Déwé Gorodé

Déwé Gorodé

photo © Éric Aubry
Nouméa, 2004

Déwé Gorodé naît le 1er juin 1949, à Ponérihouen, sur la côte Est de la Grande Terre calédonienne, dans la tribu de Pwârâïriwâ, située à l’embouchure de la rivière qui donne au village son nom.

Études primaires dans la région de Houaïlou, baccalauréat de philosophie au lycée Lapérouse à Nouméa, licence de lettres modernes à l’Université Paul-Valéry de Montpellier : son parcours scolaire est brillant. En 1974, à son retour au pays, il la conduit à enseigner le français dans un collège catholique de la banlieue de Nouméa. Déjà, elle a dans ses cartons des poèmes dont l’écriture a commencé dès 1970, mais qui ne seront publiés que quinze ans plus tard.

Militante de la première heure de la cause indépendantiste, Déwé Gorodé s’engage dès 1974 au sein du mouvement des Foulards Rouges, né en 1969 et dont elle assure un temps la présidence.

Puis elle est parmi les fondateurs du groupe 1878, ainsi nommé en mémoire de la révolte kanak de 1878, qui s’acheva par la mort du chef Ataï, non sans que celui-ci ait fortement ébranlé la colonie.

En 1976, elle contribue à la création du parti indépendantiste kanak à tendance marxiste, le PALIKA. Des missions du front indépendantiste la conduisent dans le Pacifique, en Australie, en Algérie, au Canada, à Mexico et à l’O.N.U. Mais elle paie aussi, en 1974 et 1977, cet engagement de trois emprisonnements qui marqueront durablement, avec son combat son entrée dans l’écriture.

En 1983, Déwé Gorodé enseigne le français au collège protestant Do-Néva de Houaïlou (côte Est de la Grande Terre calédonienne). En 1984, à Hienghène, dix militants kanak, dont deux frères du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, sont assassinés. Le mouvement se durcit. Il bouillonne aussi de réflexions et d’expressions multiples. Elle quitte Do-Neva et s’investit dans l’École populaire kanak (E.P.K.) de Ponérihouen qui vient de se créer. Elle y enseigne le paicî, langue de sa région d’origine, de 1985 à 1988. En 1985, la parution, avec Sous les Cendres des conques, de ses poèmes de combat, ouvre la voie à une parole kanak qui ose s’emparer – et avec quelle force – de l’écrit et de la langue française pour affirmer qu’elle s’est mise debout, et qu’il sera désormais impossible de la faire taire.

En 1992, Déwé Gorodé participe à une mission de femmes au Mali. De 1994 à 1995, elle travaille pour l’Agence de développement de la culture kanak lors de la saison de préfiguration du Centre culturel Tjibaou. De 1996 à 1997, elle enseigne de nouveau le paicî à Houaïlou et Poindimié. De 1999 à 2001, elle dispense des cours d’histoire de la littérature du Pacifique et de littérature mélanésienne contemporaine à l’Université de Nouméa.

Dans le même temps, elle publie deux recueils de nouvelles et un recueil d’aphorismes qui manifestent une fois encore, avec la puissance de sa langue, l’acuité de son regard. Il n’épargne aucun des travers de la société post-coloniale qui l’entoure, ni les compromissions des combattants d’hier parvenus au pouvoir, ni les mille formes de domination à laquelle se voient soumises les femmes, de quelque origine qu’elles soient.

En 1999, elle s’engage dans une démarche d’écriture croisée avec l’auteur calédonien Nicolas Kurtovitch. Ensemble, ils cosignent Dire le vrai, posant avec ce dialogue entre leurs deux voix un acte politique fort, d’une exigence littéraire qui l’est tout autant. En 2002, elle conduit la délégation d’auteurs de la Nouvelle-Calédonie, qui en est l’invitée, au Salon du livre insulaire d’Ouessant.

Son œuvre est étudiée très au-delà de la Nouvelle-Calédonie et, comme celle de Nicolas Kurtovitch, retient toute l’attention des universités de la grande région Pacifique, tout particulièrement en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle y fait l’objet actuellement d’un important effort de traduction en langue anglaise, alors même que la plupart des éditions françaises de ses textes est épuisée.

Déwé Gorodé a assumé de 2001 à 2009 les fonctions de vice-présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en charge dans un premier temps de la culture et des sports, puis à partir de juin 2004 de la culture, de la condition féminine et de la citoyenneté. Depuis le scrutin de mai 2009, elle a quitté la vice-présidence mais demeure membre du gouvernement calédonien et a conservé le même portefeuille que dans la précédente mandature.

Mariée et mère de trois enfants, elle continue d’accorder une extrême importance au travail de la terre et est également une conteuse traditionnelle fière de son héritage.

Elle est membre de l’Association des Écrivains de la Nouvelle-Calédonie.


Oeuvres principales:

Roman:

  • L’épave. Nouméa: Madrépores, 2005; 2007; 2019.
  • Graines de pin colonnaire. Nouméa: Madrépores, 2009.
  • Tâdo, Tâdo, wéé ! Pirae: Au Vent des Îles, 2012.

Poésie:

  • Sous les cendres des conques. Nouméa: Edipop, 1985.
  • Dire le vrai / To Tell the Truth (avec Nicolas Kurtovitch). Édition bilingue de 18 poèmes (traduction anglaise de Raylene Ramsay et Brian Mackay). Nouméa: Grain de sable, 1999.
  • À l’orée du sable. Avec « La paix en soi » (texte écrit avec Nicolas Kurtovitch). La Roque d’Anthéron (France): Vents d’Ailleurs, 2014.
  • Se donner le pays – paroles jumelles (avec Imasango). Préface de Murielle Szac. Paris: Bruno Doucey, 2016.

Nouvelles:

  • Ûte Mûrûnû, petite fleur de cocotier. Nouméa: Grain de sable, 1994; Nouvelle édition augmentée de deux nouvelles inédites, Nouméa: Madrépores, 2015.
  • L’Agenda. Nouméa: Grain de sable, 1996; Nouméa: Madrépores, 2015; Nouvelle édition augmentée de deux nouvelles inédites, Nouméa: Madrépores, 2015.
  • Le Vol de la parole (avec Weniko Ihage). Nouméa: Edipop, 2002.
  • La Vieille Dame. Nouméa: Madrépores, 2016.

Recueil d’aphorismes:

  • Par les temps qui courent. Nouméa: Grain de sable, 1996.

Théâtre:

  • Kënâké 2000, pièce inédite, mise en scène par Pierre Gope lors du Festival des Arts mélanésiens à Nouméa en 2000.

Textes parus dans des revues et des recueils collectifs:

  • Sélection de poèmes. Sillages d’Océanie 2014. Nouméa: Association des écrivains de la Nouvelle-Calédonie, 2014: 17-23.

Distinction littéraire:

  • 2007     Prix Popaï du Salon international du livre océanien, pour L’épave.

Traductions:

in English:

  • The Kanak Apple Seasons. Anthologie de nouvelles. Trad. Peter Brown. Canberra (Australie): Pandanus Books, 2004.
  • Sharing as Custom Provides. Anthologie bilingue de poésie. Trad. Raylene Ramsay et Deborah Walker. Canberra (Australie): Pandanus Books, 2005.
  • The Wreck. Traduction du roman L’épave, par Deborah Walker-Morrison et Raylene Ramsay. Auckland (Nouvelle-Zélande): Little Island Press, 2011.
  • Voir aussi la rubrique « Poésie » ci-dessus.

Sur l’oeuvre de Déwé Gorodé:

  • Dossier spécial sur Déwé Gorodé (entretien, critique, comptes-rendus). Notre Librairie 134 (mai-août 1998): 68-105.
  • Fenoglio, Micaela. Des Racines et des ailes : La littérature francophone de la Nouvelle-Calédonie. Préface de Anna Paola Mossetto. Turin: L’Harmattan Italia, 2004.
  • Fougère, Éric. « L’Écho de Narcisse ou les voix du miroir : la nouvelle en Nouvelle-Calédonie ». Escales en littérature insulaire : Iles et balises. Paris: L’Harmattan, 2004: 187-203.
  • Frengs, Julia. Corporeal Archipelagos: Writing the Body in Francophone Oceanian Women’s Literature. Lexington Books, 2017.
  • Ramsay, Raylene. « L’hybridité comme identité(s) française(s) et altérité(s) dans les littératures émergentes en Nouvelle-Calédonie ». Dalhousie French Studies 74/75 (Spring-Summer 2006): 413-426.

Liens:

sur Île en île:

ailleurs sur le web:


Retour:

Dossier Déwé Gorodé préparé par Anne Bihan

/gorode/

mis en ligne : 9 juin 2005 ; mis à jour : 1 octobre 2021