Max Rippon, « Un franc pour symbole »


Claquement de fouets
dans les silences bleuis de nos mémoires
cliquetis de chaînes et de cris mêlés
hommes déracinés
déportés des savanes d’Afrique
esclaves contre gré rapportés
poussières de phalanges broyées
doigts solidaires d’une main d’îlots perclus

déniés fouettés
maltraités humiliés

sous-hommes entravés à fond de cale
cargaisons vives embarquées
esquifs frêles battant les vents mauvais

je me souviens de ma terre veuve
de la vigueur de vos bras
je me souviens de vous

Sonmbé Guenmbé Bozanmbo
Bamilékés… Kongos…
suaires de larmes
linceuls d’eaux salées

Écho du fouet dans le feu de vos chairs
silence mat des plaintes
maintes fois étouffées
ici on a planté ma race
dans les matins complices

Cris de désespérance
engloutis dans la gorge rêche des alizés

Zambama… Massonmbo Xanndé
Banmbaras

ici j’ai reposé ma détresse
les yeux campés sur mes jarrets coupés
je songe à vous
dans le silence de mes nuits sans sommeil

déniés fouettés
maltraités humiliés

mon corps sue encore le vesou
des jours sans fin
mon corps battu
mon corps fouetté
mon corps malmené
mon corps mutilé

J’affirme vos noms à la face du monde
et les varechs en fétus iront dire vos histoires

corps têtus comme fleur de cannes en décembre
corps rebelles des marrons d’ébène
battus fouettés
malmenés humiliés par toi…
ami
camarade
mon semblable et frère
pourquoi
pourquoi
triple fois pourquoi

ouvrez grandes vos oreilles
je demande ici
pour mon peuple déporté…
un franc symbolique de réparations


Lu par l’auteur, « Un franc pour symbole » est un poème inédit de Max Rippon, publié pour la première fois sur Île en île. Il sera publié par la suite dans le recueil, Débris de silences, aux éditions Jasor en 2004 (page 46).

© 2002 Max N. Rippon; © 2002 Île en île pour l’enregistrement audio (1:58 minutes)
Enregistré aux Abymes, le 4 juillet 2002


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mis en ligne : 3 octobre 2002 ; mis à jour : 27 décembre 2020