Une courte et assourdissante folie

Une tendre nébuleuse
rassemble encore une fois nos corps

Submergés par le brouillard et
par la pluie.

Il paraît que maintenant je ne peux penser
qu’aux choses simples:

cou cœur cœur
cúur projeté, poussé

en avant en arrière
comme une courte et assourdissante folie.

Un printemps de froid

Arrivés ensemble dans une
zone de silence tu te rappelles:

des grondements réguliers des salves d’artillerie
des instruments de torture.

Tu voudrais les imiter
les imiter tendrement mais
tu peux à peine retenir ton rire.

Tu lui serres fortement la main.
Et sur son dos surgit
la matière liquide poisseuse la pluie
la dernière pluie sur une ville poussiéreuse.
« Il fait froid en novembre » lui dis-tu.
Elle se tait et ses prunelles
soudain rétrécies te font rappeler
un demi-sommeil et une
demi-pomme flétrie.

11 et 32 minutes

Nous attendons dans le hall de la gare et
nous regardons la pendule
Vasile dit qu’il va se suicider
cette semaine.
Il y a encore une demi-heure.

Je me rappelle la façon dont Harry
Étendait une pellicule de plastique sur le drap
Avant de s’ouvrir les veines pour ne pas salir le salir
De sang dans l’obscurité
J’arrive chez moi je dis à Vasile

Ce train met cinq heures
Il me tend un cadeau
Dans un sachet en plastique pour sa fille

La leçon de français

«Guillaume est mon mari»
dit-elle

Moi je balbutie une fois
«bonne nuit»

Sa main sur l’édredon répète

La même leçon de français.

Comment pourrais-je traduire pour elle
Le hurlement matinal s’élevant du milieu
Des habitants de cette ville
Coincée entre Patria et Hidro et
Plus loin, là où l’autobus
S’arrête dans la gare
Et explose.