Suzanne Césaire

Suzanne Césaire, Photo d'archives, D.R., vers 1950

Photo d’archives, D.R., vers 1950

Suzanne Roussi (Roussy) est née le 11 août 1915 en Martinique. Elle fait ses études à Toulouse et à Paris, où elle rencontre le jeune Aimé Césaire, avec qui elle travaille à la rédaction de la revue L’Etudiant noir. Le couple, marié en 1937, aura six enfants. En 1941, à Fort-de-France, avec la collaboration de René Ménil et d’Astride Maugée, Suzanne et Aimé Césaire fondent la revue culturelle Tropiques. C’est pour cette revue que Suzanne Césaire écrit les seuls essais qu’elle a publiés – sept textes au total.

Les premiers essais de 1941 traitent des influences européennes, notamment celles de l’ethnologue allemand Léo Frobenius et du surréaliste André Breton. Dès son quatrième article « Misère d’une poésie », publié en 1942, Suzanne Césaire établit les fondations d’une nouvelle littérature d’identité martiniquaise, fortement distincte de la perspective qu’offre l’ancien continent sur les îles. Par la suite, dans « Malaise d’une civilisation », elle avertit les Martiniquais des dangers de l’assimilation et conseille à ses lecteurs de reconnaître « toutes les forces vives mêlées sur cette terre où la race est le résultat du brassage le plus continu ». Suzanne Césaire rappelle aussi la dette du mouvement surréaliste envers ses pratiquants extra-hexagonaux dans son essai « 1943 : Le Surréalisme et nous », qui s’approprie le surréalisme comme arme de choix d’une poésie martiniquaise. Dans ses écrits, Suzanne Césaire prévoit une Caraïbe multiethnique et dynamique, une vision qui culmine dans son dernier essai, « Le Grand Camouflage ». Celui-ci examine les origines historiques, sociologiques, et économiques d’une Martinique multiple et invite ses lecteurs à inventer une littérature nouvelle.

Après la guerre, Suzanne Césaire retourne à Paris avec son mari, élu député du nouveau département à l’Assemblée Nationale. Enseignante, elle continuera à travailler dans le domaine culturel et adaptera une nouvelle de Lafcadio Hearn (Youma, The Story of a West-Indian Slave, 1890) pour un groupe théâtral martiniquais en 1952. Cette pièce, intitulée Aurore de la liberté, traite de la révolte noire en Martinique de mai 1848. Mis en scène par un groupe amateur, le texte n’a jamais été publié.

Suzanne Césaire se sépare de son mari en 1963 et meurt trois ans plus tard, à l’âge de 50 ans. Les traces de son influence restent visibles dans l’œuvre de maints auteurs contemporains, dont Daniel Maximin et Édouard Glissant. Sa vision d’une littérature antillaise ancrée dans une terre qui fait partie de ce peuple « aux quatre races et aux douzaines de sang », son refus de l’exotisme littéraire, et sa reconnaissance des relations dynamiques et interculturelles en jeu aux Antilles continuent à fasciner et à inspirer.

– Kara Rabbitt


Oeuvres principales:

Essais:

Tous sont disponibles dans l’édition de facsimilés chez Jean-Michel Place (Paris: 1978).

  • « Léo Frobenius et le problème des civilisations ». Tropiques I (1941): 27-36.
  • « Alain et l’esthétique ». Tropiques II (1941): 53-61.
  • « André Breton, poète… ». Tropiques III (1941): 31-37.
  • « Misère d’une poésie: John Antoine-Nau ». Tropiques IV (1942): 48-50.
  • « Malaise d’une civilisation ». Tropiques V (1942): 43-49.
  • « 1943: Le Surréalisme et nous ». Tropiques VIII-IX (1943): 14-18.
  • « Le Grand camouflage ». Tropiques XIII-XIV (1945): 267-73.

Le Grand Camouflage. Écrits de dissidence (1941/1945). Textes de Suzanne Césaire réunis. Paris: Seuil, 2009.

Sur l’oeuvre de Suzanne Césaire:

  • Condé, Maryse. « Language and Power: Words as Miraculous Weapons ». College Language Association Journal 39.1 (1995): 18-25.
  • Condé, Maryse. « Unheard Voice: Suzanne Césaire and the Construct of a Caribbean Identity ». Winds of Change: The Transforming Voices of Caribbean Women Writers and Scholars. Adele S. Newson et Linda Strong-Leek, eds. New York: Peter Lang, 1998: 61-66.
  • Curtius, Anny-Dominique. Suzanne Césaire. Archéologie littéraire et artistique d’une mémoire empêchée. Paris: Karthala, 2020.
  • Dumontet, Danielle. « Antillean Authors and Their Models ». Suzanne Houyoux, trad. Callaloo 15.1 (Winter 1992): 104-18.
  • Fonkoua, Romuald. Essai sur une mesure du monde au XXe siècle : Edouard Glissant. Paris: Champion, 2002: 133-38.
  • Joseph-Gabriel, Annette K. « Beyond the Great Camouflage: Haiti in Suzanne Césaire’s Politics and Poetics of Liberation ». Small Axe 20.2 (July 2016): 1-13.
  • Kelley, Robin D. G. « Freedom Now Sweet: Surrealism and the Black World ». Surrealist Subversions: Rants, Writing, and Images by the Surrealist Movement in the United States. Ron Sakolsky, ed. Brooklyn: Autonomedia, 2002: 134-50.
  • Pestre de Almeida, Lilian. Vampire liminaire: de Lautréamont aux Césaire. Würzburg (Allemagne): Königshausen & Neumann, 2019.
  • Praeger, Michèle. The Imaginary Caribbean and the Caribbean Imaginary. Lincoln: U. of Nebraska, 2003. 73-82.
  • Rabbitt, Kara M. « Suzanne Césaire and the Forging of a New Caribbean Literature ». The French Review 79.3 (February 2006): 538-48.
  • Scarboro, Ann Armstrong. « A Shift Toward the Inner Voice and Créolité in the French Caribbean Novel ». Callaloo 15.1 (Winter 1992): 12-29.
  • Scharfmann, Ronnie. « De grands poètes noirs: Breton rencontre les Césaire ». Nouveau Monde, autres mondes : Surréalisme et Amériques. Daniel Lefort, Pierre Rivas et Jacqueline Chénieux-Gendron, eds. Paris: Lachenal & Ritter, 1995: 231-39.
  • Sharpley-Whiting, T. Denean. Negritude Women. Minneapolis: U. of Minnesota, 2002.
  • Sourieau, Marie-Agnès. « Suzanne Césaire et Tropiques: De la poésie cannibale à une poétique créole ». The French Review 68.1 (October 1994): 69-78.
  • Wilks, Jennifer M. « Revolutionary Genealogies: Suzanne Césaire’s and Christiane Taubira’s Writings of Dissent ». Small Axe 19.3 (2015): 91-101.
  • Zimra, Clarisse. « Daughters of Mayotte, Sons of Frantz: The Unrequited Self in Caribbean Literature ». An Introduction to Caribbean Francophone Writing: Gaudeloupe and Martinique. Sam Haigh, ed. New York: Berg, 1999: 177-94.

Traductions:

in English:

  • « The Malaise of a Civilization » et « The Great Camouflage ». T. Denean Sharpley-Whiting et Georges Van Den Abbeele, trans. Negritude Women. T. Denean Sharpley-Whiting. Minneapolis: U. of Minnesota, 2002 (in Appendice pp. 130-40).
  • « Surrealism and Us » et « The Domain of the Marvelous » (extrait tiré de l’essai « Alain et l’esthétique »). Erin Gibson, trad. Manifesto: A Century of isms. Mary Ann Caws, ed. Lincoln: U. of Nebraska, 2001:488-92.
  • « The Domain of the Marvelous » (extrait tiré de l’essai « Alain et l’esthétique »). Erin Gibson, trad. Surrealist Painters and Poets: An Anthology. Mary Ann Caws, ed. Cambridge: MIT Press, 2001:157.
  • « André Breton, Poet », Guy Ducornet et Franklin Rosemont, trad.; « Discontent of a Civilization », Penelope Rosemont, trad.; « 1943: Surrealism and Us » et « The Domain of the Marvelous » (extrait tiré de l’essai « Alain et l’esthétique »), Erin Gibson, trad. Surrealist Women: An International Anthology. Penelope Rosemont, ed. Austin : U of Texas P, 1998:127-37.
  • « Leo Frobenius and the Problem of Civilizations », « A Civilization’s Discontent », « 1943 : Surrealism and Us » et « The Great Camouflage ». Krzysztof Fijalkowski et Michael Richardson, trad. Refusal of the Shadow: Surrealism and the Caribbean. Michael Richardson, ed. London: Verso, 1997:82-87, 96-100, 123-26, 156-61.

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mis en ligne : 6 septembre 2006 ; mis à jour : 17 décembre 2020