Galerie Monnin, Saint-Louis Blaise

Mariage campagnard de Saint-Louis Blaise (1977). Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Mariage campagnard de Saint-Louis Blaise (1977).
Collection de Michel Monnin, photo de Bill Bollendorf.

Épaules droite et gauche de Saint-Louis Blaise (1989) Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf. (Sur chacune des épaules: André Pierre et Jean-Claude Duvalier)

Épaules droite et gauche de Saint-Louis Blaise (1989)
Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf. (Sur chacune des épaules: André Pierre et Jean-Claude Duvalier)

1973

Propos de Saint-Louis Blaise recueillis dans « Saint-Louis Blaise », catalogue édité par la Galerie Monnin et imprimé en France, p. 3-4.

1956

     Je suis né à Cap-Haïtien. Je passe mon enfance à la rue 2 avec mes cinq frères et soeurs. Ma mère, Rosita, qui s’occupe d’un petit commerce de fruits et légumes, fait la navette entre le Cap-Haïtien et Port-au-Prince. Mon père, Moralès Blaise, collecte les taxes de marché. Passionné de combats de coqs et d’autres jeux de hasard, il boit et a plusieurs « femmes-dehors ».

À l’école, ce n’est pas brillant mis à part le dessin où je suis le meilleur de la classe. J’ai une passion pour les cerfs-volants que je confectionne avec du papier fin, rouge, bleu, jaune, vert. Quand ils montent, on dirait des morceaux de ciel multicolores et ils se mettent à chanter dans le vent. Je fabrique aussi des camions avec des boîtes de conserve et du bois peint qui font l’envie des enfants du voisinage. C’est encore moi qui décore le drapeau et les maillots de mon équipe de football. J’ai un don, je suis né artiste!

1969

     Un jour, en revenant de l’école, je m’arrête à l’atelier des peintres Charles Anatole et Maurice Altiéri et leur dis avec effronterie que je trouve leurs dessins très médiocres. Ils me toisent et je me sens tout petit dans mes pantalons courts. Je trace quelques tableaux pour eux et à leur retour de Port-au-Prince ils me font de menus cadeaux. Je continue à dessiner pour eux, si bien qu’Anatole veut l’exclusivité de ma production. Une bagarre s’ensuit entre les deux compères et je m’enfuis avec mon crayon. Ma mère me procure du matériel et je signe mes deux premiers tableaux que je vends à un blanc de passage pour cent vingt-cinq dollars. Je suis fou, fou: je m’achète deux paires de pantalons longs et je donne le reste de l’argent à maman.

1971

     Je fais l’école buissonnière pour fréquenter les ateliers d’artistes, Philomé Obin, Louis Agénor, les frères Bottex. Seymour Bottex vend régulièrement mes toiles à la Galerie Issa. Tout l’argent passe à soigner mon père qui garde le lit depuis de longs mois. Il est atteint d’une « maladie drôle » et quand il meurt, il faut hypothéquer la maison pour l’enterrer dans la dignité. Je quitte définitivement l’école pour soutenir la famille et je vais travailler chez Issa avec mon frère aîné Moléon qui lui aussi s’est mis à peindre. Après une violente discussion avec E. Gourgue – nous, gens du Cap on a beaucoup de fierté – nous laissons l’avenue du Chili à Port-au-Prince et je m’embarque pour les Bahamas avec l’intention de gagner la Floride.

1972

     À Nassau, je suis attiré par la vitrine d’un magasin qui expose des tableaux figuratifs « très poussés »; j’entre.

– May I help you?

– ……!

– What do you want?

– Artiste, moi, artiste …!

Par bonheur – j’ai toujours eu de la chance – le commis est haïtien et traduit. Je suis engagé sur le champ. Je peins pour son patron six toiles représentant des généraux de l’Indépendance en grands uniformes chamarrés, bottes lustrées et je pars pour Sainte Lucie. à Freeport, je me fais arrêter dans la rue par un petit garçon que son père tient par la main. Ils veulent savoir qui a peint les motifs de mon Tee-shirt. Durant deux mois, je fais les portraits de toute la famille. Un Allemand, propriétaire de l’Hôtel Conquistador, m’engage pour exécuter une murale derrière son bar, d’après une carte céleste.

Bal criminel sous la tonnelle de Fabolon Blaise (le frère de Saint-Louis Blaise) Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf.

Bal criminel sous la tonnelle de Fabolon Blaise (le frère de Saint-Louis Blaise)
Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf.

L'Enterrement de Fabolon Blaise (1982) Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf.

L’Enterrement de Fabolon Blaise (1982)
Collection de Michel Monnin; photo de Bill Bollendorf.

Je suis alors sous l’influence de Chagall et de Picasso. Je réalise une fresque sensationnelle avec des astres fous qui tournent comme des toupies en suivant des schémas compliqués. Ensuite je peins des poissons dans sa piscine, si bien que, dans l’eau, ils se mettent à frétiller.

Ma mère et ma soeur sont venues me rejoindre; j’obtiens un visa américain pour cette dernière. à présent, je n’ai plus qu’une envie: revenir dans mon pays, Haïti.

Je m’installe à Carrefour avec mes frères Moléon, Fabolon, Ti-André, tous peintres à l’heure qu’il est. J’achève trois tableaux que Moléon signe et vend chez Monnin plus cher qu’à « Nader’s Art Gallery » – ça marche – et par un beau matin de juillet 1974 je me présente « bien fin » – chemise à manches bouffantes, souliers vernis – à la Galerie Monnin. Tout de suite je suis frappé par l’ambiance et je me dis « tu as enfin trouvé ce que tu cherchais ». La qualité des Sénatus, Simil, Sanon, le fondu des couleurs, le travail main, les détails exécutés avec soin, la lumière me captivent. Sous la direction de Michel Monnin, une nouvelle école de peinture prend forme. Avec patience et à la force du poignet, dans une atmosphère d’amicale compétition, chacun a la volonté de se surpasser.[…]


Principales expositions:

  • Musée d’Art Naïf Anatole Jakobsky, Nice (1983).
  • Café de la Paix, Paris (1985).
  • Grand-Palais, Paris (1988).

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/blaise/

mis en ligne : 1 octobre 2002 ; mis à jour : 16 octobre 2020