Patrick Homolle, « Bénarès… ou comment se perdre » – Boutures 1.3

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Récits
vol. 1, nº 3, pages 36-40
Bénarès, rituel d'eau

Rituel d’eau

Il y a là mille pays, mille lieux, mille fleuves imprévisibles, tourmentés, aux méandres infinis, comme les chemins de la sagesse.

«La sagesse accompagne les fleuves», dit un proverbe chinois.

La foule se presse en permanence, envahit le plus grand amphithéâtre du monde, les ghâts, ces marches de pierre qui s’avancent vers le Gange. Chaque matin, dès les premières heures du jour, une mélodie envoûtante, rythmée par le son des cloches et des tam-tams, s’élève des bords du fleuve, monte vers le ciel en un immense salut au soleil : le Gange appelle ses adorateurs. Des guirlandes de fleurs, d’úillets d’Inde et de roses glissent sur l’eau tandis que de petites lampes à huile lancent de timides lueurs qui s’évanouissent bientôt emportées par les flots puissants du fleuve.

La ville se dessine dans les premiers rayons de l’aube. Les façades délabrées des vieux palais sortent doucement de leur mélancolique tristesse. Ruines englouties, balcons oubliés qui ne s’ouvrent que sur le vide, murailles délaissées par la tourmente cosmique, ruelles étroites où des escaliers descendent à toute volée vers le fleuve. Élégance silencieuse de la pierre où se lit encore la splendeur passée.

Le soleil s’accroche à l’horizon. Le ciel s’embrase sur le fleuve sacré. La ville se découvre au regard, semblant sortir de l’eau comme par magie. Présence liquide et vénérée à l’égal d’un dieu, le Gange apparaît enfin !

«Rien sur terre ne peut se comparer aux rives du Gange. Mais, là où est Bénarès, là est la perfection», disait le philosophe Sankarâchârya. Ville de l’eau et du feu, construite sur une des rives du fleuve, face au soleil, Bénarès qu’on appelait autrefois Kâshî, «la Resplendissante», est le plus sacré des lieux saints de l’hindouisme. De la Varunâ et de l’Asî, rivières qui toutes deux se jettent dans le Gange, elle tire son nom de Vârânasî.

La ville est un immense temple dédié à Shiva, le dieu du Temps et de la Mort, source de la création du monde. De ses cheveux coule le Gange.

Le Gange! En Hindi, Gangâ, la mère. L’eau du ciel où il formait une «voie lactée».

Des pèlerins viennent de toute l’Inde pour y chercher la paix et le salut de l’âme, se baigner dans les eaux du fleuve ou pour y mourir, avant que leurs cendres ne soient dispersées. Immobiles, les mains jointes vers l’Est, ils attendent le moment de pénétrer dans l’eau pour se purifier. Aucun empressement, aucune hâte comme si le temps n’avait pas d’importance. La sérénité, complète et absolue jusque dans les moindres gestes, le plus petit détail, jusque dans la beauté et la grâce des visages abandonnés à la méditation.

«L’homme n’est jamais aussi proche du divin que lorsqu’il s’absente de lui-même.»

Quelques yoghis s’accrochent à leurs rêves que le temps disperse sous leurs yeux. Les sadhûs, les renonçants, ces saints parmi les saints, aux corps enduits de cendres et aux yeux noircis de khôl, semblent porter l’antique sagesse des dieux. Leurs pas conduisent ces «sages nus» jusqu’aux rives du Gange. Là, ils peuvent attendre la mort dans la croyance que l’âme rejoindra le divin. Des brahmanes, le torse nu et ceint du cordon sacré, devisent abondamment d’une querelle religieuse. À quelques pas de là, un gourou entouré de ses disciples interprète les textes tandis que des enfants s’aspergent d’eau bruyamment.

* * *
     L’Inde n’a pas la religion «sérieuse». La grande fête purificatrice du corps et de l’âme ressemble parfois à une gigantesque foire, une immense scène dressée sur des tréteaux de pierre où des saltimbanques viennent contempler leur image et dérouler les épisodes d’une épopée millénaire. Miroir déformant, kaléidoscope d’un univers qui touche au pathétique jusque dans l’artifice des acrobates qui viennent jouer l’éternité devant vous. Un art qui tient de la magie.

Étrange rapport à l’eau. Toute la symbolique du rituel y ramène, s’y retrouve concentrée en des gestes, des attitudes, des objets ayant un rapport magique avec l’eau. Symbolique qui transcende l’élément pour le faire participer à la grande fête du sacré. Pour l’Indien, l’eau est une divinité et l’attention qu’il lui porte est si forte qu’on pourrait croire qu’il fait plusieurs fois par jour l’amour avec elle. Chacun offre son corps à cette déesse qui féconde la terre. Qu’importe alors si le fleuve charrie des immondices, si l’eau est souillée, il faut s’en recouvrir, boire à la coupe de ce «nectar d’immortalité». Et l’immortalité ne se marchande pas, elle n’a pas de prix!

En deux, trois ablutions et quelques gorgées d’eau, en quelques prières et de multiples offrandes, tout est dit ou presque. Quelques signes tracés dans l’espace, fragiles repères d’un royaume de vent et de lumière, d’un royaume immobile où l’âme vagabonde en paix avec elle-même.

Les femmes se baignent et se lavent à côté des hommes. L’eau colle les saris à leur peau, soulignant la grâce et la légèreté des corps. Aucun regard ne vient troubler leurs gestes, comme si les hommes et les femmes avaient appris à grandir ensemble, côte à côte.

Le Gange rythme le temps quotidien. La vie se règle sur son cours et les cinq stations que doit effectuer chaque pèlerin le long des ghâts sont comme autant de haltes qui donnent à la ville ce grand souffle, cette respiration si profonde. Chacun transporte un peu d’eau du fleuve dans des petits pots en métal fermés d’un couvercle hermétique. Des sadhûs partent en pèlerinage de Bénarès pour se rendre à Rameshwaram, au sud de l’Inde, et déverser dans un puits l’eau sacrée. On raconte que pendant toute la durée du trajet, l’eau enfermée dans un de ces pots n’augmente ni ne diminue de volume ce qui, dit-on, atteste de sa pureté.

* * *
     Le monothéisme est une violence dans son exclusion de toute autre forme de révélation. L’hindou ne se fait pas de la religion une vérité qu’il faut à tout prix partager. Chacun prie ce qu’il veut, où il veut et quand il veut. Pas de cérémonie à heure fixe dans un endroit précis même si le temple reste le lieu privilégié de la ferveur religieuse. On prie partout : au pied d’un arbre, d’une pierre dressée au confluent de deux rivières, devant un autel, une statue dans le renfoncement d’un mur. L’univers tout entier est un immense temple et l’Inde vit au rythme du Dharma, de cette grande force cosmique qui gouverne le monde et anime les êtres et les choses.

Comme un témoignage du sacré, cette inscription gravée dans la pierre:

Tu es le Soleil, Tu es la Lune, Tu es le Vent,
Tu es le Feu,
Tu es les eaux, Tu es le Ciel, Tu es la Terre,
Tu es l’Âme du Monde…
Les mots des Sages voilent
Ta Nature.
Ici-bas, nous ignorons Ce que Tu es,
Mais nous savons
Que Tu es Cela.

     D’autres préparent leur éternité en une vie, s’accrochent à de vaines murailles. Les Hindous savent que tôt ou tard, dans cette vie ou dans une autre, ils réaliseront l’osmose entre leur âme et le divin. Naissances et morts ne sont qu’un jeu pour le plaisir des dieux, et à ce jeu, l’hindou a l’éternité devant lui pour gagner!

     Shiva, le maître de cérémonie, danse sur le Monde. Qu’il s’écarte de son axe et le Monde s’embrase.

Issus de toutes les castes, les sadhûs ont abandonné, un beau jour, femme, enfant et travail pour se consacrer à une vie mystique. Par l’errance et le renoncement à tous les biens de ce monde, ils s’élèvent au-dessus des lois terrestres pour rejoindre le divin. Alors que chacun est considéré selon la caste à laquelle il appartient, l’Inde est l’un des seuls pays au monde à intégrer la marginalité de plusieurs centaines de milliers d’individus. Représentant la sagesse spirituelle, ils vivent d’offrandes et de mendicité. Allant d’une ville à l’autre, d’un pèlerinage à un autre, leurs pas les conduisent parfois près d’un temple. Là, ils s’arrêtent, en paix avec le monde.

Le corps des sadhûs retourne à la terre. Déjà morts dans le renoncement, ils échappent ainsi à la crémation. Enterrés dans la position assise du yogi, ils veillent de leur profond sommeil sur la terre où ils reposent. Le long des routes ou dans l’enclos d’un ashram, un petit monticule de terre témoigne de cette présence. Enseveli dans un vase de terre, leur corps est descendu au fond du Gange. Enfin délivré de «l’abîme de la vie et de la mort», il s’affranchit à jamais du cycle des réincarnations.

Parlant de Bénarès, André Malraux écrit dans Les Antimémoires:

«L’Islam, c’est une ville autour d’une mosquée; la chrétienté, une ville autour d’une cathédrale; Bénarès, une ville sur les bords d’un fleuve purificateur.»

L’Inde brûle ses morts et le rite de la crémation prend la forme d’un sacrifice à Agni, le dieu du feu. Captive, l’âme se libère et le feu purifie. Sa purification est absolue, elle ne laisse rien de la nature, aucune trace. Ainsi, l’âme est définitivement détachée du corps, et peut, selon la tradition hindoue, se réincarner.

Manikarnika Ghât! De minces filets de fumée montent vers le ciel. Une odeur de chair brûlée gagne les alentours, se répand à travers la ville. Des fagots de bois s’entassent le long de petites échoppes. À côté, de grandes balances attendent leur ration de bois que la famille du défunt doit acheter. Enveloppé d’un linceul — blanc pour les hommes, rouge pour les femmes –, les corps sont attachés à des litières de bambou. Recouverts de fleurs et d’offrandes, ils sont portés en procession jusqu’aux plates-formes de crémation qui dominent le fleuve. Après la toilette du corps, celui-ci est immergé dans les eaux du Gange pour être purifié. Le fils aîné, après ses ablutions, allume le bûcher à l’aide d’une torche enflammée. Une fois l’âme du mort délivrée par le feu — le crâne est brisé d’un coup de maillet afin que l’âme se libère –, les cendres sont ensuite recueillies dans un vase avant d’être dispersées dans le Gange.

Avec de grandes perches de bambou, les Intouchables remuent les braises et attisent le feu. Dépositaires du feu sacré, ils ont ce privilège, réservé aux gens de basse caste, de vendre le feu à Bénarès. La chaleur est étouffante. Le vent soulève les cendres qui retombent, tels des papillons, en une pluie drue et serrée. Parfois, un morceau de bras ou de jambe dépasse du bûcher. Des gamins se cachent dans l’espoir de récupérer un peu de bois, un morceau de tissu. À quelques pas de là, les orpailleurs vendent l’or prélevé sur les cadavres. La mort est aussi un commerce!

Dans cette grande fête du feu, l’accomplissement du rêve hindou touche au plus profond le tragique de l’âme humaine. Jusque dans la douleur muette de ces hommes et de ces femmes devant la mort, dans ce passage de l’hier à un demain, un demain réincarné. Dans ce feu qui consume les corps, la certitude de la délivrance toute proche. Le Gange devient ce «Grand Canal funèbre et hanté» où la mort est une célébration, une danse qui accompagne l’ordre du monde.

Un souffle chaud emporte les couronnes de fleurs le long du fleuve. Le regard se perd au loin, là-bas, à l’endroit où le ciel et la terre brûlent en une même étendue. La vie passe avec le Gange, l’éternité approche.

Kitch and gods

Kitch and gods

L’Inde est un film, un film à grand spectacle, un réservoir d’images. Un pays traversé par le fleuve puissant des épopées et des mythes, un pays où le rêve et les textes sacrés sont indissociables du réel, du matérialisme. Un pays immense où l’aventurier des mots et des choses peut toujours se perdre entre réel et imaginaire à la recherche de cet «Orient de l’âme».

Importance de l’image. Dans les parcs, des familles entières posent devant un photographe en des attitudes qui rappellent les couvertures de magazines. Cérémonies où les femmes changent de vêtements pour revêtir des habits traditionnels ou des costumes d’apparat aux couleurs éclatantes. Les jeunes filles, le visage poudré et maquillé, ressemblent alors à des danseuses ou aux actrices de ces films d’amour que les Indiens affectionnent tout particulièrement.

Foisonnement d’images où le quotidien est mis en scène en une débauche de couleurs. Comme de grands livres d’histoires illustrées que l’on pourrait feuilleter page après page, les murs déroulent l’histoire de l’Inde moderne. Grimpés sur des échafaudages de bambou, à plusieurs mètres de hauteur, des Indiens peignent en de grosses lettres multicolores les panneaux publicitaires. Des couleurs d’affiches recouvrent les visages des hommes politiques de la dernière campagne électorale. Des bus bringuebalants, couverts de plusieurs épaisseurs de papier, vantent les mérites du dernier produit à la mode.

Les Indiens ont une vénération pour les images pieuses. Témoignages du sacré dans la vie quotidienne, on les trouve partout. Dans les endroits les plus familiers comme dans les plus insolites. À l’intérieur des maisons, accrochées à une porte, dans les bus, les petites échoppes des bazars ou sur les marchés. Le plus souvent, elles retracent la vie des divinités. Véritables bandes dessinées aux couleurs criardes où la naïveté du trait le dispute au grotesque de la scène représentée. De gros bibendums joufflus, l’úil enfantin et rigolard, semblent poser pour des couvertures de magazines. Les héros du Mahabharata se livrent bataille pendant que le démon Ravana enlève la belle Sita. Krishna, caché dans un arbre, frémit de la beauté de jeunes filles qui se baignent nues à ses pieds. À ses côtés, Ganesha, le dieu à tête d’éléphant ; symbole de la sagesse et de la prudence, il protège, écarte tous les obstacles, éloigne les mauvais esprits.

Il faut se perdre dans le dédale des ruelles qui mènent vers les ghâts, entre des palais à moitié en ruines et des temples délabrés. Des ruelles qui s’enfoncent profondément dans la ville en un réseau serré et si dense qu’on a peine à y retrouver son chemin. Parfois, des arbres s’accrochent au milieu de murs écroulés par la mousson. Des singes s’amusent d’un air moqueur derrière les façades silencieuses de palais qui gardent jalousement leur mystère. Une vieille femme dort, allongée devant l’entrée d’un temple. Une ribambelle de gamins s’échappent d’une rue sombre tandis que des bâteaux chargés de bois et de sable se pressent le long des ghâts. Une femme ramasse avec une pelle de la bouse de vache encore fraîche pour la faire sécher contre un mur pendant que des yogis se livrent à des exercices de méditation.

Il faut se laisser emporter par le tourbillon incessant des rickshaws, ces cyclo-pousse que des conducteurs d’une incroyable adresse entraînent en une ronde sans fin au milieu des cris et des coups de sonnette. Se laisser gagner par les clameurs de la foule entre des moteurs qui crachotent en de violents hoquets et des haut-parleurs qui diffusent d’une voix criarde les dernières publicités à la mode. Se laisser envahir par les odeurs d’épices qui montent des marchés où d’obscures échoppes vendent pour quelques roupies des beignets de pomme de terre et des plats de lentilles.

Insolite bric-à-brac où règne une atmosphère baignée de la magie des hommes. Et puis, envahissant les rues, la foule. Elle va dans tous les sens, se fraie un passage, lourde et compacte dans sa progression. Elle avance sans but précis, comme ça, pour aller quelque part, pour le plaisir d’être là. Une masse étrange, forte de son poids, de sa densité, comme un grand fleuve liquide. Un fleuve imprévisible, aux rives incertaines où par vagues entières la foule sans cesse se brise pour se reformer un peu plus loin, emportant dans ses flots des trottoirs imaginaires.

La vie, elle est là, partout présente. Brouillonne, grouillante, en train de se faire. Elle grandit, s’échappe comme autant de fleurs éparpillées. Comme des offrandes à des dieux invisibles. Bénarès, ville bénie des dieux!

* * *
     La rue. – Ce qui étonne le voyageur c’est le spectacle de la rue, la puissance et l’énergie qui s’en dégagent. Partout la foule, joyeuse, furieuse, fiévreuse, charriant la vie à chaque instant. Elle porte, supporte, transporte, rapporte, emmène, ramène, charge, décharge, pousse, tire, déménage, emménage. Elle monte, descend, glisse, se répand, déborde, circule en rickshaw, cyclo-pousse, vélo-taxi, scooters, autobus, taxis. Chacun s’affaire, les porteurs, coolies, chauffeurs, coursiers, vendeurs de cigarettes, cireurs de chaussures, coiffeurs, barbiers, arracheurs de dents, repasseurs, balayeurs, bouchers, équarisseurs. La foule se presse, se piétine, se mélange en un immense labyrinthe de ruelles et d’échoppes. Elle mange, boit, crache, fume, pisse, chie. La ville ressemble à un cloaque, un cœur auquel on aurait enlevé son enveloppe, sa peau, à un ventre qui respire, gonfle, se gonfle comme une longue veine gorgée de sang, à une pompe qui aspire, jette, rejette. La ville est un ventre grouillant et monstrueux qui absorbe, ingurgite, engloutit, digère des quantités de riz et de dal, de lentilles et de petits pois accompagnés de galettes ou de crêpes fourrées aux légumes.
Offrandes devant un temple

Offrandes devant un temple

Chacun mange debout, assis ou accroupi par terre, dans un bol, une assiette ou du papier journal. Mains pressées, précises, délicates, affairées autour du thé, gourmandes, juteuses, graisseuses. Elle boit de l’eau ou du thé au lait et parfumé à la cardamone, au milieu des odeurs d’encens, de jasmin et de cannelle, de roses et de bois de santal, d’odeurs d’épices où se mélangent curry et safran, cumin et gingembre, poivre et coriandre, muscade et girofles.

Puissance nue d’un monde où l’intelligence travaille à façonner la vie, réalité fiévreuse où sommeille le grand souffle de la nature humaine.

Des cireurs de chaussures attendent sous un parapluie, un barbier accroupi rase le visage d’un adolescent, un broyeur de canne à sucre remplit les verres d’un jus jaunâtre où nagent des glaçons, deux mollets cuivrés débordant d’un pyjama appuient sur les pédales d’un rickshaw, une femme la tête cachée par son sari s’agenouille devant son enfant à moitié nu, des éléphants bénissent d’un coup de trompe les fidèles rassemblés dans un temple

La descente de Ganga sur terre. – Le long des rives du Gange s’épanouirent l’hindouisme, le boudhisme et le fleuve vit naître les Véda et les grandes épopées comme le Mahabharata et le Ramayana. Sacré entre tous les fleuves de l’Inde, le Gange coule vers la délivrance et l’éternité. Fille du Seigneur des Neiges, l’Himalaya, Ganga était l’épouse des dieux et son cours sinuait dans les régions célestes. Sa descente sur terre est célébrée en un long poème.

Dans la ville sainte d’Ayodhyâ, le roi Sagara se livrait à l’ascèse. La première épouse du roi mit au monde un fils et la seconde soixante mille garçons. Pendant une cérémonie, le cheval qui devait être sacrifié se réfugia non loin de l’ermitage de l’ascète Kapila. Partis à sa recherche, les soixante mille fils du roi vinrent troubler les méditations du vieil homme. Ce dernier les réduisit en cendres. Pour leur redonner vie, Ganga devait quitter les régions célestes où elle formait une «voie lactée» et descendre sur terre. Craignant que la violence de son flot ne détruise la terre, le roi Bhagîratha, l’un des descendants de Sagara, persuada Shiva de recevoir le fleuve dans sa chevelure. Ainsi la chute du fleuve fut-elle amortie par la chevelure divine et ses eaux devinrent sanctifiées. Divisée en de multiples rivières, la Ganga baigna les cendres des fils du roi qui naquirent à une vie nouvelle. Depuis lors, toute ablution dans le Gange passe pour laver le corps et l’âme des souillures, et, à l’issue des crémations, les cendres des défunts sont confiées à ses eaux pour que se renouvelle une fois encore le miracle des Sagaras.

Les noms de Ganga. – Descendue sur terre à la suite des méditations accomplies par le roi Bhagîratha, la Ganga porte le nom de Bhagîrathi. Fille de l’Himalaya, Himavat, elle porte aussi le nom de Haimavati. Jaillie du pied de Vishnu, on l’appelle parfois Vishnupadi, «née du pied de Vishnu». Troublé par la beauté de son cours majestueux, le sage Jahnu la but jusqu’à son complet assèchement. Puis, s’échappant par l’une de ses oreilles, elle vint de nouveau couler dans les plaines de l’Inde. On la désigne encore sous le nom de Jahnavi, «née de Jahnu.»

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Patrick Homolle
est né à Paris en 1956. Il est instituteur et prépare un doctorat en éthnologie. Patrick Homole est un passionné de voyages.

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mis en ligne : 9 janvier 2002 ; mis à jour : 17 octobre 2020