Beaudelaine Pierre, 5 Questions pour Île en île


L’auteure Beaudelaine Pierre répond aux 5 Questions pour Île en île.

Entretien de 38 minutes réalisé par téléconférence à Saint-Paul (Minnesota) le 26 septembre 2020 par Joëlle Vitiello.

Notes de transcription (ci-dessous) : Joëlle Vitiello.

Dossier présentant l’auteure sur Île en île : Beaudelaine Pierre.

début – Mes influences
5:37 – Mon quartier
8:57 – Mon enfance
16:24 – Mon oeuvre
33:09 – L’insularité


Mes influences

L’autre, la vie quotidienne, les gens qui vivent avec moi, les repères qui me font réfléchir à mon passé, les parents, ce que représentent mes parents, les enfants et la franchise de leur regard, se rendre compte de la multiplicité des apports des gens à ma vie me font réfléchir à l’écriture, se voir en l’autre, voir comment les autres agrandissent mon champ de vision. Enseigner la littérature caribéenne me fait aussi découvrir le regard des autres écrivains. L’enseignement de la littérature des femmes caribéennes me procure le plaisir de pénétrer l’univers des autres écrivains, comment elles imaginent le monde, quelle est la transformation qui s’opère, aller à la rencontre de l’autre. Voir le monde qui se forme à travers plusieurs visions. Mes influences sont partout, dans la nature, prendre le temps d’observer comment les éléments participent à ma vie.

Mon quartier

La rue Guerrier à Saint-Michel où j’ai passé les huit premières années. Nous sommes six enfants : cinq filles et un garçon. Les divers quartiers de Port-au-Prince quand nous avons quitté Saint-Michel-de-l’Attalaye, surtout le quartier de Delmas. Nous nous déplacions souvent, Delmas 18, 6, 33. Nous avons passé près de dix ans à Saint-Paul dans les Villes Jumelles, où nous nous sommes constitué notre propre quartier. Je pense surtout à une géographie humaine, qui permet de tisser des liens aussi à distance. C’est toujours l’effort d’aller vers l’autre, de traverser des zones géographiques différentes. C’est comme cela que je conçois mon quartier littéraire.

Mon enfance

C’est Saint-Michel-de-l’Attalaye, dans la maison de mes parents, dans le jardin, les fruits, les arbres que nous avons plantés, l’univers de camaraderie, mon frère qui se déplace à cheval. L’école formelle et l’école de la maison de mon père. Ma mère enseignait aussi. Elle cuisinait aussi. Il a fallu retisser des liens quand nous sommes allés vivre à Port-au-Prince. Pendant plusieurs années pendant mon adolescence, mes soeurs et moi nous avons fréquenté une église, l’Assemblée Shalom à Delmas où j’ai construit des amitiés durables. J’écrivais des poèmes que je lisais depuis le haut de la chaire, ou une pièce de théâtre que les gens jouaient. Donc l’église a participé à mon espace d’écriture, c’était un espace de libération.

Mon œuvre

C’est le voyage, la rencontre avec l’autre. La rupture avec Saint-Michel-de-l’Attalaye a déterminé la notion de déplacement dans mon oeuvre. Le premier texte que j’ai publié s’appelait « Le voyage de la vie » publié dans un journal universitaire à Montréal. C’est moi dans le monde et le monde en moi. Les langues participent aussi à ma formation : le créole, le français et l’anglais. Testaman, le premier roman en créole était une façon d’explorer la situation politique, économique et sociale en Haïti à partir des langues. J’ai écrit aussi ma thèse en créole, ce qui était difficile parce qu’on ne considérait pas la langue créole comme une langue de recherche. Les espaces où j’ai travaillé au journal Le Matin sous la direction de Jacques Roche, l’équipe du GAR (Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés) dirigé par Colette Lespinasse. Les classiques que j’ai lus et le sentiment que j’existe au-delà de certains murs travaillent et définissent le rôle que l’écriture peut jouer. J’ai particulièrement travaillé l’essai et les textes courts ces dernières années. Ma réalité aujourd’hui traverse mon écriture en anglais.

L’Insularité

La relation avec l’autre. Le désir de partir et le besoin du retour font un mouvement continuel. C’est à l’adolescence que j’ai découvert la mer. Nous sommes tous une île en nous-mêmes et nous avons besoin des autres pour nous ouvrir au monde.


Beaudelaine Pierre

Beaudelaine Pierre. 5 Questions pour Île en île.
Entretien, Saint-Paul (Minnesota, 2020). 38 minutes. Île en île.
Mise en ligne sur YouTube le 14 novembre 2020.
Entretien réalisé par Joëlle Vitiello.

© 2020 Île en île


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mis en ligne : 15 novembre 2020 ; mis à jour : 15 novembre 2020