Denizé Lauture, « Chair et astres » et « La prunelle de mes yeux »


Chair et astres

Il avait cousu les paupières
De tous les fils frigides de l’enfer
Avec le fil bleu de son aiguille aimantée.
L’univers entier lui appartenait.
Il a baisé, baisé, baisé follement
Toutes les lascives prunelles
De son célèbre prisonnier céleste.
Son essence de feu a forniqué
Avec toutes les braises, toutes les étincelles.
C’était l’orgie entre la chair et les astres.
Devant ses pupilles exorbitées
Les pervers de la voie lactée ont aimé
Et ont éjaculé des chaînes de cristaux
Aux mille et une couleurs.

La Prunelle de mes yeux

Boules rouges de passions, elles ont roulé en spirale autour de chaque tresse de tes cheveux.  Elles ont glissé sur ton front serein et ton visage divin comme la pointe des doigts d’une douce masseuse.  Dans le miel infini de tes propres prunelles elles ont plongé.

Elles se sont perdues dans les vagues lointaines et doucereuses.  Elles ont reparu à cheval sur ton nez, caverneuse géométrie céleste, puis ont disparu aux courbes charnues de tes lèvres infernales.  Leurs roucoulements fiévreux furent transmis de langue en langue.  Elles t’ont frédonné, chanté leurs chansons les plus douces.

Elles ont roulé, roulé autour de ton cou de gazelle amoureuse et le long de tes bras comme deux billes magiques jouant avec deux mignonnes couleuvres apprivoisées.  Comme deux petites balles qui voudraient bien se faire crever elles ont rebondi et rebondi sur le bout de tes seins en plongeant après chaque petit bond dans le val mignon qui les sépare.  Sur ton corps divin, le feu de l’enfer les a possédées et transformées en étincelles.

Elles ont consumé et réduit en cendres transparentes l’i grec vert qui cachait ton essence tant convoitée.  Et dans ce bassin bouillonnant de vie, elles ont plongé et replongé à la recherche de l’ultime extase.  Elles ont connu et vécu la plus douce transcendance.

Mais après elles se sont trouvées folles, folles, tout à fait folles sur tes deux rotondes qui séduiraient même le dieu le plus chaste.  Et puis, comme par magie, elles furent dotées d’une vraie langue.  Alors comme une bonne vache qui vient de mettre bas lèche sa génisse, elles ont parcouru leur langue de feu sur tout ton être, jusqu’à ton dernier petit doigt de pied.  Oui, ton être a bel et bien conquis mon être! Ton être a bel et bien conquis mon âme!

Tu es et tu seras toujours la prunelle de mes yeux!


Lus par l’auteur, ces deux poèmes de Denizé Lauture ont été publiés pour la première fois dans LittéRéalité 10.1 (printemps/été 1998), pp. 143-144.

© 1998, 2002 Denizé Lauture
© 2002 Denizé Lauture et Île en île pour l’enregistrement audio (4:50 minutes)
Enregistré dans le Bronx le 5 novembre 2001


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mis en ligne : 2 février 2002 ; mis à jour : 27 décembre 2020