Victor Jean-Louis Baghio’o

Victor Jean-Louis Baghio'o

Victor Jean-Louis Baghio’o (1910-1994) vers 1935.
D.R. Archives privées Jean-Louis

Victor Jean-Louis est né le 21 décembre 1910 à Fort-de-France, Martinique, second fils du magistrat Henri Jean-Louis (dit « Baghio’o » ou « Jean-Louis Jeune ») originaire de Sainte-Anne en Guadeloupe, et de Fernande de Virel, violoniste et pianiste.

En raison d’une santé fragile et d’un caractère ombrageux, Victor Jean-Louis connaît une enfance très libre en Guadeloupe, entre ses deux grands-mères : la musicienne créole, Marie de Virel, et la grand-mère paternelle hindoue, qui le surnomme Vishnou. En lieu d’école, il est souvent confié à un oncle qui fait du cabotage entre les îles avec un voilier. De 1921 à 1923, Victor est de retour en Martinique où son père est nommé substitut du procureur, avant d’être muté au Congo Brazzaville. Placé en pension avec son frère aîné au Collège Sainte-Barbe à Paris, il fugue pendant un an puis reprend des études qui le mènent à l’Institut Électrotechnique de Grenoble où il décroche un diplôme d’ingénieur en 1930.

Après deux années de participation à la construction de barrages hydroélectriques en Égypte, il revient à Paris où sa mère enseigne la musique, et où son père, de retour d’Afrique, crée la Revue du Monde Noir avec le cercle des sœurs Nardal. Victor Jean-Louis réoriente alors ses activités professionnelles vers la prise de son pour la radio et le cinéma, épouse une actrice, rédige un ouvrage sur l’économie mondiale et accomplit son service national comme officier de réserve. Engagé comme ingénieur radio au Poste Parisien, il y côtoie notamment les journalistes Robert Desnos et Alejo Carpentier. Avec les autres Antillais et Africains de la capitale, il fréquentent les bars et les dancings de Montparnasse et de Montmartre.

La guerre déclarée, il participe en tant qu’officier de l’armée française, s’appelant « le lieutenant Coolie », à la Bataille de France. Il est blessé puis interné comme prisonnier de guerre en Suisse, de juin 1940 à février 1941. C’est là que débute son activité littéraire. De retour en France, il infiltre comme Résistant la Radio-diffusion nationale à Vichy puis à Paris, aux côtés de Robert Desnos, de Marguerite Duras et de Léon-Gontran Damas, dont il est très proche – et qu’il considérera par la suite comme le plus grand parmi les poètes de la Négritude. Soutenu par sa « bande de Corses », il participe à la libération des ondes de Paris comme assistant technique de Pierre Schaeffer au Studio d’Essai.

Nommé directeur technique du Service des Émissions coloniales de la Radio-diffusion française, il proteste contre le racisme et la « coloniaiserie » de cette institution, et fournit le texte d’un divertissement poétique radiophonique diffusé en 1945. La fin de la décennie le voit promu ingénieur en chef des Studios LAX, devenir père de trois enfants avec sa seconde épouse, Henriette, et publier deux ouvrages en 1949 : L’Ingénieur du son dans le cinéma, la radio-diffusion et à la télévision et Issandre le mulâtre, roman plein d’entrain et de féerie, qu’il signe du même nom de plume que son père : Jean-Louis Baghio’o.

De 1951 à 1954, après une absence de 28 ans, Victor Jean-Louis retourne en Guadeloupe près de son père vieillissant. Il installe sa famille à Gourbeyre, où il enseigne les mathématiques au Collège technique Saint-Jean Bosco, et rédige des poèmes et des ébauches de romans. De retour à Paris, il devient chef du service des stages du Studio-École de la Radio pour l’Afrique. Suit de 1957 à 1967 une décennie d’affectations à l’O.C.O.R.A. pour la construction ou la direction de stations de radio francophones en Afrique (Cameroun, Haute-Volta, Congo, Burundi, Sénégal…), et la participation à l’organisation de manifestations culturelles – notamment avec sa jeune sœur, la chanteuse créole Moune de Rivel. Pendant cette période, il retrace aussi le parcours de son père, longtemps juge ou avocat français en A.É.F. Après le décès d’Henri Jean-Louis en 1958, Victor Jean-Louis publie un recueil de poésies, Les Jeux du soleil, sous leur nom de plume commun, Jean-Louis Baghio’o (1960).

De 1967 à 1976, Victor Jean-Louis est affecté dans des services d’ingénierie de l’O.R.T.F. à Paris et représente la radio française à des congrès internationaux. Il publie Le Flamboyant à fleurs bleues (1973), une saga endiablée de ses ancêtres corsaires noirs, les « O’O », qui obtient le Prix des Caraïbes en 1975. Mis à la retraite en 1976, il se consacre aux lettres. Il reprend des études, soutient un mémoire sur Césaire et Saint-John Perse à l’Université de Vincennes (1981), devient membre du jury Prix des Caraïbes, et publie Le Colibri blanc (1980), « mémoire à deux voix » (la sienne et celle du père). Il révise de nombreux manuscrits encore inédits (notamment sur ses expériences de guerre, de camp de prisonniers suisse, et de missions dans l’Afrique du début des Indépendances), œuvres dans lesquelles il implique également les voix de sa femme et de sa fille.

Victor Jean-Louis Baghio’o s’éteint à Paris le 20 décembre 1994, juste avant la parution de son dernier roman, Choutoumounou (1995), dans lequel il revisite le Paris des années 1930 et 1940 en jouant, à nouveau, avec le thème du double et de la gémellité.

– Charles W. Scheel


Oeuvres principales

Poésie:

  • Chant des Iles. Divertissement poétique (texte de J.-L. Baghio’o, mis en musique par H. Tomasi). Paris: Radio-diffusion française, 1945 (non publié).
  • Les Jeux du soleil. Paris: Éditions Coop Arts Graphiques, 1960.

Romans:

  • Issandre le mulâtre. Préface de Katherine Dunham. Paris: Fasquelle, 1949.
  • Le Flamboyant à fleurs bleues. Paris: Calmann-Lévy, 1973 ; Paris: Éditions Caribéennes (avec une Préface de Maryse Condé), 1981.
  • Le Colibri blanc. Paris: Éditions Caribéennes, 1980.
  • Choutoumounou. Préface de Mireille Sacotte. Paris: L’Harmattan, 1995.

Articles et essais:

  • L’Ingénieur du son dans le cinéma, la radio-diffusion et à la télévision. Paris: Éditions Chiron, 1949.
  • La Dialectique radio-télévision en Afrique. Paris: Éditions Ocora, 1963.
  • « Hommage à Léon-G. Damas » et « Sémantique du discours poétique chez L.-G. Damas ». Hommage posthume à Léon-Gontran Damas (1912-1978). Paris: Présence africaine, 1979, 63-64 et 310-321.
  • « À Damas ». Actes du Colloque Léon-Gontran Damas (Paris, décembre 1988). Paris: Présence Africaine, 1989, 276-281.
  • « Deux poèmes, deux poètes: une lecture sémantique du Cahier d’un retour au Pays Natal d’Aimé Césaire et de Pour fêter une enfance de Saint-John Perse », mémoire de maîtrise sous la direction de Maurice Courtois, soutenu à l’Université Vincennes-Paris VIII, 1981 (non publié).
  • « Pour fêter un poète : analyse sémantique de ‘Pour fêter une enfance’ ». Saint-John Perse, Antillais universel. Actes du Colloque de Pointe-à-Pitre, mai-juin 1987. Paris: Minard, 1991, 39-65.

Autres textes:

  • Victor Jean-Louis Baghio’o par lui-même. Lettres, Journaux, Essais et Récits Inédits. Textes réunis et préfacés par Charles W. Scheel. Paris : L’Harmattan (Collection Classiques pour demain), 2016.

Traductions:

  • The Blue Flame-Tree. Traduction anglaise du Flamboyant à fleurs bleues par Stephen Romer. Postface de Maryse Condé. Manchester : Carcanet Press, 1990.

Tapuscrits inédits du legs privé:

  • Le Coolie (Mathouza). Rêve de neige. Récit de captivité, 189 pages.
  • Le Banza ou La Catastrophe. Récit de « La Bataille de France de 1939-40 », 444 pages.
  • Lettres (Chroniques) d’Afrique, 400 pages.
  • Lettres à Pierre Schaeffer, 50 pages.
  • Nos Ancêtres de Ouagadougou. Trois contes africains, 50 pages.
  • Si la Négritude m’était contée. Récit, 123 pages.

Prix et distinctions:

  • 1975     Prix des Caraïbes, pour Le Flamboyant à fleurs bleues.

Sur l’oeuvre de Victor Jean-Louis Baghio’o:

  • Scheel, Charles W. « Trois réalistes-merveilleux antillais: Alejo Carpentier, Jacques S. Alexis et Jean-Louis Baghio’o ». Réalisme magique et réalisme merveilleux. Des théories aux poétiques, préface de Daniel-Henri Pageaux. Paris: L’Harmattan, 2005: 163-204.
  • Scheel, Charles W. « Jean-Louis Baghio’o père et fils : Deux écrivains antillais du vingtième siècle entre quatre continents », étude critique. Revue de Littérature Comparée 357.1 (2016): 63-77.
  • Wylie, Hal. « Choutoumounou [review] ». World Literature Today 70.1 (Winter 1996): 223-224.
  • Yoder, Lauren. « Mythmaking in the Caribbean: Jean-Louis Baghio’o and Le Flamboyant à fleurs bleues ». Callaloo (Fall 1989): 667-679.
  • Voir aussi les liens ci-dessous.

Liens:

sur Île en île:

ailleurs sur le web :


Retour:

Dossier Victor Jean-Louis Baghio’o préparé par Charles W. Scheel

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mis en ligne : 15 mai 2016 ; mis à jour : 15 mai 2016