Paul Wamo, 5 Questions pour Île en île


Le poète et slameur Paul Wamo répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 19 minutes réalisé par Thomas C. Spear à Poindimié (Nouvelle-Calédonie), le 5 septembre 2009, à l’occasion du SILO 2009 (le Salon du Livre Océanien).

Notes de transcription (ci-dessous) : Lucie Tripon.

Dossier présentant l’auteur sur Île en île : Paul Wamo.

début – Mes influences
04:21 – Mon quartier
05:50 – Mon enfance
09:47 – Mon oeuvre
14:56 – L’insularité


Mes influences

Baudelaire, MC Solaar, Jacques Brel, mon grand-père pour sa vision poétique du monde, le ciel, la nature, les oiseaux qui chantent, la vie.

« Le premier poète que j’aie lu et qui m’a vraiment touché, c’était Baudelaire avec Les Fleurs du mal. J’ai trouvé dans son écriture de la tristesse belle. […] le Spleen et Les Fleurs du mal, des choses pas jolies qu’il arrivait à faire sortir comme un joli bouquet de fleurs. […] Cette tragédie qu’il arrivait à faire sortir comme une beauté ensoleillée. »

MC Solaar, le rap, ces poètes modernes que j’ai commencé à écouter au lycée, cette façon de jouer et jongler avec les mots m’ont amené à l’écriture. Mon premier texte d’ailleurs sonnait un peu rap.

« Le rap, ces poésies modernes qui parlaient de choses modernes ont été l’une de mes premières rencontres avec la poésie. »

Jacques Brel m’a beaucoup touché par l’écriture, mais également par sa présence sur scène. Je suis slameur et cette forme de tragédie qu’il transmet m’inspire dans l’interprétation.

Mon grand-père m’a beaucoup inspiré. Il avait une vision poétique du monde, il voyait derrière les choses, ce qu’il y avait par exemple derrière le vent qui passe, un sourire, une plante, une voiture. Pouvoir dire les choses autrement, le monde d’une autre manière.

Mon quartier

J’ai grandi à Nouméa en Nouvelle-Calédonie, la capitale, le petit Paris ou le petit New York.

En Nouvelle-Calédonie, il y a les îles, la Grande Terre au nord avec la mer, la forêt et les oiseaux, et la petite capitale où j’habite avec les bus, les magasins, les écoles, les embouteillages, mais aussi le mélange, les gens, le cinéma, la culture du monde extérieur.

« C’est une petite ville, où il y a le mélange ou ça vit, ça bouge, ça pleure, ça rit, ça se tape dessus, ça s’engueule, ça travaille. C’est Nouméa, la petite ville, la petite capitale de Nouvelle-Calédonie. »

Mon enfance

Dans ma petite enfance, j’étais très petit et très timide, introverti, coincé, mal dans ma peau jusqu’au collège et lycée. J’étais gros, le vilain petit canard, le pleurnicheur.

Je m’évadais par la télévision, les dessins animés, le club Dorothée, une émission de dessins animés qui passait tous les mercredis après-midis ; il y avait Bioman, Dragon Ball Z.

J’aimais l’école et je travaillais bien, car mon père autrement m’attendait avec sa ceinture. Mais j’étais un peu perdu, j’avais des copains, mais je faisais un peu partie du décor.

« Ma petite enfance à l’école, j’étais le petit gros, le timide, la petite femmelette, […] le pleurnicheur. Là maintenant, je prends ma revanche. »

On restait beaucoup entre nous à la maison, on était très famille, avec mes deux frères et mes trois sœurs. Je me souviens du repas trois étoiles que ma mère préparait le dimanche.

Mon œuvre

J’ai commencé à écrire en 2000 avec un copain qui était dans l’écriture rap au lycée.

« J’ai commencé à écrire pour extérioriser quelque chose qui ne pouvait pas sortir de mon crâne. L’écriture, ça a été au départ un exutoire. »

En 2002, j’ai rencontré des gens comme Frédéric Ohlen avec qui j’ai travaillé sur une idée de recueil. Et puis j’ai commencé à lire et déclamer mes textes en public.

En 2006, mon premier recueil de poèmes est sorti, le Pleurnicheur.

En 2008 est sorti un CD livre, le premier du genre sur le territoire, coédité par deux maisons d’édition locales, L’Herbier de Feu et Grain de sable.

Mon travail, c’est l’écriture et l’oralité. Je fais beaucoup de scène, je suis connu ici par mes performances scéniques qui se rapprochent du slam ou du spoken word. C’est encore une nouvelle pratique ici que j’essaie d’installer.

« Ici, au niveau artistique, on connaît la musique, la sculpture, la littérature. Mon travail c’est d’amener cette autre forme d’expression, l’expression orale, le slam ou le spoken word et d’essayer de rapprocher la jeunesse, la population de l’écriture. »

Il n’y a pas beaucoup de jeunes écrivains kanak, il y a notamment un autre jeune et moi.

On manque de littérature engagée. Il y a Déwé Gorodé ou Wanir Welepane, mais après eux, il n’y a eu rien jusqu’à maintenant sauf Pierre Gope qui est juste de la génération suivante, un dramaturge qui a écrit des pièces de théâtre engagées.

« Je suis dans une phase où je m’engage dans mon écriture. J’essaie, à travers ce que je dis […] de réveiller un peu le peuple ici par rapport à ce qui nous attend au niveau politique et économique […]. J’ai envie à travers mon écriture de réveiller les consciences, le peuple. »

L’Insularité

« Déjà, dire une île, c’est réducteur. Il y a le monde, les pays et l’île, un petit bout de machin. On a souvent une image des îles qui fausse la rencontre. »

J’ai eu des expériences avec des gens qui pensaient que nous étions coupés du monde, et puis il y a ce manque de communication lorsqu’on vit sur une île.

Nous sommes un pays, pas une île, une petite nation au milieu de grandes nations. C’est vrai qu’on est loin de Paris ou New York au niveau artistique.

« Paris, c’est la jungle artistique, ici le désert. On a un équilibre à trouver entre nous, île, petit pays, et le monde qui bouge. »

« Être sur une île, c’est être quelqu’un du monde qui est désavantagé par rapport à sa taille, alors qu’on peut donner des choses, mais il faut crier fort. »

Les avantages qui tiennent à l’insularité en Nouvelle-Calédonie, c’est qu’on a encore ce lien avec la terre, on peut se parler, on n’est pas pressé par le temps, on sait vivre avec le temps. Il y a cependant un fossé pour la personne qui vit au milieu de la montagne et qui part étudier à Nouméa.


Voir aussi, enregistré le même jour (le 5 septembre 2009), Paul Wamo, lisant un texte pour Île en île

J’appelle le peuple pays… :


Paul Wamo

Wamo, Paul. « 5 Questions pour Île en île ».
Entretien, Poindimié (2009). 20 minutes. Île en île.

Mise en ligne sur YouTube le 1er juin 2013.
(Cette vidéo était également disponible sur Dailymotion, du 5 janvier 2010 jusqu’au 13 octobre 2018.)
Entretien réalisé par Thomas C. Spear.
Notes de transcription : Lucie Tripon.

© 2010 Île en île

 


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mis en ligne : 5 janvier 2010 ; mis à jour : 26 octobre 2020