Galerie Monnin, Pierre Joseph-Valcin

Maternité de Pierre Joseph-Valcin (1985). Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Maternité de Pierre Joseph-Valcin (1985).
Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Extrait d’un catalogue exclusivement consacré à Pierre Joseph-Valcin, édité par la Galerie Monnin et écrit par Michel Monnin en 1985.

Dans chaque homme, un vrai, il existe un petit coin de jardin planté d’herbes folles et de fleurs sauvages, – un lieu secret enfantin et merveilleux – qui pour survivre doit être alimenté au jour le jour par cette eau vivifiante qui entre autres se trouve dans toute expression artistique fondamentale, instinctive et sincère; sans quoi il se meurt, et il ne reste plus que feuilles calcinées, épines, aridité.

Il arrive souvent que l’art académique et abstrait s’envole vers des hauteurs interdites au public non averti; s’enferme dans des spéculations stériles, des subtilités d’autant plus appréciées qu’impossibles à déchiffrer dans les notices explicatives en ismes et en iques des critiques austères, sans oublier les règles savantes de la perspective conique et cavalière, la discordance harmonieuse des couleurs complémentaires inverties, les espaces négatifs, et les états d’âme du créateur; que l’on se trouve dans une exposition d’avant-garde – Quelle avant-garde? Avant-garde de qui?… de quoi? – tel un paysan sans souliers à une messe pontificale; embarrassé, serrant très fort sous son aisselle le dépliant satiné qu’on vous a remis entre deux petits fours et une coupe d’asti spumeuse; … transpirant dans ses beaux habits, … saluant jusqu’à terre les messieurs importants, … baisant des mains étincelantes en murmurant: « C’est ravissant… fort… primordial… exquis… abstractif… très bien… je vous remercie » et rasant les murs jusqu’à la sortie, l’on se retrouve dans la rue, aveugle, pressé de rentrer chez soi pour lire avec attention le précieux parchemin qui va enfin nous révéler ce que l’on n’a pas su voir…

Fort heureusement pour nous, pour l’art, il a toujours existé un peu partout dans le monde, en marge de ces courants novateurs sacrifiant parfois beaucoup trop à la mode ou à la recherche facile d’inédit des peintres, écrivains, artisans, poètes, musiciens dont les oeuvres sont autant de sources de jouvence, où le caractère empirique de l’inspiration et parfois le rudimentaire de l’exécution réveillent en nous des sentiments simples et profonds, où les détails, la banalité du quotidien, le délire, la malice de l’observation arrosent d’abondance notre petit jardin particulier.

Pierre-Joseph Valcin est l’un de ces jardins enchantés dans lesquels il fait bon s’arrêter, semblable à ceux qui ont pour nom: Hyppolite, Micius Stéphane, Rousseau, Séraphine, Cleveland Brown pour ne citer qu’eux parmi tous ces « naïfs » qui n’appartiennent à aucune école, à aucun mouvement, à nulle coterie; libres de toutes contraintes sociales et académiques; qui ne cherchent qu’à exprimer ce qu’ils estiment beau, désirable ou inquiétant; ces artistes qui pour la plupart ont exercé des métiers modestes avant de se mettre à peindre et qui très souvent se croient guidés par des forces surnaturelles; âmes simples aux accents mélodieux qui peignent en utilisant les moyens du bord, inventent leurs propres solutions aux problèmes que leur pose l’oeuvre en cours; ne sachant pas toujours éviter les écueils, les maladresses, les imperfections qui y ajoutent parfois une note charmante ou insolite…

Cette exposition est en quelque sorte mon Pierre-Joseph Jardin privilégié, Les toiles qui la composent ont été choisies avec amour durant les années 75 à 85. Bien d’autres fleurs auraient pu s’ajouter à ce bouquet rustique si elles n’étaient parties enrichir les plates-bandes des jardins exotiques d’Amérique et d’Europe et si plusieurs de ces ogres avides d’absolu et de beauté qui parcourent inlassablement le monde en quête d’hommes-jardins n’y avaient fait des coupes sombres. En disant cela j’ai une pensée toute spéciale pour l’ogre Jean-Marie Drot qui s’étant introduit d’amitié dans ma réserve s’est emparé d’une trentaine de ces joyaux pour les exposer à la Closerie des Lilas en 1981, à la maison de la Culture de Rennes, la Maison de la Radio à Paris en 1982, et à l’Institut Français d’Athènes en 1984. Qu’il en soit publiquement remercié.


Biographie de Pierre Joseph-Valcin

     Pierre Joseph-Valcin est né à Port-au-Prince sous le Président Borno entre 1925 et 1927. Sa mère, Marianne Théodore, originaire de l’Anse-à-Veau, était couturière de son état, son père, Clermont Valcin, conducteur de boggie au temps béni où notre capitale ne connaissait pas encore les encombrements de la circulation et que les marchandes chantaient leurs produits dans les rues dès le devant-jour.

Il est élevé par sa belle-mère, c’est-à-dire la mère de Gérard Valcin, et fréquente l’école jusqu’au Certificat. Puis, il apprend la mécanique à la Société Haïtienne des Moteurs S.A. Enfin, il devient maçon sous la férule de boss Joseph puis contremaître.

Au début des années 60, sans travail, il se rend avec son demi-frère Gérard Valcin au Foyer des Arts Plastiques puis au Centre d’Art en 1966, deux ans après la mort de Dewitt Peters.

C’est en 1969 qu’il commence à exposer à la Galerie Monnin.


Principales expositions:

  • Musée d’Art Naïf Anatole Jakobsky, Nice (1983).
  • Café de la Paix, Paris (1985).
  • Grand-Palais, Paris (1988).

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mis en ligne : 1 octobre 2002 ; mis à jour : 16 octobre 2020