René Jadfard, Nuits de Cachiri

Nuits de Cachiri : récit guyanais

(extrait du roman)

Je me trouvais en plein fouillis, dans un monde ténébreux, menaçant. Impossible de deviner ce qui se passe à un mètre. La vue est bouchée par des lianes, des arbustes, des troncs. Je peux, dans une seconde, tomber sur n’importe quoi, rencontrer n’importe quel ennemi… dans la forêt vierge, il n’existe rien de favorable, rien d’amical. Tout y est hostile. Tout, rigoureusement, tout. Chaque fois, que je pose le pied gauche, il faut à coups de sabre, faire la place pour le pied droit. Perpétuellement, il faut couper, nettoyer, détruire, aplatir, pour avancer. Et surveiller, ouvrir l’œil et l’oreille ; se garder à droite et à gauche ; l’ennemi est partout, sous les feuilles que vous venez d’écraser, pendu à la liane que vous allez toucher en passant ; confondu avec le tronc que vous touchez de la main, partout… sous la forme du scorpion, de l’araignée noire, du serpent-grage, du boa, du mille-pattes, des mouches sans raison, des mouches-à-dagues, des pians, des chiques, des tigres.


Cet extrait de Nuits de Cachiri : récit guyanais, par René Jadfard, a été publié pour la première fois à Paris aux Éditions Fasquelle en 1946 ; il figure à la page 77 de la réédition du roman publiée aux Éditions Caribéennes en 1988.


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mis en ligne : 12 novembre 2020 ; mis à jour : 12 novembre 2020