Mikael Kourto, 5 Questions pour Île en île


Le fonnkézer Mikael Kourto répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 25 minutes réalisé le 6 juillet 2009 à la Ligne des Bambous (Île de la Réunion) par Thomas C. Spear.

Caméra : Véronique Deveau.

Notes de transcription (ci-dessous) : Françoise Tamachia.

Dossier présentant l’auteur sur Île en île : Mikael Kourto.

Notes techniques : le bruit des camions que l’on entend (surtout à la fin du 2e segment, « mon quartier ») est pour la rénovation de la route (pour préparer l’arrivée du Premier Ministre français) dont il est question également dans l’entretien (« shemin blacké »).

début – Mes influences
03:03 – Mon quartier
05:01 – Mon enfance
08:35 – Mon oeuvre
20:54 – L’insularité


Mes influences

J’ai été bercé à la bande dessinée.

Il y a plusieurs lecteurs en moi, plusieurs phases.

J’aime les contes, les histoires futuristes.

Après l’école, le lecteur est différent, il est mis en face de sa responsabilité de lecteur, il est seul à choisir.

Quand je lis, je suis dedans, fermé, c’est comme quand j’écris. Je peux être soit boulimique – je vais manger des livres, lire trente livres en un an – soit passer un an sans rien lire.

Mes lectures sont très larges, des articles scientifiques, de la prose, sur des sujets bien précis.

Mon quartier

Zordi dann shemin mon kartyé
Na pi tro d’moune pou marsh a pyé
Pou kraz savate dan shemin blacké.
Zordi dann shemin mon kartyé
Détroi gran moune pou kri adyé tir shapo
Kan pass loto
I pass van ou san arété
In sèl lalé
In sél retour.
Gran magazin ziska la zol
In zoli kaz en tol ek parabol.
Gran mur béton armé.
Sékurité, sékurité.

Na des gens, zot i pran zot voiture.
Zot i sava, zot i revyen.

Ils ne vont jamais mettre le pied par terre.

Et puis la catégorie des gens qui se promènent à pied
Qui vont rencontrer les gens
Et là, ça devient un quartier cool.

Mon enfance

Les souvenirs sont emmêlés.

La famille qui venait nous chercher à l’aéroport dans la camionnette 404, on nous installait dans la benne arrière, où il y avait des petits bancs. Il fallait deux à trois heures pour arriver au Tampon dans les années 1970. C’était toute une expédition.

Le quatorzième [un quartier de Tampon], c’était un village ; Tonton, c’était le tueur de cochons, le maître-piqueur. Il y avait un aspect de partage, toute la famille était là. C’était un moyen de faire la fête.

En banlieue parisienne également, avec les gens qui venaient de La Réunion, grand-mère nous envoyait des colis de mangues et de letchis pour Noël. C’était les Noëls créoles.

Mon œuvre

Je suis une sorte de poète.

J’écris la poésie que j’aime bien dire, lors des kabars organisés par Carpanin Marimoutou, André Robèr, Patrice Treuthardt et cetera. Je suis dans la parole orale.

Je suis un fonnkézer, déguisé, peint en slameur.

Un fonnkézèr, c’est un poète réunionnais, l’oral est important, ils aiment bien se rencontrer et tout le monde vient se donner la main dans les kabars.

Pourquoi a-t-on pris la parole dans les années 1970 ?

Treuthardt a appris avec le rwa kaf ou lors de meetings politiques, cela donne une vision de la société.

Le concept Pangar fonnkézèr, pangar nou lé là, triangle qu’on a inventé pour des gens fracassés, on a inventé la « poélitique » pour dire Moi mi voi sa komsa.
Y en a d’autres qui jouent avec la langue, comme Babou B’Jalah.

KABAR fonnkèr, c’est une forme de théâtre avec des contes, zistoirs, avec la langue créole et la langue française. Tous les ans, on essaie de se réunir. C’est la messe annuelle des fonnkézèr.

J’aime bien écrire des contes, des histoires.

J’aime bien la langue créole, la langue française aussi.

Je chante aussi.

C’est la découverte d’appartenir à une sphère créolophone avec une force incroyable.

« mi koz kréol ek bann Morisyen, zot i koz kréol, mi konpran azote
Kel kréolité i ress dann shak kréol ?
 »

Les créoles sont de belles langues.

Dans cinq générations, le créole n’existera plus.

Eske nou la besoin koz kréol ankor ?

Moin mi panss ke oui.

L’Insularité

Il est très cher de se déplacer ailleurs depuis une île, donc les gens restent plus sur l’île. C’est très facile de faire le tour de l’île, mais il faut voir ce qu’il y a à l’intérieur ; il y a une richesse incroyable dans cette insularité.

C’est pas mal d’être sur une île.

Il y a un autre rapport au monde, l’horizon, c’est toujours l’eau. Il faut sauter quelque chose, prendre un appareil bateau ou avion.

Tout le monde est insulaire dans la zone Océan Indien. Il faut voyager à l’intérieur et à l’extérieur et accueillir les gens qui viennent de l’extérieur afin qu’ils prennent une place dans cette insularité.


Mikael Kourto

Kourto, Mikael. « 5 Questions pour Île en île ».
Entretien, la Ligne des Bambous (2009). 25 minutes. Île en île.

Mise en ligne sur YouTube le 1er juin 2013.
(Cette vidéo était également disponible sur Dailymotion, du 14 mai 2010 jusqu’au 13 octobre 2018.)
Entretien réalisé par Thomas C. Spear.
Caméra : Véronique Deveau.
Notes de transcription : Françoise Tamachia.

© 2010 Île en île


Retour:

/mikael-kourto-5-questions-pour-ile-en-ile/

mis en ligne : 14 mai 2010 ; mis à jour : 26 octobre 2020