Kathleen Gyssels, Hommage à André Schwarz-Bart

Nos yeux reçoivent la lumière d’étoiles mortes. Une biographie de mon ami Ernie tiendrait aisément dans le deuxième quart du XXième siècle ; mais la véritable histoire d’Ernie Lévy commence très tôt, vers l’an mille de notre ère, dans la vieille cité anglicane de York. Plus précisément : le 11 mars 1185.
(Le Dernier des Justes, 1959, incipit)

Le 30 septembre 2006, André Schwarz-Bart nous a quittés. Auteur ineffable de l’Holocauste et du Middle Passage, voix discrète loin des médias dont les auteurs sont si friands de nos jours, l’auteur antillais d’adoption laissera à la postérité le souvenir d’un homme de lettres authentique qui a su lutter contre les intolérances de tout bord et les injustices qui attendent encore leur « devoir de mémoire ».

Disparu en cette année Senghor, dont il connut si bien le pays pour y avoir vécu pendant des années (le pays diola de La Mulâtresse Solitude, 1972), André Schwarz-Bart avait indubitablement plein d’autres projets d’écriture encore, mais se disait désenchanté. Que peut l’écriture devant la barbarie de l’après – Auschwitz, la guerre en Palestine, les territoires occupés, le mur érigé par Israël ? Aussi, l’accusation du plagiat et la désapprobation de son engagement pour l’Histoire antillaise ont fini par le décourager. Où tracer la frontière entre influence et plagiat, autant de facteurs qui finissent par inhiber l’inspiration et l’imagination historique qu’il abritait pourtant en lui ?

Le Dernier des Justes reste à l’ombre de l’œuvre d’Elie Wiesel et de Primo Lévy, de Paul Celan et de Stephan Zweig. En feuilletant les bibliographies tant en français qu’en anglais, je constate qu’André Schwarz-Bart reste une figure mineure dans la littérature de l’Holocauste et de la « trauma literature ». Que ce soit dans Imagining Each Other; Blacks and Jews in Contemporary American Literature par Ethan Goffman (Albany: SUNY Press, 2000), où l’on traite de James Baldwin, Paule Marshall et Toni Morrison, ou dans les nombreuses études sur la judaïté en France, l’effort entrecroisé d’André Schwarz-Bart semble rester inaperçu.

Que sa famille et ses amis reçoivent ici l’expression de nos sincères condoléances ; que ses fils et Simone soient consolés dans le savoir que cet auteur brillera de tout feu dans les quarts du jeune siècle. Son œuvre nous laisse d’ineffaçables empreintes.


Ce texte, « Hommage à André Schwarz-Bart », par Kathleen Gyssels, est offert aux lecteurs du site Île en île, où il est publié pour la première fois en 2006 avec le dossier du site présentant André Schwarz-Bart.

© 2006 Kathleen Gyssels


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mis en ligne : 31 octobre 2006 ; mis à jour : 14 octobre 2020