Entretien avec le poète et traducteur colombien Rafael Patiño – Boutures 2.1

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Medellin
vol. 2, nº 1, page 7

 

Boutures : Rafael Patiño, vous êtes l’un des traducteurs attitrés du festival international de poésie de Medellin. Vous traduisez des poèmes, mais vous est-il arrivé de traduire également des romans, des textes de critiques littéraires ?

Rafael Patiño : Dans le cadre de mon travail de traducteur, je n’ai jamais eu l’opportunité de traduire des romans. Cependant, j’ai traduit des études sérieuses sur des personnages historiques importants comme le marquis de Sade. J’attire votre attention sur le fait que j’ai traduit Sade, sa vie, son œuvre, de Gilbert Lély, ouvrage considéré comme l’étude la plus complète sur le divin marquis.

Raphael Patiño

Raphael Patiño

Boutures : Vous traduisez des poèmes sans connaitre les poètes. Existe-il une affinité entre le traducteur et le poète dont vous traduisez l’œuvre ?

Rafael Patiño : Normalement, un traducteur doit avoir un certain type de rapport avec le texte qu’il traduit. Cela lui permet de garder le rythme plus facilement et de reproduire non seulement le sens mais également la musicalité d’une langue à l’autre.

Le français a sur moi un effet de charme.. Il est difficile de le reproduire dans une autre langue.

Boutures : Lorsque vous traduisez, le faites-vous littéralement ou essayez-vous de capter le sens général du poème ?

Rafael Patiño : Normalement, il conviendrait d’entrer dans le poème comme dans une forêt, en visitant ses arbres, le sol humide et couvert de mousse ; le ciel en haut qui semble régner sur la vie qui habite au milieu du silence ou du pseudo-silence. Il en est de même du poème qui doit être abordé par le traducteur après avoir imprégné son rythme, et pour cela il est nécessaire d’être un homme capable de danser, de chanter, de dire le sens du non-sens également et arriver finalement à un œuvre qui reproduit de manière efficiente le poème qui restera soumis aux pieds du traducteur.

Boutures : Parlons de poète ! Il me semble que pour traduire des poèmes, on doit être également poète…

Rafael Patiño : Sans être poète, il est presque impossible de traduire des poèmes. Toutefois, il y a de rares exceptions dans le domaine de la traduction. En principe, on devrait penser qu’à l’intérieur du poète, il existe un mécanisme de rythmes, de musique si complexe et constitué à partir d’une interprétation distincte du monde qui permet à la poésie d’être et de s’établir à partir d’elle-même comme un territoire complet, libre de toute subjugation.

Boutures : La foule de huit mille spectateurs attentifs, disciplinés, qui a assisté à l’ouverture du Festival au théâtre en plein air Carlos Vieco est impressionnante. Cela a-t-il toujours été ainsi par le passé ?

Rafael Patiño : Singulièrement on devait penser, comme Freud le fait, à la sublimation de l’agressivité Voici, un peuple traditionnellement célèbre pour son agressivité qui manifeste la sublimation de cette pulsion vers des buts artistiques. Et nous ne parlons pas seulement de la poésie, mais d’autres manifestations artistiques comme le théâtre, la peinture, des marionnettes, etc. etc. et ceux-ci constituent une garantie qui va au-delà de la tristesse, de la force de la violence vers la constitution d’un état de choses proche du sublime, de la pax, de l’homme dans sa totale réalisation.

bout

Rafael Patiño, poète, peintre et traducteur de poètes est né à Medellin (Colombie) en 1947. Publications : El trasego del trasgo, 1980 ; Clavecin erótico, 1984 ; Libro del colmo de luna, 1990 ; canto del extravio, 1992 ; Le néant perplexe (espagnol-français), s.d.

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mis en ligne : 29 mai 2009 ; mis à jour : 17 octobre 2020