Galerie Monnin, Manès Descollines

Ti-grand (un des personnages mis en scène dans le roman Manès Descollines.) collection Michel Monnin photo © Michel Monnin

Ti-grand (un des personnages mis en scène dans le roman Manès Descollines.)
collection Michel Monnin photo © Michel Monnin

Manès Descollines est né à Petit-Trou de Nippes en 1936. Il passe son enfance en province dans les mornes où son père est un modeste cultivateur. À l’âge de douze ans, il vient à Port-au-Prince et vit chez Angélique Barbancourt, fille du célèbre distillateur de rhum Labbé Barbancourt. Durant cinq ans, il apprend à lire et à écrire seul, après les dures heures de travail domestique.     À dix-sept ans, il commence un apprentissage de maçon. En 1958, alors âgé de vingt-deux ans, il fait son entrée dans le monde des arts grâce à Gérard Résil, alors Directeur de la S.N.A.D. (Société Nationale d’Art Dramatique) qui le convie à assister aux répétitions et aux représentations théâtrales. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec James Colson, Directeur de la section peinture de la S.N.A.D. Il devient modèle pour les classes de dessin.

Captivé par le milieu artistique dans lequel il évolue, le jeune Manès veut à son tour se lancer dans la création. Ainsi, de modèle, il devient élève suivant les cours de dessin et d’aquarelle que donne Dieudonné Cédor qui a succédé à James Colson. En 1961, il s’inscrit à un cours de peinture organisé par Luckner Lazard au Centre d’Études Secondaires de Turgeau. C’est sa première expérience dans la peinture à l’huile.

Par la suite, il continue à peindre en compagnie d’artistes de la Galerie Brochette. En 1962, gravement malade de l’estomac, il abandonne le pinceau. En 1965, il recommence à peindre et participe à l’exposition « Salon Esso » de l’Institut Haïtiano-Américain. Toujours souffrant, il travaille sporadiquement chez lui à la mesure de ses moyens souvent précaires, se partageant entre son art et son métier de maçon qui lui procure quelques revenus pour l’achat de ses toiles, pinceaux et couleurs. Avec Tiga de Poto-Mitan et son cousin Emmanuel Joachim, il s’adonne durant quelques mois à la céramique. Son cousin l’encourage à ne pas abandonner la peinture et lui suggère d’exposer ses tableaux à la Galerie Monnin. C’est au début de 1969 qu’il se présente avec quelques toiles.

Chez Manès, l’élément essentiel, original, personnel est sans conteste l’imagination. Ses oeuvres ont beaucoup de caractère. Il est impossible de ne pas être frappé par la force provocante et inquiète qui se dégage de ses tableaux. On sent le peintre de génie et surtout l’homme qui se pose des questions. Si l’imagination est débordante, forte, souvent grinçante, elle est bien servie par le dessin qui a une grande importance dans la mise en place de l’idée. Manès traite ensuite sa toile à la façon des impressionnistes, noyant le dessin, et paradoxalement, lui donnant tout son relief grâce à des touches de couleurs audacieuses et vigoureuses. Dans certaines de ses toiles les plus violentes, on est tenté de qualifier sa peinture d’impressionniste. À observer Manès, on décèle un esprit profondément humain. Las de se révolter, il va sensiblement assagir sa peinture et atténuer quelque peu son côté viscéral au profit d’une expression où la recherche du beau et parfois même de la vérité compte plus que le témoignage. Manès prend du recul mais parce qu’il y est forcé. Il évolue intelligemment mais comme à contre-coeur. Parfois, il nous navre d’une peinture où tout est bouleversement, solitude, incommunicabilité. Puis, le lendemain, il travaille à une maternité haute, belle, émouvante. Manès, tranquille mais jamais serein, Manès sage et superstitieux. Manès seul… toujours seul! Depuis 1976, il réside à Port-Salut dans le Sud d’Haïti où dans la sérénité de la nature, il semble avoir trouvé la paix intérieure.

– Michel Monnin, carnets écrits entre 1975 et 1979 (inédits)

autre extrait: L’univers de Manès.

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mis en ligne : 1 octobre 2002 ; mis à jour : 16 octobre 2020