Nicole Cage-Florentiny, Aime comme musique ou comme mourir d’aimer

(Extraits)

Ils ne savaient que s’aimer. Elle ne savait que l’aimer. Il était tout ce qu’elle avait toujours attendu de l’amour, de la vie. Il venait tendre la main à la petite fille solitaire qui regardait tomber la pluie par la fenêtre du séjour de la petite maison de bois construite par Super-Papa, il était venu à elle comme le prince des contes de fée, non pas montant un fier cheval blanc pour l’emmener loin de la cabane misérable, il ne lui offrait pas la lune, mais il était la lune et le soleil, mêmement, il était la certitude et la fragilité, il y avait ce sourire d’enfant, ce regard d’enfant sur les choses de la vie, il y avait son rire clair et franc et sa douceur toute féminine, voilà… Voilà, un jour de doute, elle avait posé sa tête sur son épaule, ils n’étaient alors qu’amis…

* * *

Le blues de Lui. Le bleu de Lui. Bleu profond bleu indigo bleu violet bleu violent bleu turquoise bleu émeraude. Bleu ciel d’orage, bleu mer de tempête, creux vertigineux, houle cognant à grand fracas les récifs, les côtes audacieuses qui subissent l’affront sans cesse répété, plus violemment encore, les côtes guettant l’accalmie, le calmi-ciré, la langue des vagues redevenues, soudainement, dociles, caresse, caresse des moindres anfractuosités, du plus petit espace de mousse verte, caresse, caresse…

Le blues de Lui, doux et violent à la fois…

Leur histoire était bleue, s’inscrivait dans le bleu. Oui, s’il avait fallu donner une couleur à leur histoire elle aurait pensé sans hésiter « bleue ». Tous les bleus pouvant se décliner en camaïeu sur la palette du ciel, tous les bleus qu’ils avaient encore à inventer à co-créer tous les bleus qui naîtraient de leurs « Je t’aime » ceux qu’elle osait lui murmurer ceux qu’il n’osait pas lâcher, peur, peur du poids de ces mots, ceux qu’elle attendait ceux qu’elle gardait de peur de lui faire peur et qui la brûlaient car, pour être une couleur froide, le bleu, celui-là en tout cas, n’en brûlait pas moins, et de l’intérieur, le bleu des « je t’aime » qu’elle se gardait de lui chanter pour ne pas l’effrayer.

Le bleu de la musique qu’il jouait pour ses seules oreilles, sa satiété, de la musique qui entrait en son coeur et il débordait, ce coeur, de musique-Lui, de bonheur tremblant, d’amour, d’amour tout simplement. Saurait-il jamais à quel point elle l’aimait déjà ?


Ces deux extraits du roman Aime comme musique ou comme mourir d’aimer, par Nicole Cage-Florentiny, ont paru pour la première fois dans le roman publié à Paris (Le Manuscrit, 2005), pages 24 et 37. Ils sont reproduits sur Île en île avec la permission de l’auteure.

© 2005 Nicole Cage-Florentiny


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mis en ligne : 18 avril 2006 ; mis à jour : 26 octobre 2020