Farah Martine Lhérisson

Farah Martine Lhérisson

photo © courtoisie de la famille
Petion-Ville, juin 2018

Ce serait manqué de sens du jugement de croire que Farah Martine Lhérisson était en quête d’itinéraire. Itinéraire zéro, son seul recueil de poèmes publié jusqu’à date, n’a rien d’une poétesse qui se cherche ou cherche une quelconque voix à sa rescousse. Comme Camille, le poète de « Nedgé », Sabato, l’homme du Tunnel, elle a su trouver sa voie et laisser ses empreintes sur la littérature haïtienne des vingt dernières années avec ce seul livre.

Née le 30 novembre 1970, Farah Martine Lhérisson est l’un de ces poètes qui auraient marqué à l’encre forte la production poétique contemporaine, la production féminine en particulier, si jamais elle avait su poursuivre l’aventure de l’écriture. La génération à laquelle elle appartient n’a pas produit beaucoup de femmes écrivains, à part quelques-unes éparpillées aux quatre coins du globe. Les poétesses de sa génération – Mémoire n’en a connu que deux (elle et Emmelie Prophète qui continue encore sa route) – n’ont pas su dire avec autant d’audace et de candeur, de tendresse et de perspicacité, la fragilité des êtres, la futilité des choses, les courbes sinueuses du temps qui passe, les incertitudes et le désarroi qui bousculent les rayons de chaque nouveau soleil qui (se) pointe à l’horizon.

Itinéraire zéro est une toute petite plaquette de vers, soit un total de trente-six poèmes illustrés de dessins de Georges Castera Fils. Le livre est paru en 1995 aux Éditions Mémoire à Port-au-Prince. À la sortie du recueil, Marc Exavier écrit ceci :

Dans la texture des plus beaux vers fourmillent des sanglots qui écorchent le rêve. La beauté du chant se mesure-t-elle à l’effusion du sang ? La « fille à la tête d’hirondelle » déserte les espaces confinés et trempe ses fantasmes dans les vents les plus âpres. Son itinéraire de poète est jonché de fuites et de révoltes, de blessures auto-infligées, de mutilations désirées, pour ne pas ressembler aux fantoches bien-pensants qui peuplent le quotidien. Le désespoir est sa dernière étoile.

Farah Martine Lhérisson a étudié les lettres à l’École Normale Supérieure (ENS). Elle a été directrice d’école et professeure de littérature. En 2004, elle a intégré le programme de formation continue intitulée Certificat d’aptitude à l’enseignement du français (CAEF), réalisé à l’ENS en partenariat avec l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG). Elle en est sortie lauréate et décroche une bourse qui la conduit en Guadeloupe pour des études de maîtrise.

Femme d’un seul livre, Farah Martine aura été la nouvelle Ida tant par la potentialité et la durabilité de sa création poétique jusqu’à marquer les esprits et résister à l’usure du temps. Même si elle semble pourtant se réclamer d’aucun groupe, elle a été aux côtés des autres poètes de la génération Mémoire, comme l’a souligné Lyonel Trouillot dans son article « Haïti 90 : esthétique du délabrement » la représentante « d’une nouvelle poésie haïtienne ». Saint-John Kauss de son côté affirme que : « la poésie de Farah Martine Lhérisson est d’un automatisme rempli de souvenirs, de rêves et de fleurs à tête d’hirondelle ». Outre cet automatisme, il y a dans son écriture cette liberté poétique qui bouscule toute forme traditionnelle, et un flot verbal enrichi par une aisance d’images témoignant ou relevant de la réalité de son être, de l’individuel au détriment de l’en-commun, du communautarisme et du « être-ensemble ».

Farah Martine Lhérisson a été assassinée en son domicile à Péguy-Ville dans la nuit du 15 juin 2020. Son mari, l’ingénieur Lavoisier Lamothe a également été tué. Leur fils de douze ans a survécu à la tragédie. Farah Martine Lhérisson n’avait que 49 ans. Sa mort soudaine a laissé un vide en Haïti, selon André Fouad ; c’était la disparition, d’ « une belle voix qui … donnait le goût de vivre ».

– Dieulermesson Petit Frère


Oeuvres principales:

Poesie:

  • Itinéraire zéro. Port-au-Prince: Mémoire, 1995.

Textes parus dans des anthologies:

  • « Il y a plus ces mers ». Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, dirigée et présentée par James Noël. Paris: Points, 2015: 297-301.
  • « Les mots passants ». Riveneuve Continents 8 (2009).
  • « Raconte-moi une histoire », poème de Farah Martine Lhérisson dit par Pierre Brisson sur son disque À voix basse (volume 1), Port-au-Prince: Pierre J. Brisson, 2004.
  • « Vider mon verre d’alcool ». Anthologie de la poésie haïtienne. Un siècle de poésie (1901-2001), dirigée par Georges Castera, Claude Pierre, Rodney Saint-Éloi et Lyonel Trouillot. Montréal: Mémoire d’encrier, 2003: 305.

Sur l’oeuvre de Farah Martine Lhérisson:

  • Doucey, Bruno. « Terre de femmes – 150 ans de poésie féminine en Haïti ». Collection Haïti. Enjeux d’écriture, Vincennes: Presses universitaires de Vincennes. 2013: 179-186.
  • Kauss, Saint-John. « Farah Martine Lhérisson ». Le massif des illusions. Éloge de la poésie haïtienne. Port-au-Prince: Saint-John Kauss, 2010: 177.

Liens:

ailleurs sur le web:


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Dossier Farah Martine Lhérisson préparé par Dieulermesson Petit Frère

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mis en ligne : 5 août 2020 ; mis à jour : 9 août 2020