de Port-au-Princien. C’est comme ça que j’écris :

Montréal

Les villes sont d’étranges bateaux
Les villes sont des oiseaux chagrins
Les villes sont le destin des arbres
C’est dans leur ventre que boit la mer
C’est dans leur panse que naît la terre
C’est dans leur main que pousse l’espoir
La ville a des odeurs d’amande
Le fleuve nu contraste les destins
Le souvenir d’un cours d’eau au nom de ciel
Le souvenir d’un ciel au nom de terre
Des rues au nom des sept miracles
Dans mes fugues j’ai perdu le nord
Dans mes mers j’ai perdu le sud
Je suis devenu moins qu’une rumeur
Je suis devenu la fatigue des vents
Il y a une ville et une légende
Il y a une terre et un ciel
Il y a un fleuve et une histoire
Montréal ville entre toutes
Montréal ville soleil gueule de bois
Montréal rire plus blanc que la vérité
Montréal mon Amérique bègue

Je pense que c’est ça habiter une ville. Habiter une ville, c’est pouvoir chanter cette ville, c’est pouvoir circuler dans cette ville, c’est-à-dire que je ne demande pas à la mairie, aux institutions de me donner un passeport, de me donner un laisser-passer pour circuler dans la ville. J’arrive en tant que citoyen, je plante mon drapeau ici. Ça peut être le bicolore haïtien et puis je circule en petit peu partout en Haïtien, en Port-au-Princien. Je viens de passer deux mois à Ouessant où j’ai circulé, où j’ai épousé les contours de la ville, j’ai écrit dans cette ville où j’ai été pendant deux mois le citoyen de Ouessant, on m’a donné le drapeau. C’est cette démarche qui est pour moi fondamentale, cette démarche décomplexée par rapport au lieu. Ce qui arrive, souvent à trop battre le tambour, on oublie qu’il y a une vie réelle. On est dans le bruit et la fureur. On passe souvent, comme disait Césaire, à côté de son vrai cri.

Mon enfance

Quand on parle de mes années d’enfance, l’image qui m’est venue, c’est celle de ma grand-mère parce que j’ai été élevé par des femmes : par ma grand-mère à Cavaillon où j’allais en vacances. La première image que j’ai de mon enfance, c’est celle de ma grand-mère « Grande-Da » qui parlait peu, qui était une femme assez énergique et qui avait une dizaine d’enfants qu’elle a élevés. C’est une femme pleine de tendresse. La seule chose qu’elle m’ait apprise et qui est capitale dans ma vie, c’est à vivre avec la mort. Dans la culture haïtienne, la vie et la mort n’étaient pas séparées. Très jeune, j’ai appris ce que c’était que la mort et j’étais très paniqué. Je suis arrivé chez ma grand-mère, j’avais cinq ou six ans, j’étais en vacances à Cavaillon. Dans sa chambre il y avait un cercueil et puis il y avait une belle robe blanche. J’ai vu en face de la chambre de ma grand-mère sa tombe. La tombe était plus belle que la maison. La tombe était fleurie. Ma grand-mère habitait dans un village, Chatry, à dix ou quinze kilomètres de Cavaillon. Quand on y allait, c’était toute une histoire, toute une aventure. De Port-au-Prince à Cavaillon, ça prenait presque six ou sept heures, on voyageait le matin, on arrivait le soir. Le voyage dans le tap-tap, l’autobus qui nous amenait prenait toute une journée : on s’arrêtait sur la route, on mangeait, c’était en soi toute une promenade. C’était bien, c’était extraordinaire pour l’enfant que j’étais, c’était fabuleux. On voyageait avec des porcs, des cabris et des poules à nos pieds, on voyageait avec du café, des bananes, on était dans un autre univers. Quand on arrivait le soir, on devait dormir chez quelqu’un qui nous attendait, qui nous offrait à manger, et le lendemain on devait grimper la colline pour retrouver Grande-Da.

Et dans la chambre il y avait le grand cercueil et c’est comme ça que j’ai appris ce qu’était la mort, c’était pratiquement le signe de la dignité. Ma grand-mère vivait vraiment avec ce cercueil. Elle chantait : « quand vient l’appel du seigneur, nous répondrons présents ». Elle était protestante. Elle se préparait pour aller au ciel. Plus tard je vais lire Vivre, c’est apprendre à mourir, mais ce n’est pas par les livres que j’ai su ça, c’est par ma grand-mère qui m’appris que vivre, c’est apprendre à mourir. C’est un moment assez marquant dans mon enfance.

J’ai été très marqué dans le quartier par les fous. Il était interdit à Port-au-Prince d’être fou. Les fous étaient suivis, pourchassés. Il y avait un type qui m’a beaucoup marqué, un type bien habillé avec des couleurs terribles et il circulait. Il traversait tout le quartier et tous les enfants le suivaient. Cette histoire de la folie m’a beaucoup marquée. Elle m’a aidé à comprendre qu’il n’y avait pas vraiment de démarcation entre la folie et le côté cartésien.

Il y a dans mon enfance quelqu’un qui m’a beaucoup marqué qui s’appelle Simon Légendaire. Simon était un jeune, ce que l’on pouvait appeler un mendiant qui était un guide pour touristes. Il a eu la chance ou la malchance de partir pour la Suisse, et pour nous la Suisse, c’était comme le Paradis. Il est parti et après six mois, il est revenu. Tout le monde lui posait la question sur ce qu’il avait vécu, et cetera. Il racontait plein d’histoires, qu’il avait vécu dans des châteaux, et cetera. C’est quelqu’un qu’on appelait Simon Légendaire et qui racontait des histoires. Je me demande encore si Simon avait vraiment voyagé. Il racontait des choses et tout le monde écoutait Simon, c’était comme une espèce de conteur. J’ai beaucoup été marqué par ce genre d’histoire.

Pour revenir à ma grand-mère, c’est par elle que j’ai découvert le livre. Ma grand-mère ne savait pas lire. Même ne sachant pas lire, quand j’aillais chez elle en vacances, elle me forçait à aller vers les livres. Elle me forçait à lire, elle me disait de réciter quelque chose et moi, je pensais qu’elle savait lire. Je pensais qu’elle savait lire parce qu’elle avait toujours sa bible dans sa chambre et elle lisait toujours le même psaume, celui qui disait : « L’éternel est mon berger… ». Tous les matins, elle ouvrait à la même page, elle lisait en regardant la bible. Et dans son chant d’espérance, elle chantait des chansons créoles et elle ouvrait le livre à la page même. C’est par la suite que j’ai compris qu’à force de fréquenter l’église, elle connaissait les pages, elle connaissait par cœur. Mais ce qu’elle savait :

« Elle savait que la vie, ça passait par les livres, la vie pour son petit fils, ça passait par les livres. »

L’image que j’ai de ma grand-mère, c’est une image vraiment colossale.

Mon œuvre

J’ai commencé très tôt à écrire, à m’amuser à écrire en me disant qu’écrire, c’était une manière de vivre avec ma solitude. Gamin, j’étais très solitaire, je vivais un peu retiré. À l’école, avant même de commencer à écrire, je ne sais pas pourquoi, j’avais une réputation d’écrivain. J’étais calé et j’étais fou. Je lisais beaucoup et j’avais toujours de très bonnes notes. C’est par là que j’ai compris que le rôle de l’écrivain, c’était un rôle d’éclaireur, sans vouloir tomber dans la question de langage au sens primaire du terme. C’est quelqu’un qui peut sortir de lui-même, qui peut exprimer ce qu’il croit être nécessaire à tel moment, c’est-à-dire que c’est quelqu’un qui tente de déplacer quelque chose.

L’écrivain a un rôle fondamental. Le premier livre que j’ai publié, c’était pour montrer que dans les ténèbres, la lumière peut percer l’éternel. Le titre, c’était Graffiti pour l’aurore. C’était très « révolutionnaire », très utopique. C’est le jeune nègre qui ne connaissait pas encore le monde, le monde, c’était son village, et qui veut faire de son village un lieu paradisiaque, c’était le royaume de ce monde. Ce n’était pas Cahier d’un retour au pays natal, parce qu’en fait, tout caribéen, ce qu’il désire écrire, c’est Cahier d’un retour au pays natal. Moi, j’ai commencé simplement par le village, c’est-à-dire l’amplification des champs du village.

Les premiers écrits, c’était Graffiti pour l’aurore donc où il y a beaucoup de lumière. Il y aura Cantique d’Emma. Cantique, c’est un chant et puis Emma, pour les anonymes. Ça va être entre l’amour de sa terre, une espèce d’illumination, un désir réel de transformation de son espace, transformation de soi, mais désir d’être en équilibre avec son espace.

J’exprime ma citoyenneté dans un contexte post-86, c’est-à-dire après la dictature. J’étais dans cette œuvre à participer à une certaine effervescence. Il y avait beaucoup de silence contenu en moi, silence contenu par la dictature. Il y avait certains mots qui étaient interdits : démocratie, communisme, révolution, solidarité, camarade. Il y avait un déficit sous la dictature d’un certain nombre de mots qui étaient porteurs d’espérance. Après 86, ces espérances-là vont renaître. Je fais partie de cette vague, de cette mouvance d’espoir. Pour moi, les sept, huit premières années de publication, c’était ce grand chant d’espérance. C’est chanter pour que renaisse Haïti. J’ai grandi avec cette idée « Lè lapè va fèt nan syèl la nou va la », comme une chanson, « quand le pays sera libre, combien ce pays sera beau ». C’était sous l’influence de René Philoctète qui écrivait Les Tambours du soleil, comment le soleil va chanter cette terre. Il y avait quelque chose de très villageois, de très local, je dirais entre guillemets, très « indigéniste », de très enfermé.

Mais tout de suite après il y avait la dystopie. La dystopie, c’est quand j’aurai la conscience très jeune, de façon très claire et très nette, que la situation ne va pas être changée. Que la dictature, c’est dans chaque Haïtien. La dictature, ce n’est pas au Palais national ; la dictature est dans toutes les cases, sous tous les toits, dans chaque cellule.

Je suis tombé dans tout le reniement de toute cette identité, cette identité agraire, territoriale, cette identité qui chantait cette terre. J’ai tout de suite compris que c’était une identité mensongère. Et il fallait tout sauf mentir en poésie. C’est comme ça que j’ai vraiment cassé avec le rythme qui était plutôt lyrique, qui était ce grand chant, cette épopée nègre, cette épopée haïtienne pour retrouver quelque chose de plus cassant.

Ça va faire partie de ce que le critique Max Dominique appelle la génération des éditions Mémoire. Je dirigeais les éditions Mémoire et j’écrivais et il y avait plein de gens aussi qui écrivaient. Les titres vont changer, ça va être, par exemple, Soleil caillou blessé pour Marc Exavier, Rêve obèse pour Willems Édouard, J’avais une ville d’eau pour moi. Il y donc une cassure de la perception, une dystopie. L’utopie a fait place à une espèce de dystopie.

Le troisième moment dans l’œuvre est le moment de l’exil où je me situe entre les villes, où je me situe en tant que citoyen et je me refuse vraiment, où je dénonce la question identitaire étroite qui est une espèce de totalitarisme et qui ne peut conduire qu’à une nouvelle dictature, ce qui est pire que la dictature des Duvaliers qu’est la dictature de l’imaginaire pour dire aux gens dans quelle ville vous devez habiter, comment vous devez écrire et comment vous devez parler.

« Je pense l’écriture doit libérer, et non forcer les gens à habiter un lieu, à habiter un imaginaire. »

J’ai appris à développer une espèce de véracité, que ce soit par rapport aux espaces, que ce soit par rapport aux imaginaires pour découvrir une identité plus conforme à ce qu’Édouard Glissant appelle la globalité du monde, d’habiter le monde dans la complexité, de découvrir, de développer une relation beaucoup plus complexe au monde, beaucoup plus complexe à l’imaginaire.

S’enfermer, ce que j’ai compris et Gary Victor aussi l’a compris et Frankétienne l’a compris, il faut déconstruire l’imaginaire haïtien parce que ça peut être une prison si on s’y enferme. Il faut déconstruire dans le sens où on ne peut pas réduire le monde au vaudou, c’est-à-dire que la souffrance humaine n’est pas que ça. Les Palestiniens souffrent autant que les Haïtiens, les gens de Dakar souffrent autant que les gens de cité soleil. Il y a une espèce de quête de solidarité en dehors des passeports, en dehors des identités, en dehors de ce qu’on peut être.

Ce que je voudrais dire, surtout aux jeunes, c’est de ne pas s’enfermer dans un lieu donné, de ne pas se définir de manière étroite, de manière très fixée, très figée dans un lieu, de développer un rapport fait de plus de complexités, de découvrir le monde et d’avoir la patience de comprendre les imaginaires, d’entrer dans les imaginaires et de ne pas réduire leur être à une terre que l’on aime beaucoup qui est la terre d’Haïti, mais Haïti fait partie du monde. Haïti est dans le monde. Ce qui est drôle, c’est que la nouvelle configuration d’Haïti, quand on parle de diaspora, quand on parle d’Edwige Danticat, quand on parle de toutes ces communautés haïtiennes qui sont à l’étranger, que ce soit à Paris, que ce soit à Montréal, que ce soit à Miami, que ce soit à New York : il y a une nouvelle relation, il y a une nouvelle dynamique, il y a de nouvelles manières d’être Haïtien, il y a de nouvelles haïtianités qui se développent. Je pense que c’est dans ces lieux interstitiels qu’il faut vraiment se positionner. Mon écriture est dans ces frontières-là, dans cette liberté-là, dans cette frange-là, dans ces espaces qui sont des espaces intermédiaires.

L’éditeur

En tant qu’éditeur, ce que j’essaie de faire n’est pas trop loin de mon travail d’écrivain. Mon travail d’écrivain entend d’établir des ponts, de concilier, se rassembler et dans le travail d’éditeur, c’est la même chose. Je suis à Montréal et j’essaie de planter le drapeau haïtien ici. Quand je publie Davertige, ce n’est pas comme Haïtien, mais comme un poète qui habite le monde et qui avait habité Haïti, un poète qui porte la parole d’Haïti. Quand j’édite des auteurs comme Gary Victor ou comme Dany Laferrière ou comme Georges Castera ici qui va être dans les écoles, qui va être lu partout par des jeunes Québécois, c’est pour développer l’altérité. Ce qui est fondamental dans mon métier d’éditeur et d’écrivain, c’est ce qui se recoupe, c’est la même quête d’altérité, une altérité plus large, plus grande que celle qui nous était donnée par notre village. Il y a eu une plate-forme beaucoup plus large à Mémoire d’encrier comme j’ai essayé de le faire en intégrant les Caribéens, j’ai beaucoup d’auteurs guadeloupéens, martiniquais et les auteurs qui sont aussi québécois (je veux dire « pure laine ») et beaucoup d’auteurs de la diaspora.

Je viens de publier des écrivains amérindiens, il y a tout un corpus amérindien chez Mémoire d’encrier. Quand je regarde le dialogue qui s’établit entre des Amérindiens et les Haïtiens, je sens qu’il y a un recoupement fondamental. Quand on gratte un petit peu, on va au fond des choses, on regarde comment on peut se tromper sur la question identitaire. Le poète qui a le plus marqué la littérature québécoise, ce n’est pas un Français, Américain ou un Occidental, c’est Aimé Césaire. Quand ici, Pierre Vallières va parler de Nègres blancs d’Amérique pour déterminer le Québécois, quand dans les années 60, les gens de la Révolution tranquille voulaient des références stables, des références réelles, vers qui se sont-ils tournés ? Vers Frantz Fanon, vers Aimé Césaire. Le nègre fondamental est devenu dans les années 70 une espèce de mascotte, une espèce de contemporain, d’aîné capital, fondamental pour le Québec.

Cela m’a beaucoup aidé à voir comment moi-même, en tant qu’auteur et en tant que citoyen de circuler dans la ville, mais comment en tant qu’éditeur à mettre en place un mandat, à formuler un mandat littéraire pour Mémoire d’encrier qui soit au cœur de cette problématique, qui soit dans la diversité complète, qui soit dans le tissage des cultures, qui soit dans la rencontre des imaginaires, pas dans leur juxtaposition, mais qui est dans une véritable rencontre et dans une véritable fête et qui est en dehors de tout ressentiment parce que c’est trop facile le ressentiment, cette culture du ressentiment, je pense qu’il faut combattre.

Pour moi l’édition, c’est cette manière d’aider à ménager des ponts entre les cultures et à combattre les ressentiments, parce qu’il y a beaucoup de cultures qui sont fondées sur le ressentiment. En tant qu’Haïtien, quand on me parle de l’esclavage, c’est fondamental, je dis « Et après ? ». C’est Fanon qui disait : « il ne faut plus être esclave de l’esclavage ». Il faut se libérer, deux cents ans après. Un jeune Haïtien, le premier mot qu’il dit, c’est l’esclavage. Je lui dis : « oui, l’esclavage… et après ? ». Et après, on habite le monde, et c’est ça : habiter le monde de manière décomplexée.

L’Insularité

La question de l’insularité me fait toujours peur. C’est une donnée réelle, c’est une donnée géographique. Je suis un insulaire, un ilien, j’habite une île, j’ai habité longuement une île. Quand je pense à la manière d’être insulaire, je me suis dit que c’est drôle en Haïti qu’on parle tant d’insularité, on parle tellement de cette identité insulaire, et les gens donnent dos à la mer. C’est souvent difficile quand on voit que la plupart des Haïtiens ne savent pas nager. C’est-à-dire qu’on a cette mer-là, cet espace, et j’ai écrit dernièrement un très long poème où j’ai dit qu’une île est une terre entourée de larmes, ça peut être une grande douleur, et je pense que pour nous, avec la question de l’esclavage, la mer représente là où toute douleur va débarquer, c’est le lieu, c’est le port de la douleur, c’est le port de la souffrance. Ce qui est important dans l’insularité, c’est que dans l’insularité ne doit pas être signe d’enfermement. Il ne faut pas prendre l’insularité pour éviter l’altérité. Et c’est une forme d’insularité assez difficile. Quand on voit l’insularité qui débouche sur une dictature de l’enfermement, sur une prison. Donc, cette insularité, je la veux ouverte sur l’autre rive. Quand on habite une île, ce que l’on rêve c’est de traverser pour l’autre rive. Quand j’arrive à Port de Paix, Il y a des gens qui disent : « regarde les lumières là-bas, ce sont les lumières de Floride, ce sont les lumières de Miami, là-bas, il y a « petite Haïti ». C’est ce désir de découvrir le monde, de traverser la mer qu’il y a dans l’insularité qui est quelque chose de fondamental.

J’ai vécu plusieurs formes d’insularités parce que je suis entre les îles, je ne pourrais jamais me contenter d’une seule île. Je pense qu’il faut parler d’insularité toujours au pluriel, les insularités, il n’y a pas d’insularité. Une insularité au singulier, c’est un tombeau et il faut refuser le tombeau. Il faut s’ouvrir, il faut habiter « ces poussières d’îles », il faut essayer d’être ensemble. J’ai parlé tantôt de Ouessant, de l’île de Ouessant, c’est une île réelle avec laquelle j’ai beaucoup d’atomes crochus. J’ai travaillé là, j’ai été souvent au Salon du livre insulaire de Ouessant, j’ai fait une résidence d’écriture là-bas. Je connais tous les gens qui habitent Ouessant, c’est formidable, je connais les enfants, je connais les écoles, je connais les enseignants et c’est ça une île, on est dans le confort. D’une île, il faut partir, il faut découvrir autre chose, il faut aller sur la terre ferme, il faut revenir si on veut écrire son Cahier de retour au pays natal. Mais une île, c’est fait pour être en dialogue avec d’autres îles. Je ne sais pas ce que ça donnerait à quelqu’un qui aurait passé sa vie à vivre dans son île sans la possibilité de s’évader. Vous allez peut-être parler d’un écrivain que j’aime beaucoup comme Frankétienne, mais l’exil de Frankétienne est plus fort que l’exil physique, l’exil qu’il y a dans l’œuvre de Frankétienne (je pense à L’Oiseau schizophone), Frankétienne est un exilé dans sa propre terre, dans sa propre île.

« L’exil est partout sur une île. »

Gary Klang a écrit Ex-île qui est fondamentale, toute une métaphore de l’exil. Le prolongement de l’insularité, c’est le continent. Il faut toujours être en relation, on ne doit pas s’enfermer, il faut toujours être en contact avec le monde. L’insularité nous permet de vivre notre solitude, ça nous permet d’être sur notre propre terre, sur nos propres replis, sur nos propres retranchements, mais je pense qu’il faut être vigilant au monde et on peut être vigilant au monde quand on est à l’écoute du monde.

Il faut développer, à mon sens, l’écoute du monde et éviter toute forme d’identité fixée, unique, il faut aller vers d’autres insularités, il faut aller vers d’autres îles, il faut mettre pied sur la terre ferme, il faut regarder les gens, il faut traverser les villes, il faut vivre avec les autres, je pense que c’est fondamental.

Il faut connaître, il faut apprendre d’autres douleurs parce que sinon on va réduire le monde à soi et il n’y a rien de pire que de penser que la douleur n’appartient qu’à un peuple. S’il y a quelque chose de commun, c’est la douleur à New York, à Bali, à La Nouvelle-Orléans, à Montréal, à Shanghai, la douleur, elle est commune à tous les hommes. Le drame de l’écrivain, c’est de découvrir une humanité qui échappe à l’humanité et pour découvrir cette humanité qui dépasse l’humanité, il faut toujours être insatisfait, il faut toujours être en quête de la part qui manque et où est-ce qu’on va trouver cette part qui manque si on reste enfermé dans sa case ?

L’insularité, ce n’est pas pour moi une donnée géographique, c’est une donnée qui nous permet de découvrir le monde, d’aller vers le monde. Ce n’est pas en voyageant, on peut bouger tout en restant dans son lieu, il faut être simplement à l’écoute, c’est une attitude beaucoup plus émotionnelle, c’est une capacité de développer l’altérité, d’être conscient que l’autre existe.

Ça ne suffit pas d’être nègre, ça ne suffit pas d’être blanc, ça ne suffit pas d’être Québécois, ça ne suffit pas d’être Haïtien, ça ne suffit pas d’être Français, ça ne suffit pas d’être Chinois, il est important d’habiter le monde.


Rodney Saint-Éloi

Saint-Éloi, Rodney. « 5 Questions pour Île en île ».
Entretien, Montréal (2009). 55 minutes. Île en île.

Mise en ligne sur YouTube le 1er juin 2013.
(Cette vidéo était également disponible sur Dailymotion, du 21 mai 2010 jusqu’au 13 octobre 2018.)
Entretien réalisé par Thomas C. Spear.
Caméra : Thomas C. Spear.
Notes de transcription : Linda Brindeau.

© 2010 Île en île


Retour:

/rodney-saint-eloi-5-questions-pour-ile-en-ile/

mis en ligne : 21 mai 2010 ; mis à jour : 26 octobre 2020